Fukushima, un chantier de titan

Six mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima, à défaut d'être totalement maîtrisée, la situation est à peu près stabilisée sur le site de la centrale. Le chantier en cours reste gigantesque.

Par Paloma Bertrand, le 16/09/2011

Six mois d'état d'urgence

Vue aérienne de deux des bâtiments de la centrale

Dans le long chemin qui doit mener à la reprise en main des installations nucléaires dévastées par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, le gouvernement japonais et Tepco, l’exploitant de la centrale, ont depuis juillet réussi à stabiliser la situation. Les réacteurs 1, 2 et 3, qui étaient en fonctionnement lors de la catastrophe et dont les cœurs ont fondu, sont désormais refroidis par un circuit d’injection d’eau. L’objectif est de parvenir à réduire la température de cette eau – qui avoisine aujourd’hui les 100°C – pour aboutir d’ici quelques mois, à un « arrêt à froid » de ces trois réacteurs (à moins de 100°C).

Décontaminer les lieux

Une des salles de retraitement de l'eau radioactive

Depuis le mois d’août, trois installations de décontamination de l’eau radioactive sont en fonctionnement sur le site de la centrale. L’eau ainsi retraitée est réutilisée dans les circuits de refroidissement des piscines et des réacteurs. Ces dispositifs permettent de commencer à résorber la quantité d’eau radioactive qui s’est accumulée sur le site. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à la mi-août, 44 000 tonnes d’eau radioactive ont été traitées et il en resterait environ 100 000 tonnes dans les différents bâtiments du site. Tepco estime arriver au retraitement total de l’eau contaminée à la fin de l’année.

Ces cuves servent au stockage temporaire des eaux contaminées et des eaux traitées.

Quant aux piscines situées en hauteur des bâtiments et utilisées pour entreposer les combustibles usés ou arrêtés pour maintenance (comme dans le cas du réacteur 4), elles sont désormais refroidies en circuit fermé et la température de l’eau est maintenue en dessous de 40°C. La piscine du réacteur 4, très endommagée lors de la catastrophe, continue néanmoins d’être refroidie par un apport d’eau supplémentaire. Tepco a engagé des travaux de renforcement de cette piscine (pose de piliers en acier, coulage de béton). Un renforcement des structures des autres piscines est prévu au cours des prochains mois.
La résistance des structures des bâtiments des réacteurs reste un sujet de préoccupation sérieux étant donné l’activité sismique de la région.

Limiter les rejets radioactifs

Opérateurs aux commandes des engins télécommandés de déblaiement

La radioactivité qui reste très élevée aux abords des bâtiments contraint Tepco à utiliser des engins télécommandés pour réaliser la plupart des travaux. Le débit mesuré début septembre par la balise située à l’entrée du site de la centrale est de 30 microsieverts/heure. Quant aux rejets de radioactivité dans l’atmosphère, ils sont qualifiés par l’IRSN de « diffus » et sans commune mesure avec ceux survenus mi-mars.

Tant que l’eau de refroidissement des réacteurs reste proche des 100°C, de la vapeur d’eau chargée en particules radioactives est toujours susceptible de sortir de l’enceinte des réacteurs. Des injections d’azote sont effectuées dans ces enceintes afin d’éviter le risque de combustion de l’hydrogène et donc des explosions similaires à celles survenues durant les premiers jours de la catastrophe (des explosions qui ont été à l’origine des panaches hautement radioactifs qui ont touché la préfecture de Fukushima et ses alentours).

La structure de couverture du bâtiment 1 est en cours de construction.

Pour éviter autant que possible la dispersion de poussières radioactives, une structure métallique recouverte de plastique est en cours d’installation autour du bâtiment du réacteur 1 depuis début juillet. Le même dispositif devrait être installé à terme sur les bâtiments 3 et 4, également très endommagés. Le site de la centrale est régulièrement aspergé de résine pour maintenir au sol les poussières radioactives.

Les fuites et l’accumulation d’eau radioactive sur le site ont été à l’origine d’une importante contamination maritime. Les fuites repérées ont été colmatées dans l’urgence, une barrière flottante et des sacs de zéolite (un matériau capable d’absorber le césium) ont été déposés en travers du port. La baisse des quantités d’eau déversées sur le site est sans doute responsable de la baisse de la pollution maritime qui, néanmoins, persiste. La possibilité de construire une barrière hydrogéologique pour limiter la contamination de l’océan est à l’étude.

A très long terme...

Un robot en repérage au premier étage du bâtiment 1.

La situation sur le site de Fukushima ne sera considérée comme maîtrisée que lorsque les combustibles auront été évacués et entreposés en lieux sûrs.
Pour ce qui est des combustibles entreposés dans les piscines des réacteurs 1 à 4, Tepco annonce un délai de trois ans avant de pouvoir débuter les opérations. Car elles nécessitent la conception et la fabrication d’outils capables de manipuler ces produits qui ne doivent jamais être exposés à l’air libre.
Quant aux cœurs des réacteurs 1, 2 et 3, il faudra de dix à vingt ans, selon les sources, pour en venir à bout. Tepco ne dispose aujourd’hui que de très peu d’information sur l’état des réacteurs et des cuves de confinement. Seules certitudes : les trois cœurs des réacteurs ont fondu et les cuves ne sont plus étanches. Mais il est aujourd’hui impossible de savoir si le corium formé par la fusion des éléments des réacteurs est resté confiné dans les cuves où s’il s’en est échappé et en quelle quantité. Selon l’IRSN, une des premières difficultés à résoudre sera le noyage complet du combustible, impossible aujourd’hui du fait des fuites des cuves et des enceintes. Une opération qui nécessite a priori d’étanchéifier les lieux. Comment y arriver ? Nul ne le sait. Un état des lieux précis est un préalable à la conception de solutions techniques capables peut-être de venir à bout d’une catastrophe de cette ampleur.

Paloma Bertrand le 16/09/2011