VIH : un bébé infecté fait de la résistance

Pour la première fois, un nouveau-né infecté par le VIH maîtrise son infection sans médicaments. Il avait été traité dès sa naissance par des antirétroviraux. Cet événement suscite de l’espoir mais reste isolé.

Par Ronan Rousseau, le 16/03/2013

Maquette du virus du Sida

Le cas a été rendu public lors de la 20e Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes, ouverte le 3 mars à Atlanta. Il concerne un nouveau-né américain contaminé par le VIH à sa venue au monde. Sa mère ignorait qu’elle était infectée par le virus au moment de l’accouchement. Quand les médecins ont découvert son statut sérologique, ils ont choisi d’administrer une trithérapie au bébé sans même attendre la confirmation de son infection. Ils ont démarré le traitement très précocement, dès trente heures après sa venue au monde, se démarquant de la procédure habituelle. Aux États-Unis, les antirétroviraux ne sont en effet prodigués que quelques semaines après la naissance… Résultat : vingt jours plus tard, la présence du virus était indétectable dans le sang de l’enfant.

Vingt-deux mois plus tard, des tests sont effectués à nouveau sur l’enfant. Faute d’un suivi régulier, il n’était plus sous traitement depuis l’âge de 18 mois mais, fait surprenant, les médecins constatent que la charge virale est toujours infime. Agé de deux ans et demi aujourd’hui, l’enfant parvient toujours à contrôler son infection sans antirétroviraux. Il appartient à la classe des « contrôleurs » qui représentent moins de 0,5 % des personnes infectées par le VIH.

Pourtant, on ne peut pas parler de guérison à proprement parler, mais seulement de rémission ou au mieux de « guérison fonctionnelle ». En effet, ses défenses immunitaires parviennent à contrôler le virus pour l’instant, mais les choses peuvent changer. Selon Christine Rouzioux, chef du service Virologie au CHU Necker, à Paris, « le virus peut se manifester à nouveau selon un délai variable chez les individus, mais ce n’est pas inéluctable ». En réalité, il est impossible de prévoir l'évolution, car le virus reste tapi dans des « réservoirs » hors d’atteinte du système immunitaire.

Encourageant, mais encore mystérieux

Les chercheurs qui ont étudié le cas de ce jeune enfant estiment que sa résistance au VIH est due en partie à la précocité de la trithérapie, qui aurait permis de limiter les réservoirs viraux. En outre, d’autres facteurs entrent en jeu. Pour Christine Rouzioux, « c’est sans doute une combinaison entre le traitement et des caractéristiques immunitaires de l’enfant qui est à l’origine de sa résistance. Il n’y a pas de mécanisme unique ». Car les allèles HLA-B57 et HLA-B27, souvent présentes dans le patrimoine génétique des personnes naturellement résistants au VIH, n’ont pas été détectés chez l’enfant. « Donc, s’il tire parti d’un fond génétique permettant de contrôler son infection, on ne le sait pas encore », signale la virologue. L’enfant peut aussi avoir bénéficié de facteurs d’immunité développés par sa mère et transmis en même temps que le virus lors de l’infection. Pour l’heure, ces interrogations restent irrésolues et le cas de cet enfant n’est donc pas généralisable.

Cela étant, « en France, les nouveau-nés infectés sont systématiquement traités précocement », explique Christine Rouzioux. Leur charge virale est donc également très basse mais… sous antirétroviraux. En fait, en l’état actuel des connaissances, il est impossible de déterminer quels individus peuvent interrompre leur traitement sans risque de redonner de l’élan au virus.

En ce sens, le cas de cet enfant est encourageant. Il indique qu’après un traitement initial précoce, le système immunitaire peut parfois contrôler le virus de manière autonome durant une longue période. Mais l'identification des facteurs en cause permettrait d’envisager une détection des personnes aptes à interrompre leur traitement. La prudence reste toutefois de mise, d'autant qu’on ignore encore si ces « contrôleurs » demeurent infectieux pour un tiers. 

À ce jour, le seul cas de guérison avéré est celui de Timothy Brown, surnommé « le patient de Berlin », en référence à la ville où il a été soigné. Souffrant d’une leucémie, il avait reçu en 2007 une greffe de moelle osseuse d’un donneur génétiquement résistant au VIH. Au bout de 600 jours, le virus n’était plus détectable dans son organisme.

Ronan Rousseau le 16/03/2013