Comment se forme le gaz de « schiste » ?

Tout d’abord, le terme « gaz de schiste » est mal choisi car il ne s’agit pas de schiste mais d’argiles litées (roches sédimentaires) riches en matière organique.Cette confusion vient de la traduction du terme anglais shale gas, shale signifiant « schiste» mais également «argile litée».  Cependant, nous garderons cette traduction maladroite car elle est largement utilisée dans le langage courant et l’écrirons gaz de « schiste ».

Les hydrocarbures : charbon, pétrole et gaz, résultent de la décomposition de dépôts sédimentaires contenant au moins 4 ou 5% de matières organiques : algues, planctons et végétaux, piégés avec les sédiments.La décomposition aboutit d’abord à des gisements de surface de tourbe et de lignite. Ces gisements sont ensuite recouverts par d’autres dépôts, en couches successives, et toujours plus profondément.

Après des millions d’années, ces dépôts se situent à plusieurs kilomètres de profondeur.Plus ils s’enfoncent et plus la température et la pression augmentent, jusqu’à atteindre des températures supérieures à 60°C permettant la transformation de la matière organique en huile. C’est le phénomène de maturation. L’évolution conduit d’abord à la formation de pétrole ou de charbon. L’enfouissement se poursuit encore. La transformation en gaz a lieu au moins à 3km de profondeur et nécessite des températures encore plus élevées.

En général, le gaz, qu'il soit ou non conventionnel, a tendance à remonter jusqu’à être piégé dans des roches poreuses, sous des couches imperméables qui bloquent sa migration verticale.

Mais dans le cas du gaz de « schiste », la migration ne peut même pas démarrer. En effet, dès sa transformation, il est immédiatement emprisonné, en raison de l’imperméabilité des argiles litées dans lesquelles il se situe.

Repérage d'un gisement : 1ère phase de l'exploration

Avant toute action de repérage, l’obtention d’un permis est nécessaire. Lors de l’étape exploratoire, la première phase - appelée repérage - consiste à découvrir, au sein d’une zone géographique, l’emplacement des roches sédimentaires favorables à la génération du gaz naturel. 

Des levés sismiques sont effectués pour visualiser la structure géologique souterraine. A cette fin, des ondes sonores sont projetées dans le sol. Elles remontent ensuite, plus ou moins vite, à la surface, en raison des types de roches rencontrés dans le sous-sol.
L’onde réfléchie est enregistrée par des géophones très sensibles installés en surface. C’est la mesure et l’analyse des divers temps de réflexion – retour des ondes - qui permet de tracer une carte des couches géologiques traversées. Ces cartes sont ensuite étudiées pour décider de l’endroit le plus propice pour le forage des puits pilotes.
Pour des raisons techniques et environnementales, les levés sismiques sont effectués en hiver. Les ondes acoustiques voyagent mieux dans le sous-sol lorsque la nappe phréatique est basse et la terre gelée.

Pour effectuer ces levés sismiques, deux techniques sont utilisées : celle du levé par camion vibrosismique et celle du levé sismique par trou de tir.  Comment sont  envoyées les ondes ? Comment leur retour est-il enregistré ?

Employé sur routes ou terrains dégagés, le camion vibrosismique est soulevé du sol à l’aide d’un poteau. Puis, un plateau est glissé, à même le sol, sous le camion. Enfin, ce dernier retombe, de tout son poids, sur le plateau qui vibre pendant plusieurs secondes, émettant ainsi une salve d’ondes qui se répandent dans le sous-sol et provoquent un tremblement dans le sol.

Mis en œuvre en forêt car moins agressif pour les arbres que la technique précédente, le levé sismique par trou de tir implique l’utilisation de petites charges explosives et nécessite un personnel nombreux, du matériel et plusieurs camions. Les charges explosives sont placées à environ 10 mètres de profondeur dans des trous forés dans le sol puis rebouchés. L’explosion des charges envoie des ondes sonores qui se répandent dans le sous-sol puis remontent à la surface.

Dans les deux cas, des géophones, installés sur le sol et câblés jusqu’à un camion d’enregistrement, récupèrent les données sismiques de retour des ondes. Ces deux techniques inquiètent beaucoup les riverains*.

 * voir les Questions-réponses dans ce dossier.

Le forage d’un puits : 2ème phase de l'exploration

Une technique, permettant de récupérer le gaz emprisonné sous terre, est connue depuis 1930. Cependant, elle n’a pu être réalisée car trop peu rentable à l’époque. Le contexte politico-économique ayant changé, de très nombreux pays commencent à la mettre en pratique. Il s’agit d'un forage vertical, prolongé en grande profondeur par un ou même plusieurs forages horizontaux reliés au puits vertical.

Cette technique augmente nettement la surface exploitable. La technique utilisée appelée, pour simplifier, forage horizontal, permet de réduire nettement le nombre de puits verticaux visibles en surface. Comment s’effectue ce forage ?

Un trou est creusé pour réaliser le forage vertical du puits. Il descend jusqu’à une certaine profondeur, située en dessous de la profondeur des nappes aquifères et des puits artésiens de la région. La tige de forage et le trépan, qui ont servi à creuser, sont alors retirés puis le trou vérifié. Au fur et à mesure que le puits pilote est creusé, ses parois sont consolidées par l’introduction de tubes.

Selon la profondeur atteinte, le puits sera renforcé par l’un des trois types de tubage existants : tubage de surface, tubage intermédiaire et tubage de production. Ils sont destinés à isoler tous les horizons géologiques rencontrés et à empêcher la migration de pétrole, de gaz ou d'eau d'un horizon géologique à un autre.

Un premier tubage, appelé tubage de surface est inséré dans le puits.

Puis du ciment est coulé jusqu’au fond du tube de telle sorte qu’il remonte dans l’espace séparant le tubage et la paroi du puits. Après au moins 12h, un test de pression est réalisé sur le ciment durci. La tige de forage et le trépan descendent à nouveau au fond du trou, pour continuer le forage de la section verticale jusqu’à une profondeur d’environ 1.500 mètres.

En même temps, un élément important du processus, la boue de forage, est envoyée dans le tubage. Ce mélange d’eau, d’argiles et d’une petite quantité de produits chimiques sert à transporter les déblais de forage vers la surface, à stabiliser la paroi du trou empêchant ainsi la solifluxion, à refroidir et lubrifier le trépan, à colmater les parois du puits pour empêcher toute infiltration.

Un deuxième ensemble de tubes, appelé tubage intermédiaire, est inséré à l’intérieur du premier tubage depuis la surface jusqu’à une profondeur de 1.500 mètres.Il est cimenté comme pour le premier tubage jusqu’à la surface.

Enfin, à environ 500 mètres au-dessus de la couche ciblée, débute la courbe du puits afin d'atteindre l'emplacement choisi pour la section horizontale. L’entreprise peut alors décider de procéder ou non au forage horizontal.

Une fois l'accord de poursuivre obtenu, et lorsque la distance visée pour l’embranchement horizontal est atteinte, la tige et le trépan sont retirés et le tubage de production est inséré à l’intérieur du deuxième tubage, dans toute la longueur du puits.

Puis il est cimenté comme pour le premier tubage dans l’espace situé entre le tubage et la paroi du puits mais, cette fois-ci, seulement jusqu’au tubage intermédiaire. Lorsque le puits a atteint sa profondeur finale et que le tubage de production est cimenté, l’appareil de forage est enlevé et la troisième phase de l’exploration du puits peut débuter.

Pendant toute la phase de forage, les boues utilisées ou récupérées sont mélangées sur le site dans une série de réservoirs fermés et circulent dans un réseau à circuit fermé. A la fin du forage, elles doivent être valorisées ou éliminées et les réservoirs et structures les ayant contenues retirés ou démantelés.

Le puits sera-t-il capable de subir de très fortes pressions venant du sous-sol ou bien résultant de l’envoi de boues ou de ciment ? Les tubages sont-ils suffisamment résistants ? Ce forage risque-t-il de contaminer les nappes d’eau souterraines et les puits de toute une région ? Les gaziers utilisent-ils au cours de cette phase des produits chimiques ? Et, en cas de tremblements de terre, que se passera-t-il ? Où seront entreposées les boues de forage utilisées et celles récupérées tout au long de cette phase ? *

*Voir les explications dans les Questions-réponses de ce dossier.

La fracturation hydraulique lors de la 3ème phase de l'exploration

Appelée complétion, cette troisième phase complète l’étape exploratoire. Elle permet de rendre la couche d'argile litée perméable, en augmentant sa porosité par l’ouverture de fractures.

En premier lieu, il faut perforer le tubage de production de manière à réaliser des trous régulièrement espacés. Pour cela, des explosifs sont à nouveau utilisés mais, cette fois, en grande profondeur. Puis les trous sont rebouchés. En deuxième lieu, les bouchons sont retirés et le liquide de fracturation est envoyé sous haute pression. C'est lui qui va réussir à fracturer la roche. Les fractures et fissures provoquées vont permettre au gaz de s'échapper vers le tubage de production.

Lors de cette phase, les gaziers étudient le reflux du puits. Il est composé de débris de forage, d’un peu de sable résiduel, de gaz et de liquide de fracturation. Le gaz des premiers reflux est brûlé soit par une torchère, soit par un incinérateur. L’entreprise essaie et évalue les techniques d’extraction, planifie les mesures nécessaires pour réduire les impacts sur l’environnement et détermine s’il faut passer à l’étape suivante.

Les couches de "schiste" doivent contenir suffisamment de gaz naturel, la roche doit pouvoir être fracturée avec succès et le gaz pouvoir circuler en quantité suffisante pour être exploité commercialement. Si la production n’est pas possible ou n’est pas viable, tous les puits seront fermés et les sites seront restaurés conformément aux règlements et aux normes de l’industrie.

Mais en quoi consiste réellement la fracturation hydraulique?

Tout d’abord, un mélange d’eau, de sable et de composants chimiques est envoyé à haute pression, depuis le puits, jusque dans les trous du tubage de production, vers l’intérieur de la roche. L’eau provoque de petites fractures dans la roche, et le sable fait en sorte que ces fissures s’ouvrent.

Les fractures, maintenues ouvertes par les grains de sable, créent un milieu perméable permettant au gaz de circuler. Lorsque la première section du tubage de production est terminée, un bouchon temporaire est placé, à l’avant des trous de cette section, pour l’isoler. Ensuite, le processus est répété jusqu’à ce que chacune des sections de chaque tube de production ait été perforée, fracturée puis isolée par des bouchons, l'une après l'autre.

Que se passe-t-il après cette fracturation ?

Les bouchons installés entre les sections de fracturation sont forés. Le gaz circule alors vers les anfractuosités de la roche,  traverse les trous puis se dirige dans le tubage. Le brûlage du gaz à la torche est limité à la période de forage jusqu’à stabilisation du débit. Enfin, des bouchons sont replacés.

Une fois, le permis d’exploitation obtenu, le gazoduc est installé, les bouchons sont retirés et le gaz se dirige alors vers le tubage, jusqu’au gazoduc et au marché. L’étape de la production peut enfin démarrer.

Cette 3ème phase de l'étape exploratoire est la plus décriée par les scientifiques et par les écologistes. Elle est même interdite sous certaines conditions par des règlements récents. Que contiennent les liquides de fracturation ? Quelles sont les conséquences pour l’hydrogéologie ? Quels sont les risques encourus par la planète, du fait de ces fractures provoquées par l’homme ? *

* voir les Questions-réponses de ce dossier.