Cancer : découverte d'un récepteur biologique commun

Des chercheurs français, en partenariat avec une équipe américaine, viennent de découvrir une molécule commune à onze types de cancers différents. Une première qui aurait pu ne jamais voir le jour...

Par Romain Lejeune, le 27/10/2010

À l’origine, l’étude des vaisseaux sanguins

Une veinule exprimant le récepteur de la FSH dans un cancer de la prostate très précoce

« J'avais cette idée en tête depuis plusieurs années. » Pour Nicolae Ghinea, directeur de recherche Inserm à l'Institut Mondor de recherche biomédicale (IMRB), c'était presque évident, « l'étude des vaisseaux sanguins associés aux tumeurs doit permettre de découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour traiter le cancer ».

Aujourd'hui, la détermination de ce chercheur roumain arrivé en France en 1990 a payé. Après avoir étudié durant cinq ans des tissus prélevées chez 1336 patients atteints de cancer, Nicolae Ghinea et son équipe ont découvert un marqueur biologique apparaissant non pas sur les tissus cancéreux, mais à proximité, sur les vaisseaux sanguins, au niveau du récepteur de la FSH (hormone folliculo-stimulante). Cette molécule a été observée pour onze types de cancers (prostate, sein, côlon, pancréas, vessie, rein, poumon, foie, estomac, testicules et ovaires). Les résultats obtenus démontrent la présence du récepteur dans la totalité des échantillons, quels que soient le type et le stade de la tumeur.

L'explication des travaux par Philippe Camparo, co-auteur de l'étude

A contrario, ce récepteur est absent des tissus sains de l'organisme (exception faite des gonades). Située dans le réseau vasculaire, cette molécule pourrait être mise en évidence par imagerie (IRM) et devenir la principale cible d'un éventuel traitement médicamenteux. « Cependant, il faut rester prudent, pondère Nicolae Ghinea, c'est un pas très important dans la recherche, mais il faut encore que ces résultats soient confirmés par des études cliniques. Nous ne pourrons réellement appréhender la qualité de ces travaux que dans plusieurs années. »

Une découverte par étape

Les différentes étapes de la recherche

La découverte, elle, s'est faite en plusieurs étapes. « À l'origine, Nicolae Ghinea travaillait sur l'expression du récepteur FSH dans les gonades, seuls tissus sains où il est naturellement présent, explique Philippe Camparo, co-auteur de l'étude. Un "acquis" que Nicolae Ghinea a néanmoins cherché à vérifier en examinant l'expression du récepteur dans les organes voisins. »

Un marqueur qui semble universel

« C'est ainsi que je me suis mis à examiner la prostate, explique Nicolae Ghinea. Et que j'ai découvert que les cellules des vaisseaux associés à la tumeur de la prostate exprimaient fortement les récepteurs. » Il venait de trouver le marqueur de ce cancer. Malgré son manque de moyens, il utilisa « des anticorps et d'anciens produits que je conservais dans mes frigidaires » pour aller plus loin. Il voulut vérifier si ce récepteur apparaissait aussi dans d'autres types de cancers. « J'avais tout ce qu'il fallait, sauf les bons tissus. J'ai donc sollicité des médecins anatomopathologistes qui ont compris l'intérêt de mes travaux et m'ont aidé. »

Des centaines de patients touchés par différents cancers ont alors été étudiés. « Tous les résultats que j'ai obtenus en microscopie ont été validés par des spécialistes de différents types de cancers : prostate, vessie, sein ou bien poumon. Parmi eux, le professeur Radu Aurelian de la Mount Sinai School of Medicine a été, durant cette période, l'un de mes plus proches collaborateurs. »

Aujourd'hui, la satisfaction de Nicolae Ghinea est grande. « L'article a été publié dans un très prestigieux journal, The New England Journal of Medicine ». Ne reste plus qu'à attendre et voir si ses travaux débouchent, ou non, sur de nouvelles pistes thérapeutiques contre le cancer.

Romain Lejeune le 27/10/2010