Ni Neandertal, ni Sapiens, bienvenue aux Dénisoviens !

Le petit doigt vieux de 40 000 ans, trouvé en 2008 dans la grotte de Denisova au sud de la Sibérie, appartenait à une fillette d'une espèce humaine encore inconnue. C'est en tout cas ce que confirme le séquençage de son génome nucléaire.

Par Paloma Bertrand, le 12/01/2011

Un an de suspens

L'emplacement de la grotte

En mars 2010, l'analyse de l'ADN mitochondrial (l'ADNmt) de ce petit bout de doigt suggérait qu'il pouvait avoir appartenu à une espèce humaine encore inconnue. Une espèce humaine qui aurait côtoyé, au moins en ces lieux et sur une longue période, les deux espèces déjà connues : Neandertal (disparu il y a environ 28 000 ans) et Homo sapiens (notre ancêtre à tous). Retrouvé dans une couche de terre vieille de 40 000 ans, le petit doigt était soupçonné d'appartenir à une lignée âgée de plus d'un million d'années. Du moins c'est ce que laissait entendre la comparaison de son ADN mitochondrial avec celui d'autres spécimens humains déjà étudiés.

Un nom : les Dénisoviens

Pour en avoir le cœur net, restait à interroger l’ADN nucléaire. C’est chose faite. L’équipe conduite par Svante Pääbo, de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig, vient en effet d’annoncer ses résultats le 23 décembre dans la revue Nature. Une publication la semaine de Noël pour confirmer la naissance d’une nouvelle lignée humaine. Faute d’un nombre suffisant d’ossements et d’individus, les chercheurs hésitent encore à parler officiellement d’une nouvelle espèce. Mais ils parlent désormais d’un « groupe humain » auquel ils viennent de donner un nom : les Dénisoviens.

Une lointaine sœur de Neandertal

Car l’analyse de l’ADN nucléaire confirme l’originalité du petit doigt de Denisova qui appartient à une fillette de sept ans. Et dresse un arbre généalogique plus précis : la branche des Dénisoviens aurait divergé de celle qui conduit à l’homme moderne il y a 800 000 ans, et de celle qui mène à Neandertal il y a 640 000 ans. Les Dénisoviens seraient donc plus proches de Neandertal que de Sapiens.

Diaporama, en anglais, sur le site de Denisova et le travail réalisé à l'Institut Max-Planck. © Lisa Raffensperger, National Science Foundation

Un métissage préhistorique

La dent d’un autre Dénisovien

En comparant l'ADN de Denisova avec celui d'hommes modernes actuels, les chercheurs sont tombés sur un résultat inattendu. Les Papous de Nouvelle-Guinée (Mélanésiens) partageraient 5% de leur génome avec les Dénisoviens. Une affinité génétique que l'on ne retrouve avec aucun autre génome contemporain, qu'il soit africain ou européen. Après la découverte en mai 2010 de fragments issus de l'ADN de Neandertal dans le patrimoine génétique des Européens et des Asiatiques, ce résultat est une nouvelle preuve que les différentes espèces humaines ayant cohabité il y a plusieurs millénaires sur la planète, ont pu se métisser.

Pour expliquer cette infime parenté des Mélanésiens avec les Dénisoviens, l'équipe de l'Institut Max-Planck dresse l'hypothèse que les Dénisoviens, loin de se cantonner aux seules montagnes de l'Altaï, auraient croisé la route de Sapiens, il y a 55 000 ans, quelque part vers le Proche-Orient. Et que les descendants issus de cette rencontre auraient traversé l'océan pour s'installer en Mélanésie, il y a 45 000 ans.

Paloma Bertrand le 12/01/2011