Mine au Chili : le sauvetage a commencé

Au Chili, les ingénieurs s'activent pour sauver 33 mineurs bloqués dans une mine depuis plus d'un mois. Retour sur les moyens mis en œuvre pour extraire les mineurs et les maintenir en bonne santé.

Par Romain Lejeune, le 02/09/2010

Une vie souterraine

Infographie : le plan de sauvetage des 33 mineurs

Le 5 août dernier, 33 mineurs ont été piégés par un éboulement dans une mine d'or et de cuivre de San José, à 800 kilomètres au nord de Santiago. Les mineurs se trouvaient à 7 kilomètres de l'entrée de la mine au moment de l'incident et ont trouvé refuge à 700 mètres de profondeur. Les 33 mineurs sont actuellement enfermés dans une rescue chamber, une galerie prévue en cas d'accident. Les réserves d'eau des engins de forage et les vivres présentes dans cette galerie ont permis aux mineurs de survivre durant les premiers jours.

Dimanche 22 août, le premier contact avec les 33 mineurs a été établi grâce à une sonde placée dans un tube de forage. Les mineurs ont ainsi pu donner des signes de vie et recevoir des packs d'alimentation. Ce tube de communication devrait permettre de leur transférer quotidiennement 2000 calories.

La Strata 950, un puissant excavateur

L'excavateur “Strata 950“ utilisé pour atteindre la galerie des mineurs

Lundi 30 août, la Strata 950, excavateur de 30 tonnes élaboré en Australie, a débuté le forage d'un puits pour extraire les mineurs de leur refuge. « La Strata 950 peut faire des trous d'un diamètre assez large, constate Karim Ben Slimane, directeur adjoint du département prévention et sécurité minière du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). C'est d'ailleurs ce qui différencie principalement cet appareil d'un engin de forage pétrolier qui, lui, creuse des trous d'une dimension bien moindre ». Cette entreprise, qui devrait durer trois à quatre mois, se fera par étapes.

« Pour ne pas dévier de la zone où se trouvent les mineurs, explique Karim Ben Slimane, les ingénieurs creusent en suivant un tube de forage en communication avec les rescapés. Ce petit trou permet non seulement de guider l'excavateur, mais aussi d'évacuer les déblais, tous ces petits débris que broie la machine. Si ces déblais n'étaient pas évacués, la machine ferait du surplace sur les morceaux broyés ». Suivant cette technique, l'appareil a creusé un premier puits vertical de 15 mètres de profondeur pour environ 30 cm de diamètre. Il s'agissait dans un premier temps de tester le comportement du terrain face à la pression émise par l'engin. Ce trou sera ensuite élargi à 66 cm. « Ce diamètre de 66 centimètre est un compromis entre la taille minimale requise pour remonter un homme et la vitesse d'exécution de l'ouvrage ».

Une opération risquée ? « Le risque est relativement faible, estime Karim Ben Slimane. Je dirais qu'il s'élève à 20%. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y en a aucun. Lorsque l'on fait un forage, il y a toujours un risque. Celui par exemple d'une mauvaise évacuation des déblais et donc du blocage de la machine. Le plus délicat sera la dernière phase, lorsque l'excavateur arrivera à proximité des mineurs : les ingénieurs devront alors avancer très lentement pour éviter tout écroulement ».

L’appel à la Nasa

Claude Gronfier, le dérèglement de l'horloge biologique

Isolés 700 mètres sous terre, les 33 mineurs ont une vie similaire à celle d'astronautes enfermés dans une station spatiale. C'est la raison pour laquelle quatre experts de la Nasa ont été sollicités par le gouvernement chilien. Objectif ? Faire bénéficier les mineurs de l'expérience d'isolement des astronautes, notamment celle emmagasinée grâce aux différentes opérations menées par l'agence américaine à bord de la station spatiale internationale (ISS).

« Les chercheurs de la Nasa connaissent bien le type de situation actuellement vécue par les mineurs enfermés au Chili, explique Claude Gronfier, chercheur en chronobiologie à l'Inserm. Ces situations que l'on appelle d'isolation sociale, à haut niveau de stress, ont été expérimentées par la Nasa pour former les astronautes avant de les envoyer dans l'espace ». Concrètement, l'équipe de la Nasa doit aider les mineurs à simuler les heures du jour et de la nuit grâce à l'utilisation de lumières artificielles (LED). Ils ont également pour mission de les aider à diviser leur espace de vie en plusieurs zones.

En l'absence de lumière du jour, les risques de dérèglement de l'horloge biologique des mineurs sont élevés. « Notre horloge biologique exprime une rythmicité de 24 heures, note Claude Gronfier. Pour qu'elle exprime cette rythmicité, elle doit être remise à l'heure, et ce, grâce à la lumière du jour. Si la lumière ne parvient pas à cette horloge, cette dernière se dérègle ». Conséquence, les journées peuvent s'allonger d'une demi-heure quotidiennement sans que l'individu ne s'en aperçoive. Pour le moment, la vie des mineurs est régulée selon des horaires strictes. Eveillés de 7h30 à 23h, les mineurs sont occupés entre repas, contrôle médical quotidien, prière, gymnastique et courrier transmis aux familles.

Vendredi 3 septembre, une quarantaine de mètres avait été forés depuis la surface. Lorsque l'excavateur aura atteint la zone où se trouvent les mineurs, plus de soixante heures seront nécessaires pour tous les extraire de la grotte.

Romain Lejeune le 02/09/2010