Les prochaines étapes de la conquête spatiale

Les lanceurs du futur

Les lanceurs spatiaux coûtent pratiquement aussi chers qu'un gros avion de ligne (une centaine de millions d'euros) mais ne servent qu'une seule fois. Dès lors, faut-il les transformer en véhicules réutilisables, à l'instar des navettes spatiales ? Pas si sûr, répondent aujourd'hui les experts.

Voiles solaires

Développer un lanceur réutilisable coûte extrêmement cher à construire et à entretenir (1). Nécessairement muni d'ailes et d'un train d'atterrissage, ce type de lanceur serait beaucoup plus lourd que les systèmes existants et demanderait donc plus d'énergie pour être propulsé. Il nécessiterait par ailleurs d'importantes infrastructures supplémentaires (piste d'atterrissage, atelier de maintenance). Enfin, on ne sait pas, à l'heure actuelle, fabriquer tous les composants d'un lanceur de façon réutilisable, notamment les moteurs. En revanche, des progrès sont attendus du côté des matériaux (2) et de l'électronique de bord. Concernant les futurs modes de propulsion, est envisagée la possibilité de remplacer l'hydrogène par du méthane, moins volumineux et plus simple d'utilisation mais moins performant. À plus long terme, de nouvelles technologies sont envisagées, comme la propulsion nucléaire ou magnéto-plasmique (3).

1. D'après le CNES, le coût de développement d'un gros lanceur réutilisable serait d'environ 14 milliards d'euros (contre 7 pour Ariane 5) et son utilisation coûterait à peine 5 à 10 % de moins que les lanceurs actuels. 2. On s'oriente, par exemple, vers des alliages plus légers et plus rigides tels que l'alliage aluminium-lithium. 3. Il s'agit de convertir l'énergie électromagnétique en énergie cinétique. L'idée est d'utiliser des champs électromagnétiques pour chauffer, ioniser et accélérer un fluide que l'on éjecte ensuite à grande vitesse.

Moteur ionique pour les sondes ?

Moteur ionique pour les sondes ?

Les sondes sont généralement équipées d'un moteur chimique mais, depuis peu, un autre type de moteur est envisagé. Testé avec succès sur la sonde européenne Smart-1 en 2003, le moteur ionique consomme cinq fois moins que le moteur chimique classique, allégeant considérablement l'engin. La poussée est nettement plus faible mais elle peut être délivrée durant des années. Bepi-Colombo (ci-contre, vue d'artiste), la sonde européenne à destination de Mercure pour 2014, et Solar Orbiter, la sonde européenne à destination du Soleil pour 2017, auront recours à cette technologie.

Les Américains lâchent la Lune !

Durant l'automne 2007, le Japon puis la Chine lancent leur première sonde en orbite autour de la Lune. Ils sont suivis par l'Inde un an plus tard. Points communs à ces trois missions : rendre les cartes lunaires plus précises, mieux comprendre l'histoire de notre satellite, mais surtout démontrer que ces pays maîtrisent les technologies propres à l'exploration du système solaire.

Le projet de base lunaire est abandonné

Dans cette course à la Lune, les sondes en orbite ne représentent qu'une première étape. Les projets d'alunissage de robots se multiplient. L'Inde, en collaboration avec la Russie, prévoit d'envoyer un robot mobile à la surface de la Lune en 2012. La Chine et le Japon travaillent, chacun de leur côté, sur un projet identique pour 2013 ou 2014. Le robot européen Moon-Lander pourrait également se déplacer sur notre satellite vers 2015-2018.

Quant aux Américains, après que l'ex-président eut annoncé, en 2004, le retour des hommes sur la Lune à l'horizon 2020 avec le programme Constellation, Barack Obama décide, le 1er février 2010, l'abandon de ce projet. En contrepartie, il propose d'augmenter de 6 milliards de dollars sur cinq ans le budget de la Nasa – qui passera ainsi à 19 milliards de dollars (13,5 milliards d'euros) en 2011 – afin de développer des technologies en matière de propulsion pour de futures missions habitées lointaines (par exemple, sur Mars). Et, avec l'aide de financements privés, d'élaborer de nouveaux moyens de transport pour les équipages, y compris pour l'ISS. Une petite révolution qui soulève des interrogations en matière de sécurité des vols habités.

La Chine, un nouveau venu dans l’espace

La Chine, un nouveau venu dans l'espace

27 septembre 2008 : la Chine boucle son troisième vol habité et s'offre le luxe d'une première sortie dans l'espace d'environ quinze minutes. Elle devient ainsi la troisième nation capable d'envoyer seule des hommes dans l'espace, quarante ans après l'URSS et les États-Unis. La Chine entend ainsi confirmer son entrée parmi les grandes puissances spatiales. Prochains objectifs de son ambitieux programme : construire une station spatiale 100% chinoise d'ici 2020 et établir une base lunaire d'ici 2050.

Une course éminemment politique

Il y a quarante ans, deux pays se disputaient l'hégémonie mondiale et se servaient de l'espace pour asseoir leur supériorité : les États-Unis et l'URSS. Aujourd'hui, les États-Unis sont toujours sur le devant de la scène spatiale, la Russie – dont le financement des projets spatiaux a fortement diminué depuis la disparition de l'URSS – est en perte de vitesse et de nouvelles puissances sont entrées dans le club très restreint de l'exploration spatiale : l'Europe d'abord, puis le Japon et, plus récemment, la Chine et l'Inde. S'il est vrai que les activités spatiales ne répondent plus au seul souci de prestige, les intérêts d'ordre géopolitique restent encore considérables, notamment pour les nouveaux venus. De fait, l'espace représente une formidable vitrine politique pour les pays et sa médiatisation aisée permet un impact direct non seulement au niveau national, mais également au niveau mondial. La Chine en est le meilleur exemple : ses habitants, qui n'avaient guère eu l'occasion de voir les images du premier homme sur la Lune en 1969, ont accueilli leurs premiers taïkonautes comme des héros en 2003 ; dans le reste du monde, l'écho médiatique a été d'autant plus important que la Chine est considérée comme un concurrent en pleine croissance. Inversement, le faible retentissement international des missions japonaises tient à la position effacée du pays sur la scène géopolitique.

Vers de longs séjours dans l'espace ?

Les difficultés liées à un séjour spatial prolongé sont nombreuses. Si l'absence de gravité, qui induit notamment une perte osseuse significative, peut être compensée grâce à l'exercice physique et à la prise de médicaments, les rayonnements posent problème. Notamment les rayonnements cosmiques, flux de particules capables de passer au travers des parois d'un vaisseau spatial. Or, lorsque les particules traversent le corps humain, elles endommagent les cellules et peuvent avoir un effet cancérigène.

Le voyage immobile

Autre difficulté : la question des ressources vitales, telles que l'eau, l'oxygène et la nourriture. Si une mission vers Mars avec six astronautes devait tout emporter depuis la Terre, elle nécessiterait environ 27 tonnes de consommables. Une charge bien trop importante pour un tel voyage. Cela impose donc des techniques de recyclage et de fabrication de ressources sur place. Les chercheurs imaginent ainsi utiliser la glace de Mars pour récupérer de l'eau. Ils espèrent aussi pouvoir produire du carburant (méthane) à partir du dioxyde de carbone et de l'hydrogène. Enfin, un système de recyclage des déchets est à l'étude à l'Esa. Appelé Melissa (Micro-Ecological Life Support Alternative), ce projet consiste à créer un écosystème artificiel basé sur des micro-organismes capables de digérer les déchets et de les transformer en compost sur lequel des plantes, choisies pour leurs qualités nutritives et leur faculté à pousser dans des conditions extrêmes, pourraient être cultivées.

Le retour attendu d’échantillons martiens

Le grand projet d'exploration annoncé par la Nasa pour le XXIe siècle est l'envoi d'hommes sur Mars. Toutefois, une mission humaine sur la planète rouge n'est envisagée qu'après un retour sur la Lune. En effet, d'innombrables problèmes se posent, à commencer par la durée du voyage : environ 300 jours pour un aller simple sur Mars, contre trois jours pour atteindre notre satellite naturel. En outre, une ultime étape de la conquête martienne est prévue avant l'envoi d'hommes : le retour d'échantillons. Le scénario imaginé par la Nasa et l'Esa, et présenté en juin 2008 par le groupe de travail iMars (International Mars Architecture for Return of Samples) ? Un robot ayant atterri sur Mars sera chargé de récupérer 500 grammes de roches, échantillons qu'il déposera dans un conteneur intégré à une fusée. Cette dernière décollera de la planète rouge et larguera son conteneur en orbite basse, où une sonde le récupérera pour le renvoyer vers la Terre. L'analyse des échantillons permettra notamment de dater les roches avec une grande précision et de rechercher des molécules associées à l'apparition de la vie ainsi que d'éventuelles bactéries – vivantes ou fossiles –, des études impossibles à réaliser sur place. Coût de cette mission annoncée pour les années 2020 : autour de 5 milliards d'euros.

Marcher sur un astéroïde ?

Marcher sur un astéroïde ?

La très faible gravité sur certains astéroïdes facilite, du point de vue énergétique, les opérations d'atterrissage et de décollage. Du coup, la Nasa réfléchit à un projet d'envoi de deux astronautes sur un astéroïde qui passe régulièrement au voisinage – quelques millions de kilomètres – de la Terre. Cette mission servirait de test grandeur nature à un voyage de longue durée tout en utilisant les fusées développées dans le cadre du programme lunaire (ici, l'astéroïde Eros, photographié par la sonde Near en février 2000).

Le coût de l’exploration spatiale

Quelque 21 milliards d'euros ont été dépensés en 2007 par les six puissances – États-Unis, Europe, Russie, Japon, Chine et Inde – qui participent actuellement à l'exploration spatiale (1). Cependant, il est difficile d'évaluer précisément les retombées de ces investissements. D'après une étude de l'OCDE (2), le chiffre d'affaires mondial des retombées spatiales était compris entre 38,5 et 53 milliards d'euros en 2005.

Les États-Unis toujours en tête

Cette année-là, les activités spatiales en Guyane ont, par exemple, généré 20% du PIB de ce département d'outre-mer. Mais ces chiffres révèlent essentiellement l'impact du « spatial utile » (satellites de télécommunications, prévision météorologique, navigation satellite et GPS), lequel ne prend pas en compte les retombées potentielles à plus long terme de l'exploration scientifique du système solaire. Depuis l'avènement de l'ère spatiale à la fin des années 50, les activités purement scientifiques ont pourtant eu un impact sur le secteur industriel. En effet, elles ont largement participé à l'essor de nouvelles technologies de pointe (dans les domaines de la communication, de la navigation, de l'électronique ou de l'imagerie) et au développement de nouveaux produits : moteurs et systèmes de transmission économes en énergie, panneaux solaires ultra-performants… Autant d'innovations susceptibles d'être réutilisées sur Terre.

1. Il s'agit du budget consacré au spatial civil. Les dépenses liées au spatial militaire ou commercial ne sont pas prises en compte. 2. Panorama économique du secteur spatial 2007, OCDE.

Quel avenir pour l’ISS ?

Plus de dix ans après sa mise en chantier, la Station spatiale internationale (ISS) (1) – dont la construction n'est toujours pas achevée – voit sa durée de vie prolongée jusqu'en 2020 par le président Obama, lors de la présentation du budget 2011, le 1er février 2010. Or, en fin d'année, les navettes américaines, qui assurent avec les fusées russes Soyouz les allers-retours entre la Station et la Terre, ne seront plus en service. Comment les remplacer alors que le programme de développement des fusées Ares 1 et 5 et de leur véhicule habité, Orion, initialement prévu dans le programme Constellation, est arrêté ? Par de nouvelles fusées issues de recherches menées avec l'aide de financements privés. Pour autant, le nouveau plan américain ne rejette pas la poursuite de collaborations avec les autres États. Car, si seuls les États-Unis et la Russie (2) possèdent un savoir-faire en matière de lanceurs habités et de construction de station spatiale, une exploration humaine du système solaire ne peut passer que par une collaboration internationale. Et à cet égard, l'ISS qui associe les États-Unis, la Russie, le Canada, le Japon et l'Europe, reste un projet exemplaire.

1. On peut schématiquement diviser la Station en deux parties : le segment russe, géré à 100% par la Russie, et le segment occidental, géré par les Américains, les Japonais, les Européens et les Canadiens. Son coût total est estimé à 100 milliards d'euros. 2. L'URSS a construit l'ancienne et pionnière station spatiale Mir et l'a exploitée seule de 1986 à 1999.

À qui appartient l'espace ?

À qui appartient l'espace ?

D'après le traité sur l'espace des Nations unis de 1967, « l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l'objet d'appropriation nationale ». Cette déclaration, ratifiée par cent États, n'empêche nullement certaines sociétés, comme Lunar Embassy ou Lunar Republic, de vendre des terrains sur la Lune à partir d'environ 40 euros l'hectare. Une situation délicate, reconnaît l'Institut international du droit de l'espace en mars 2009, pour qui un nouveau texte de loi est nécessaire afin de mieux contrôler ces revendications privées.

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