Nobel de médecine 2012 : les cellules IPS à l’honneur

L’attribution du prix Nobel à l’Anglais John Gurdon et au Japonais Shinya Yamanaka récompense l’une des plus grandes avancées de la biologie : la reprogrammation cellulaire.

Par Paloma Bertrand, le 08/10/2012

John B Gurdon

Cinquante années séparent les deux lauréats. L’aîné, John Gurdon âgé aujourd’hui de 79 ans, a montré dans les années 1960 qu’une cellule adulte spécialisée - une cellule de peau, d’intestin ou de n’importe quel tissu - conservait dans son patrimoine génétique la capacité à se transformer en une autre cellule du corps. Pour asseoir sa démonstration, John Gurdon a travaillé à partir d’une grenouille et d’un ovocyte du même animal. Il a emprunté à la première le noyau d’une cellule d’intestin qu’il a inséré dans un ovocyte débarrassé au préalable de son noyau d’origine. De cette manipulation est né un têtard parfaitement constitué : un clone de la « donneuse ». Le noyau de la cellule d’intestin disposait donc bien du programme génétique nécessaire à la conception d’un organisme complet et viable. Et placé dans un environnement spécifique, ce programme pouvait être relancé.

 

Shinya Yamanaka

L’année où John Gurdon publiait ce résultat, naissait à Osaka, au Japon, Shinya Yamanaka, l’autre lauréat. Une star dans le domaine de la biologie depuis sa découverte en 2007 d’un mécanisme permettant de transformer des cellules adultes en « cellules à tout faire », aux propriétés similaires à celles des cellules souches embryonnaires. En insérant quelques gènes au moyen d'un vecteur viral, Yamanaka est en effet parvenu à déclencher une sorte de « retour en arrière » : des cellules spécialisées redeviennent tout à coup indifférenciées, capables ensuite d'évoluer vers les différents tissus du corps humain (muscle, neurone, peau...). Une révolution qui permet d'entrevoir de nombreuses applications concrètes, comme le remplacement des cellules malades par des tissus neufs, directement fabriqués à partir des cellules du patient lui-même, et donc ne posant pas de problème de rejet. Les essais thérapeutiques n’ont, jusque-là, été pratiqués que sur des modèles animaux, mais en 2013 devrait débuter au Japon le premier essai sur l’homme pour des patients souffrant d’une maladie de la rétine.
Ces cellules que Yamanaka a nommées IPS (Induced Pluripotent Stem, « cellules pluripotentes induites »), constituent aussi une matière première exceptionnelle pour étudier de nombreuses maladies en laboratoire et tester divers traitements. Des maladies génétiques pourraient ainsi être suivies au premier stade de leur développement. En offrant la possibilité de fabriquer des neurones à partir de simples cellules de peau, cette technique a aussi ouvert de nouvelles perspectives pour l’étude de maladies mentales comme la schizophrénie.
Alors que l’utilisation des cellules souches embryonnaires soulève de nombreuses questions éthiques, la découverte de Yamanaka, pour l'heure cantonnée aux laboratoires, permet néanmoins d'envisager de nouvelles applications thérapeutiques. 

 

Paloma Bertrand le 08/10/2012