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Le projet des neurosciences cognitives, aussi ancien que la philosophie
elle-même, consiste à comprendre comment notre pensée, nos
sentiments, nos actions et nos perceptions émergent de l’activité
coordonnée des réseaux de neurones de notre cerveau. Esquissé par
Jean-Pierre Changeux dans
L’Homme neuronal
1
, ce projet mobilise
aujourd’hui plusieurs disciplines. En mesurant le comportement et
les erreurs commises par des volontaires humains, enfants et adultes,
la psychologie expérimentale décompose chacune de nos facultés
en une série d’opérations mentales. Ainsi savons-nous aujourd’hui
décrire, par exemple, les étapes successives de traitement des données
qui permettent au cerveau de reconnaître un mot. En parallèle,
les techniques d’imagerie cérébrale visualisent l’activité du cerveau
humain pendant que celui-ci réalise diverses opérations mentales.
Il devient ainsi possible de voir quelles régions du cerveau sont
impliquées dans chacune des grandes fonctions cognitives. Enfin,
l’analyse de l’activité des neurones laisse entrevoir le « code neural »,
c’est-à-dire la manière dont ces réseaux neuronaux représentent
et manipulent l’information. Les modèles abstraits et désincarnés
de la psychologie sont ainsi complétés par une image de plus en plus
fine des mécanismes neuronaux qui les sous-tendent.
Les neurosciences cognitives ne se contentent pas d’éclaircir les
mécanismes élémentaires de la vision ou de la motricité. Elles jettent
également une lumière sur des fonctions plus complexes qui sont,
sinon l’apanage, du moins l’un des aspects les plus originaux du cerveau
de l’homme. C’est le cas de la prise de décision, liée aux aires du cortex
préfrontal ; du « cerveau social », qui nous permet de représenter
les émotions, les intentions et les croyances de nos congénères ;
de l’introspection et de la conscience, pierre de touche de la philosophie
dont l’énigme est aujourd’hui en passe d’être résolue. Dans tous ces
domaines, le cerveau humain présente des particularités évolutives
qui le distinguent de celui des autres primates : la recherche apporte
ainsi un éclairage nouveau sur « le propre de l’homme ».
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Jean-Pierre Changeux,
L’Homme neuronal,
Paris, Fayard, 1983
(rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 1998).
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