L'hominisation
est sans doute inachevée et l'humanisation encore bien fragile.
Ne prenons pas le risque de diviser ce qu'une longue histoire avait
si bien mêlé. Le risque inhérent au clonage est
inacceptable parce que le dommage s'annonce irréversible et
irréparable. Il faut poser un interdit au nom du principe de
précaution.
La
relecture des lois de 1994 relatives à la " bioéthique
" devrait être l'occasion d'une réflexion sur la
nature des interdits déjà inscrits aux deux extrémités
du code pénal, au titre du crime " contre l'humanité
" (au livre II, art.211-1 et s.) et du crime d'eugénisme
(au livre V, art. 511-1), qualifié de crime " contre l'espèce
humaine ". Mieux vaut sans doute unifier les deux interdits et
y ajouter, en les définissant de façon précise,
ceux du clonage et de la fabrication de chimères. A condition
de rendre plus explicite le double refus qui les sous tend : refus
de l'inhumain, autrement dit respect de l'altérité et
refus de l'anhumain, autrement dit refus de changer délibérément
l'humanité. Sur une planète surpeuplée, où
le problème majeur est celui de la pauvreté, le clonage
répond seulement au désir de quelques-uns uns : l'impossible
désir narcissique de se reproduire à l'identique.
mai 2002 |
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Mireille
Delmas-Marty
Juriste. Travaux au confluent du droit pénal,
des droits de l'homme, du droit comparé et du droit international.
Professeur à l'Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne),
membre de l'Institut universitaire de France (chaire de Politique
criminelle et droits de l'homme).
Ouvrages récents :
"Pour un droit commun" (Seuil, 1994), "Vers
un droit commun de l'humanité. Conversation avec Philippe
Petit" (Textuel, 1996), "Trois défis pour
un droit mondial" (Seuil, 1998), " Le clonage humain"
(Seuil, 1999).
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