Mission spatiale : Goce dévoile la gravité de la Terre

L'Agence spatiale européenne vient de lancer un satellite destiné à mesurer la gravité sur l'ensemble de la Terre. Objectif : mieux comprendre la circulation des courants océaniques, les mouvements des calottes glaciaires, ou encore la tectonique des plaques.

le 08/04/2009

Goce échappe à la gravité...

Le 17 mars, un satellite baptisé Goce (prononcer à l'italienne, « Gotché ») a été lancé depuis la base russe de Plesetsk, à l'aide d'un missile SS-20 reconverti en lanceur. Son but : mesurer très précisément le champ de gravité sur l'ensemble de la Terre, afin d'observer en détail la circulation océanique, les mouvements des calottes polaires, ou encore les variations de densité de la croûte terrestre. Les informations ainsi obtenues permettront d'améliorer les modèles du climat, et de mieux comprendre la tectonique des plaques à l'origine des tremblements de terre et des volcans. Les premières mesures de ce petit satellite d'une tonne développé par l'Agence spatiale européenne (ESA) sont prévues en août 2009. Le coût de Goce s'élève à 350 millions d'euros.

... pour mieux la mesurer

La Terre ? Une sphère ?

Pour comprendre les objectifs de Goce, un petit rappel sur la gravitation terrestre s'impose. Si nous ne flottons pas dans les airs, si nous retombons lorsque nous sautons, c'est à cause de l'attraction que la masse de la Terre exerce sur nous. Cette attraction est appelée la gravité. Si la Terre était une boule parfaitement ronde et homogène, la gravité serait strictement égale en tout point de la Terre, et Goce serait inutile. Mais ce n'est pas le cas : les montagnes, très massives, augmentent la gravité, et certaines zones terrestres ou océaniques sont plus denses que d'autres, leur gravité est également plus élevée. Ce sont ces minuscules variations de gravité que Goce doit mesurer, avec une précision cinquante fois supérieure à la précédente mission sur la gravité, Grace, lancée en 2002.

Les conséquences de ces variations sont surprenantes. Ainsi, l'altitude des océans n'est pas égale sur tout le globe, même si l'on met de côté l'effet des marées. En effet, une zone ayant une gravité légèrement plus forte attire davantage d'eau qui s'accumule sur cette zone, et l'on observe une petite bosse. Au contraire, une région de faible gravité entraînera un léger creux. Le dénivelé des océans atteint ainsi près de 200 mètres. En joignant tous les points qui ont la même gravité, on obtient une surface (légèrement bosselée) appelée géoïde. C'est ce géoïde que Goce mesurera, avec une précision en hauteur de 1 à 2 centimètres. Pour cela, l'Onera, l'organisme français de recherches aérospatiales, a mis au point des détecteurs de gravité ultraprécis, capables de mesurer des variations d'un millionième de la gravité terrestre.

Des accéléromètres de haute technologie

Quels sont les détecteurs de Goce ?

Au cœur du satellite se trouvent les instruments clé de la mission Goce : trois paires d'accéléromètres ultrasensibles. Chaque accéléromètre est formé d'une masse d'épreuve en platine maintenue en lévitation dans un champ électrique. Ces masses « flottent », et ne subissent que l'accélération due à la gravité à leurs emplacements respectifs, tandis que le satellite ressent de plus les frottements de l'atmosphère. Comme les masses subissent une accélération différente de celle du satellite, elles tendent à s'écarter du centre de leur cage. En mesurant la tension électrique nécessaire pour maintenir chaque masse au centre de la cage, on connaît l'accélération qu'elles ressentent. Dans chaque couple d'accéléromètre, on mesure ainsi par différence la variation du champ de gravité entre les deux masses distantes de 50 centimètres. L'existence de trois couples d'accéléromètres permet de mesurer ces différences de gravité dans les trois directions de l'espace.

250 kilomètres d’altitude

Goce opère à 250 kilomètres d’altitude

La recherche de précision de Goce rejaillit aussi sur la durée de la mission. En effet, plus le détecteur sera proche de la Terre, plus il mesurera précisément les variations de gravité. C'est pourquoi le satellite Goce opèrera à 250 kilomètres d'altitude, bien plus bas que la plupart des satellites d'observation terrestres, qui circulent généralement vers 800 kilomètres.

Mais cette faible altitude présente un inconvénient : les frottements de l'atmosphère freinent le satellite, qui tend à descendre davantage. C'est pourquoi Goce a emporté une petite quantité de carburant lui permettant de compenser ce freinage pendant environ deux ans. Une fois ce carburant épuisé, il perdra inexorablement de la hauteur, et finira par tomber. Goce est donc une mission courte, offrant une « photographie » de la gravité terrestre, mais ne permettant pas d'étudier ses variations à long terme. D'autres observations seront donc nécessaires pour passer de la photographie au film. Cinq autre missions d'exploration de la Terre sont prévues par l'ESA dans les prochaines années.

Climatologie et tectonique

Les courants océaniques

Les retombées scientifiques de Goce concernent d'abord la climatologie. En effet, la connaissance des courants océaniques est indispensable pour bien comprendre les transferts de chaleur au sein des océans, qui affectent le climat. Or, l'eau froide est plus dense que l'eau chaude, et l'eau salée est plus dense que l'eau douce. En couplant les données de gravimétrie avec des données sur l'altitude des mers (provenant d'autres satellites), les scientifiques pourront mieux connaître les courants marins, et surtout leur évolution. Goce permettra aussi de connaître l'épaisseur des calottes glaciaires.

Enfin, Goce établira une carte détaillée des variations de densité de la croûte terrestre, et d'une partie du manteau, jusqu'à 200 kilomètres de profondeur environ. L'objectif est de mieux comprendre les mouvements tectoniques à l'origine des tremblements de terre et des volcans et, qui sait, de mieux les prévoir.

le 08/04/2009