Electricité en Afrique : le courant passe mal

L'Afrique est le continent le plus faiblement électrifié et c'est tout son développement qui en pâtit. Pourtant, les ressources existent - que ce soit le charbon, le gaz, les cours d'eau aménageables ou le soleil - mais elles ne sont pas suffisamment exploitées, faute de financements. Le point à l'occasion de l'ouverture de l'exposition de Science Actualités, « Quand l'Afrique s'éveillera… », le 26 juin à la Cité des sciences.

Par Cécile Michaut, le 14/06/2007

500 millions d’Africains non connectés

L'Afrique est le continent le plus faiblement électrifié : une réalité visible même depuis l'espace !

Pas de développement sans électricité. Comment conserver les aliments, sans frigidaire ? Comment communiquer avec les villes voisines, si l'on ne peut pas recharger son téléphone portable ? Comment développer une activité économique, si les machines peuvent s'arrêter à tout moment, victimes de coupures d'électricité intempestives ? Comment se soigner, si l'on ne peut pas conserver les médicaments et les vaccins, ou éclairer le dispensaire ?

Or, l'Afrique subsaharienne est bien mal pourvue : seule 23% de la population a accès au réseau électrique, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Ce sont ainsi 500 millions d'Africains qui sont dépourvus d'électricité, ou obligés de la produire localement au prix fort, grâce à des groupes électrogènes alimentés en carburant ou, plus rarement, à des panneaux photovoltaïques. Les zones rurales sont bien sûr les moins bien loties, avec 8% seulement d'habitants reliés au réseau. Et même pour les connectés, les nombreuses coupures de courant nuisent aux activités domestiques et économiques, et imposent parfois de s'équiper en groupes électrogènes pour pallier les déficiences du réseau.

Des ressources inexploitées

Pourtant, l'Afrique ne manque pas d'atouts énergétiques. La première source d'électricité est de loin le charbon, qui fournit 65% de la production électrique d'Afrique subsaharienne, suivie de l'hydroélectricité (21%), et loin derrière, du pétrole, du gaz et du nucléaire (environ 4% chacun).

De grandes installations si coûteuses…

Les autres sources (éolien, biomasse, géothermie, solaire) représentent moins de 1% de l'électricité commercialisée. Le pétrole et le gaz se trouvent essentiellement au centre et à l'ouest de l'Afrique, notamment au Nigeria, en Angola, au Congo-Brazzaville et au Gabon. Le charbon, lui, se trouve à 90% en Afrique du Sud, et ses voisins se partagent les reliquats. Quant au nucléaire, il est exclusivement produit en Afrique du Sud.

Mais seule une infime partie des ressources est utilisée. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 7% des capacités hydrauliques et moins de 1% des capacités géothermiques sont exploitées. D'autres ressources, comme le gaz, sont en partie gaspillées, faute d'infrastructure de bonne qualité. Et les pertes d'électricité lors du transport s'élèveraient jusqu'à 40% dans certains pays (Nigeria, Congo), contre 9,2% en moyenne dans le monde.

Potentiel d’énergies renouvelables

Le potentiel hydroélectrique se situe surtout en Afrique centrale et en Afrique de l'Est, en République Démocratique du Congo (grâce au fleuve Congo), en Ethiopie, au Cameroun et au Mozambique. Mais seuls quelques pays l'exploitent de manière significative : le Mozambique, la Zambie, le Nigeria, le Zimbabwe et le Ghana produisent ensemble près de 40 000 gigawattheures chaque année.

Percée discrète de l’énergie solaire

Inexploité, également, le potentiel éolien du continent. Ainsi que la géothermie (utilisation de la chaleur du sous-sol) : selon l'OCDE, le potentiel géothermique de la vallée du Rift, à l'Est de l'Afrique, serait de l'ordre de 6,5 gigawatts. Mais seul le Kenya possède trois centrales électriques géothermiques, totalisant 158 mégawatts.

Quant au soleil, omniprésent en Afrique, il est peu mis en valeur : moins de 0,1 % de l'électricité vendue en Afrique provient de centrales solaires. Mais ce chiffre ne prend pas en compte les panneaux photovoltaïques non reliés au réseau, qui permettent à des sites isolés de bénéficier d'un peu d'électricité.

Ruralité et pauvreté

Malheureusement, la situation n'évolue que lentement. L'électrification des zones rurales, où vivent la majorité des Africains, est plus coûteuse qu'en ville. Et même si le taux d'électrification croît légèrement, le nombre de personnes non raccordées augmente également, du fait de la croissance de la population. « En Afrique subsaharienne, la population sans électricité augmentera régulièrement jusqu'en 2025, en lien avec le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour, prévoit l'AIE. Puis ce nombre se stabilisera, essentiellement à cause des migrations vers les villes, où l'accès à l'électricité sera plus facile. » Si aucun programme d'envergure n'est lancé, la moitié de la population de l'Afrique subsaharienne ne sera toujours par raccordé en 2025, soit 650 millions de personnes.

Reherche investisseurs

Les fils de la lumière

La pauvreté, qui est l'une des causes principales du manque d'infrastructures électriques, n'explique pas tout. La volonté politique compte aussi énormément. Ainsi, la Chine, qui a lancé dès le milieu des années 80 un programme d'électrification, compte aujourd'hui 98% de personnes raccordées au réseau. Un taux non atteint même par les pays les plus riches du continent africain, comme l'Afrique du Sud.

« L'Afrique manque surtout d'investissements, estime Sang Yoon, analyste à l'AIE. Il faudrait investir plus de 200 milliards de dollars d'ici à 2030 pour atteindre un taux d'électrification de 56%. Le problème reste le financement. » Pas d'argent, pas d'électricité, donc pas de développement : c'est un cercle vicieux qu'il faut casser.

Cécile Michaut le 14/06/2007