Le Monde de Franquin
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La rédaction

La visite débute avec “La rédaction”. Dévoilant progressivement la rédaction du Journal de Spirou où il travaille, cette première série de salles présente l'univers où se déroule la majeure partie des gags de Gaston Lagaffe, vraisemblablement le personnage qui incarne le mieux, aux yeux du public, l'œuvre d'André Franquin.

Introduction à la première salle, consacrée au bureau de Gaston Lagaffe, deux vitrines présentent cinq des déguisements imaginés par Franquin pour la série “le Bal à Gaston”. La pieuvre, le champi­gnon, le cactus, l'otarie et le hanneton, projettent d'emblée le visiteur dans l'univers loufoque et décalé de Gaston Lagaffe, un des premiers anti-héros à être devenu le personnage central d'une série d'albums de bandes dessinées.

Lancée par des apparitions aussi fugaces que cocasses dans les pages du Journal de Spirou, la carrière de Gaston Lagaffe prend rapidement de l'ampleur. Il endosse alors l'habit de héros. Délaissant Spirou et Fantasio, Franquin va dès lors entièrement se consacrer à l'élaboration des aventures de Gaston.

Avec ce héros improbable, Franquin relate avec humour et dérision, les excès du secteur tertiaire. Dans une période de croissance économique, les Trente Glorieuses, plutôt portée à l'optimisme et à la modernité triomphante, il dénonce, en précurseur, la pression des objectifs financiers, le harcèlement des supérieurs hiérarchiques, les brimades, la monotonie des tâches répétitives… Franquin adorait ce personnage, sans doute parce que Gaston Lagaffe, éternel enfant qui refuse les règles du monde des adultes, incarne ses regrets éternels pour une enfance dont il n'a pas plei­nement profité. « J'ai mûri en me disant que je n'avais pas joué assez. C'est une sensation très pénible de se dire qu'on n'a pas joué assez dans sa jeunesse. C'est un manque, une frustration terrible. Je suis adulte et j'ai encore envie de jouer, c'est un sentiment très curieux. Gaston, lui, continue le jeu. Et c'est pour cela qu'on l'envie. Car si on joue dans la vie, on s'expose à beaucoup d'ennuis. Si vous vous contentez de jouer, vous ne pouvez pas trouver votre place dans un monde d'adultes. Peu importent les circonstances, Gaston, lui, continue de jouer. »

Ce lien quasi passionnel de Franquin pour son héros se retrouve dans le soin apporté aux moindres détails qui font de chacun des gags de cette série, qu'il s'agisse des premières apparitions de Gaston au sein de la rédaction de Spirou ou des dernières planches beaucoup plus élaborées, un bijou, dont la mécanique fonctionne aussi efficacement qu'un mécanisme d'horlogerie suisse.

« Ce qui est passionnant c'est d'armer la bombe. Le gag est une petite bombe qui doit faire rire aux dernières images. Il faut que la mécanique soit bonne pour que le rire éclate à la fin, comme une surprise. »

 Le bureau des Gaffes Subtil mélange d'objets réels inspirés de l'univers familier du héros et de planches de bandes dessinées, le Bureau des Gaffes dévoile la personnalité haute en couleurs de son occupant. Peu moti­vé par la gestion du courrier des lecteurs et des archives de la rédaction, ce travail aussi fastidieux que répétitif qui lui incombe au sein du Journal de Spirou, Gaston Lagaffe occupe son temps entre la sieste, la création de recettes de cuisine farfelues comme la morue aux fraises et, surtout, les inventions de tout poil que lui suggère son imagination débridée. Outre la trentaine de planches qui illustre les temps forts de la carrière de ce garçon de bureau hors normes, l'inventivité de Gaston est ici matérialisée par deux de ses célèbres fauteuils conçus pendant ses heures de travail : le gant de boxe et la main.
Entouré de piles de courriers et d'archives en souffrance, le bureau de Gaston offre, quant à lui, toute une série d'interactivités ludiques. Commandées par des boutons-poussoirs intégrés dans les colonnes de documents, elles mettent en scène la manière poético-loufoque avec laquelle Gaston envisageait la science et les technologies. Du ventilateur à cerf-volant, à la machine à jouer au bilboquet en passant par la lampe flagada à moteur sans oublier les usages dévoyés du kit du “Petit chimiste”, l'inventivité insolite de Gaston, prend vie sous les yeux des visiteurs.

 Un bestiaire d'exception

Quittant le bureau de Gaston, le visiteur pénètre dans “Un bestiaire d'exception” au décor festif et coloré, révélant l'indéniable talent de Franquin pour le dessin animalier. Passionné par le mouvement, il s'est attaché à traduire la vivacité et la motricité animale. L'intervention des animaux dans son œuvre va d'ailleurs beaucoup plus loin que la simple figuration. Le Chat et la Mouette de Gaston Lagaffe, mais également Spip l'écureuil et le Marsupilami sont ainsi devenus des personnages à part entière.
 L'hymne à la tendresse “L'hymne à la tendresse”, qui suit, est dédié à la relation d'amour authentique qui unit Gaston Lagaffe à Mademoiselle Jeanne. Transfigurée par l'adoration que lui voue son chevalier servant, Mademoiselle Jeanne, qui occupe un modeste emploi de secrétaire au sein des éditions Dupuis, illustre pour tous le pouvoir magique et intemporel de l'amour véritable. Le visiteur est plongé dans une ambiance de bord de mer. Odeur iodée, bruit du ressac accompagnent la projection de l'image tremblotante de Gaston et Jeanne sur la plage. Une sélection de planches inspirées par cette idylle romantique témoigne de la poésie de l'auteur et du regard plus optimiste qu'il pose sur un monde que l'amour contribue à rendre meilleur. Enfin, clin d'œil que n'aurait sans doute pas renié Franquin, un bouquet de gui, suspendu, offrira aux amoureux l'occasion de s'embrasser comme nos deux héros.

 Une douce anarchie Toujours consacrée à l'univers de Gaston Lagaffe, la salle suivante: “Une douce anarchie” mêle à nouveau objets réels inspirés de l'univers de la série et dessins. Une sélection de planches montre  la kyrielle de personnages impayables imaginés par Franquin pour matérialiser les abus d'autorité. Elles permettent de suivre l'évolution progressive du caractère corrosif de Gaston. On y retrouve, pêle-mêle, l'atrabilaire Monsieur de Mesmaeker, personnifiant la pression des objectifs financiers dans le secteur tertiaire, Prunelle dans le rôle du patron tyrannique, l'agent de police Longtarin représentant l'ordre établi…

D'autres éléments forts sont exposés. A côté de la Fiat 509 de Gaston Lagaffe, élément central de la guerre d'usure qui l'oppose à la police de la route, sont présentés cinq des parcmètres qu'il a détournés : le parcmètre bandit manchot, le parcmètre punching ball, le parcmètre homme fort, le parcmètre télécommandé et le parcmètre lierre. Deux parcmètres interactifs, le bandit manchot et le télécommandé, invitent le visiteur à se mettre alternativement dans la peau de Gaston ou de son inénarrable complice, Bertrand Labévue. Contrepoints à ces objets humoristique-ment détournés de leur vocation première, des photographies nous montrent André Franquin aux prises avec de réels parcmètres belges !

Par ailleurs, des travaux réalisés par Franquin au profit d'organisations non gouvernementales telles que Greenpeace ou Amnesty International figurent dans cette salle. Ils illustrent l'engagement personnel de l'auteur. « J'ai fait un ou deux dessins pour l'Unicef et Amnesty International, qui ont toute ma sympathie. On ne peut pas dire non à ces choses-là. »

S'appuyant sur l'humour et la dérision, André Franquin utilisait son talent pour traduire sa propre révolte contre les autorités établies. Il a fait de son œuvre un plaidoyer pour une liberté respon­sable et respectueuse d'autrui. « En politique, je suis pour la liberté, la mienne et celle des autres. » Gaston Lagaffe lui permettait, en brossant un tableau aussi réaliste qu'acerbe du secteur tertiaire, d'en dénoncer les excès et les travers. Plus tard, reflet de l'évolution des préoccupations de l'époque, l'intérêt de Gaston pour la protection des animaux et de la nature, a sans doute contribué à éveiller la sensibilité de générations d'enfants et d'adolescents pour l'écologie naissante.