Entretien avec Kul C. Gautam : comment vont les Terriens ?

En 2000, l'Organisation des Nations unies annonçait pour 2015 des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ambitieux, précis et chiffrés. À mi-parcours, nous avons demandé au directeur exécutif adjoint de l'Unicef de dresser un bilan lucide et sans complaisance. Résultat : un message réaliste, musclé et porteur d'espoirs.

le 02/04/2007

Vous avez dit « Objectifs du Millénaire » ?

Voilà maintenant sept ans, les chefs d'État et de gouvernement de toute la planète ont fait un rêve : un monde débarrassé de la faim, de l'extrême pauvreté, des grandes maladies... un monde où tous auraient enfin accès à l'éducation, à l'égalité entre les sexes, à l'eau potable... un monde où tous les partenaires privés et publics se donneraient la main pour construire une Terre qui saurait se développer « durablement ».

Drôle de rêve qui devait se concrétiser par une signature collective sur les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ainsi se dessinait pour la première fois dans l'histoire de notre planète, et sous la bannière de l'Onu, non pas une espèce de « meilleur des mondes » façon Aldous Huxley, mais mais bien un horizon de Terre tout simplement vivable.

Au-delà du slogan...

Seul problème, ce rêve de nos dirigeants, personne n'y croyait ! Au point d'ailleurs que, selon le Commissaire européen à la science et à la recherche, Janez Potocnik, « 80% des Européens ne connaissent même pas l'existence des Objectifs du Millénaire pour le Développement. » Annoncé lors du dernier Forum des sciences de la vie « Biovision » qui se tenait récemment à Lyon, ce chiffre bien que choquant n'est en soi pas très étonnant : ce n'est en effet pas la première fois que l'Onu, à travers ses agences spécialisées (OMS, Unicef, FAO, Unesco...), nous promet « la Terre » !

Du coup, pour tenter de rendre crédible ces huit Objectifs du Millénaire, l'Onu fit appel à des centaines d'experts qui prirent l'affaire au sérieux. Résultat : au-delà du slogan et de la déclaration d'intention, ces Objectifs sont encadrés de buts précis et d'indicateurs chiffrés permettant de mesurer l'état d'avancement année après année dans toutes les régions du monde. Et ce d'ici à 2015, date butoir fixée pour atteindre les dits Objectifs.

Les 8 objectifs pour 2015

Avant d'écouter l'un des meilleurs avocats de cette « cause universelle » si mal reconnue par les opinions publiques internationales, il nous faut encore rappeler quels sont précisément ces Objectifs ambitieux et concrets en forme de véritables « travaux d'Hercule ».

  1. Éradiquer la faim et l'extrême pauvreté (objectif n°1) : réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et celle qui souffre de la faim.
     
  2. Assurer l'éducation pour tous d'ici à 2015 (objectif n°2) en donnant à tous les enfants les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires.
     
  3. Promouvoir l'égalité des sexes, en éliminant les disparités dans tous les niveaux d'enseignement d'ici à 2015, et donner du pouvoir aux femmes (objectif n°3).
     
  4. Réduire des deux tiers la mortalité infantile (moins de cinq ans) entre 1990 et 2015 (objectif n°4).
     
  5. Réduire des trois quarts la mortalité maternelle périnatale entre 1990 et 2015 (objectif n°5).
     
  6. Faire reculer le sida, le paludisme et les autres maladies majeures (objectif n°6).
     
  7. Intégrer les principes d'un développement durable dans les politiques et les programmes des pays et inverser la tendance sur la déperdition des ressources environnementales ; diminuer par deux, d'ici à 2015, la proportion de la population sans accès à l'eau potable et aux systèmes d'assainissement ; améliorer sensiblement la vie d'au moins 100 millions d'habitants de taudis (bidonvilles) d'ici à 2020 (objectif n°7).
     
  8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement : aide publique au développement plus généreuse, traitement définitif de la question de la dette des pays en développement, créer des emplois décents et productifs pour les jeunes, rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables dans les pays en développement, mettre les nouvelles technologies à la portée de tous (objectif n°8).

 

Des succès et des échecs

Pour apprécier le réel état d'avancement de ces Objectifs du Millénaire, des diagrammes chiffrés extrêmement complets existent pour toutes les régions du monde. On pourra les consulter minutieusement sur le site de l'Onu dans le dernier bilan réalisé en 2006 (lien Internet accessible au bas de cet article). Ils permettront de mesurer le chemin à parcourir...

On pourra certes critiquer le côté « programme électoral » d'un tel catalogue de mesures pour « changer la Terre ». On pourra également relever des manques criants, par exemple l'absence d'engagements précis ou quantifiés, ni d'échéances dans le très politique objectif n°8. Il n'empêche : prenons au mot nos dirigeants et leur rêve d'un monde juste pour tous. Et demandons-leur des comptes. Ces Objectifs peuvent-ils sérieusement être atteints d'ici à 2015 dans toutes les régions du monde ? Quelles sont les raisons des échecs constatés aujourd'hui et quels obstacles majeurs doivent être levés ?

Pour aborder ces questions, nous avons rencontré le directeur exécutif adjoint de l'Unicef, l'une des agences de l'Onu les plus impliquées dans la mise en oeuvre et le suivi de ces Objectifs du Millénaire, lors de son dernier passage en France. Kul Chandra Gautam, la parole est à vous...