Hausse des infections sexuellement transmissibles

En France, la recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST), notamment chez les jeunes adultes, inquiète les autorités sanitaires. Trois infections bactériennes sont dans le collimateur des médecins : celles à gonocoque, à chlamydia et la syphilis.

Par Laure Cailloce, le 25/10/2010

Hausse des infections sexuellement transmissibles

Les infections à gonocoque sont en progression constante depuis 1997

Elles ont changé de nom mais elles n'ont pas perdu de leur virulence, bien au contraire. Anciennement MST (maladies sexuellement transmissibles), les infections sexuellement transmissibles (IST) sont en progression constante depuis dix ans, notamment chez les 18-30 ans. Selon l'Institut national de veille sanitaire (INVS), les infections à gonocoque ont augmenté de 52% entre 2008 et 2009.

Elles touchent aujourd'hui entre 15 000 et 20 000 hommes dans notre pays, dont la moitié ont moins de 30 ans. Si elles concernent surtout les hommes, les infections à gonocoque sont également détectées chez les femmes. François Lassau, dermato-vénérologue à la consultation IST de l'hôpital Saint-Louis à Paris, s'inquiète « de voir de plus en plus de jeunes filles de 17 à 25 ans dépistées positivement ».

Egalement sous haute surveillance, les infections à chlamydia touchent, quant à elles, 3,6% des femmes de 18 à 24 ans et 2,4% des hommes de la même tranche d'âge. La syphilis, qui avait disparu des annales médicales, a brutalement refait surface en 2000 dans la population homo et bisexuelle et ne cesse de progresser depuis. 523 cas ont été déclarés en France en 2009, dont 20% chez des hommes et des femmes hétérosexuels.

Les IST, qu’est-ce que c’est ?

Les infections sexuellement transmissibles (IST) regroupent des infections virales (sida, hépatites, herpès génital, papillomavirus responsable du cancer du col de l'utérus), bactériennes (gonococcies, infections à chlamydia, syphilis) et parasitaires (trichomonose uro-génitale). Elles se transmettent lors de rapports sexuels vaginaux, anaux, mais aussi lors de rapports bucco-génitaux.

Absence de symptômes

La bactérie Chlamydia trachomatis

Le nombre de personnes touchées serait en réalité plus important. « Ces chiffres sont probablement très sous-estimés, du fait du caractère asymptomatique de ces infections », indique Anne Gallay, médecin épidémiologiste spécialiste des IST à l'INVS. Mal connues des médecins et du grand public, les manifestations de la syphilis (ulcérations génitales indolores au stade primaire, éruption de boutons rosés au stade secondaire) passent souvent inaperçues.

Si elles peuvent déclencher urétrites et écoulement de pus chez l'homme, la moitié des infections à gonocoque et à chlamydia ne donnent lieu à aucun symptôme. C'est particulièrement vrai chez les femmes, où les chlamydia s'installent sans manifestation visible dans 75% des cas. De quoi redoubler l'inquiétude des médecins. « Le non traitement de ces IST peut entraîner des complications », insiste François Lassau. Infections de l'appareil génital et rétrécissement de l'urètre chez l'homme, infections de l'utérus et des trompes chez la femme, grossesses extra-utérines, voire stérilité dans 5 % des infections par chlamydia chez la femme.

Recours moins systématique au préservatif

L'utilisation du préservatif

La France n'est pas le seul pays concerné. « Les premiers cas de syphilis sont apparus en Grande-Bretagne et en Allemagne dès 1995 », rappelle Anne Gallay, qui pointe également la faillite des systèmes de santé des anciens pays du bloc de l'est. Parmi les raisons principales de la recrudescence, les autorités sanitaires mettent en avant une utilisation moins systématique du préservatif. « Les gonococcies, qui avaient fortement reculé dès le début de l'épidémie de sida, ont recommencé à progresser à partir de 1997, avec l'arrivée des trithérapies dans le traitement du VIH », remarque Anne Gallay. Un phénomène amplifié par l'évolution des pratiques sexuelles. L'augmentation du nombre de partenaires sexuels, soulignée par l'enquête sur la sexualité des Français de 2008, et une fréquence accrue des rapports bucco-génitaux favorisent la dissémination des IST.
Contrairement au VIH, qui se diffuse avant tout lors des rapports anaux et vaginaux, les infections à bactérie, la syphilis ou l'herpès génital se transmettent volontiers de la bouche aux organes génitaux. Pour François Lassau, « il n'est pas question de stigmatiser telle ou telle pratique sexuelle, mais il faut clairement améliorer l'information sur ce sujet encore tabou ».
En outre, en fragilisant les muqueuses, les IST multiplient par deux le risque de contamination par le VIH. A ce jour, les patients infectés par le VIH représentent 15% des gonococcies et 50% des cas de syphilis répertoriés dans l'Hexagone.

Vers un meilleur dépistage

« Le premier moyen de se prémunir des IST, comme du sida, reste l'utilisation du préservatif avec tout nouveau partenaire », indique Anne Gallay. Le recours plus systématique au dépistage est également encouragé par le ministère de la santé, qui prépare une campagne d'information pour la fin de l'année.
« En cas de relations sexuelles non protégées, ou si une personne a eu plusieurs partenaires dans l'année, il ne faut pas hésiter à aller consulter son médecin, ou à se rendre dans un centre d'information et de dépistage (Ciddist), insiste François Lassau. La majorité des IST se déclarent en quelques jours, et peuvent être traitées facilement lorsqu'elles sont dépistées à temps. »
L'arrivée des techniques de dépistage moléculaires, plus rapides et précises que la méthode actuelle de mise en culture, devrait encore améliorer la prise en charge des malades. Dernière précaution : en cas de contrôle positif, il est recommandé d'informer son (ou ses) partenaire(s) et de l'(les) inciter à se faire dépister à son (leur) tour. « C'est lui (leur) rendre service, mais c'est aussi rendre service à la collectivité en limitant la transmission », conclut Anne Gallay.

De nouveaux outils de dépistage

Le prélèvement génital et la mise en culture pendant 48 à 72 heures permettent de détecter la présence des gonocoques et chlamydia chez un individu. Problème : la technique n'est pas fiable à 100% et produit quelques faux négatifs. En cours d'évaluation dans quelques laboratoires, la méthode d'amplification génique ou PCR (réaction en chaîne par polymérase), permet de repérer directement les brins d'ADN et d'ARN des bactéries dans les cellules infectées.

Laure Cailloce le 25/10/2010