La santé au travail, un business ?

Devenue un enjeu pour les entreprises, la santé au travail constitue désormais un marché concurrentiel, où acteurs institutionnels et privés proposent des services. Le manque d’encadrement du dispositif de prévention permet à des cabinets non agréés de proposer leurs services. La plupart se sont rués sur le créneau de la gestion du stress. Les formations visent en général à apprendre aux salariés à « gérer » leur stress, pas à en éliminer les causes.
Le ministère du Travail a pris conscience de la dérive. Il a réuni, en juin 2010, 70 consultants pour discuter d’une « charte méthodologique et déontologique » en matière de risques psychosociaux.
« Le risque est grand que les employeurs, pour répondre à leurs obligations, recourent à ces prestations commerciales et s’estiment dispensés de s’intéresser à la santé des salariés, à la prévention des risques, à leur organisation et leur management », s’inquiète- Gabriel Paillereau, ancien délégué général du Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme).

Source : Revue Santé et Travail, octobre 2010 (pdf, 286 ko)

Qu'est-ce que le management par la peur ?

Dans l'entreprise, la peur est souvent utilisée comme stratégie de pression pour atteindre un certain nombre d'objectifs comme la performance, la qualité, les délais.
C'est souvent l'incertitude qui génère le sentiment de peur.

« (…) Veillez à exiger toujours trop de votre personnel. Créez une espèce de frénésie (…) Créez un maximum de compétition. Tout le monde doit réaliser que seul le plus habile survivra. (…) Cherchez constamment des gens à blâmer (…) ». Marie Pezé, psychanalyste spécialiste de la souffrance au travail, repose sur le bureau de son cabinet un exemplaire de Change Management, La gestion du changement. Les principes des changements réussis dans les entreprises de Peter Kruse. Une transcription de la conférence donnée il y a dix ans par ce professeur de psychologie organisationnelle à des managers de la City Bank.
« Pour instaurer le management par la peur, on organise une hyperactivité, un productivisme effréné qui rend le salarié absolument incapable de dégager du temps pour prendre du recul, explique la psychanalyste. Il est constamment dans une activité urgente. De surcroît, il est surveillé par des caméras ou des logiciels de contrôle du temps de travail. Et on lui donne des objectifs inatteignables qui le mettent en situation de faute prescrite : il part en situation de coupable dans l’exécution de son travail. »

En savoir plus :

France Télécom et le management par la peur . Article Psychologies.com

Les bénéfices du management par la peur ne sont pas durables. Article La vie éco

La peur est devenue une méthode de management. Article de l'Express 

Au travail, les femmes souffrent-elles plus que les hommes ?

Stéréotypes sexistes, inégalités salariales, temps partiels imposés, travail précaire, manque de reconnaissance, discriminations liées à la grossesse … Certains risques sont spécifiques ou accrus pour les femmes. Marie Pezé, auteure de Travailler à armes égales (Pearson, 2011) parle de "double peine" concernant la situation des femmes dans l’organisation du travail en France.

L’accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail évoque ainsi les violences faites aux femmes et dénonce "la persistance des stéréotypes et des tabous ainsi que la non reconnaissance des phénomènes de harcèlement sexuel" dans l’entreprise. Les risques de harcèlement sexuel et de discriminations sexistes viennent donc s’ajouter pour les femmes aux risques psychosociaux en général. Cette accumulation s’applique toutefois aussi à d’autres catégories de personnes : discriminations racistes pour les personnes d’origine étrangère ou discriminations homophobes pour les personnes homosexuelles par exemple.

Les inégalités de salaires persistent entre hommes et femmes à travail égal. En 2011, l’Observatoire des inégalités rapporte en effet que les femmes gagnent en moyenne 10% de moins que les hommes à niveau de diplôme et d’expérience équivalent.

Les femmes sont encore souvent les gestionnaires principales de la sphère domestique et familiale. En 2011, les Françaises consacrent en moyenne 13h de plus par semaine aux tâches domestiques que les Français. Les maladies des enfants, les vacances ou les réunions avec les professeurs entrent fréquemment en conflit avec les contraintes d’un emploi. Comme le congé maternité, ces activités sont associées par de nombreux responsables des ressources humaines à un "absentéisme féminin". Celui-ci justifierait la discrimination salariale des femmes, qui seraient naturellement moins efficaces et compétentes que les hommes puisque préoccupées constamment, contrairement aux hommes, par leur vie familiale et domestique.

Les femmes accèdent plus difficilement aux postes à responsabilité. C’est ce que l’on appelle le phénomène du "plafond de verre", par lequel les femmes regardent évoluer leurs collègues masculins accédant à de hautes fonctions. Les femmes sont donc majoritairement employées dans des emplois d’exécutrices. Cela a pour conséquence, explique Marie Pezé, qu’elles sont plus souvent amenées à supporter un "management de maltraitance".

Les femmes sont aussi plus touchées que les hommes par les contrats précaires et le travail à temps partiel subi. Elles sont également plus souvent en situation de famille monoparentale. "Leur situation personnelle fait alors qu'elles acceptent plus longtemps des situations de maltraitance car elles ont besoin de leur travail pour vivre." déclare Marie Pezé.

Des mesures sont peu à peu mises en œuvre pour lutter contre les discriminations faites aux femmes dans le monde du travail. La loi du 12 mars 2012 sur la résorption de la précarité et l’égalité professionnelle hommes-femmes instaure ainsi des quotas pour l’accès des femmes aux postes de hauts fonctionnaires. Mais au-delà des mesures de discrimination positive, les mesures incitant les hommes à s’investir davantage dans leur vie domestique et familiale, comme la loi du 1er janvier 2002 instaurant le congé paternité en France, ont un impact bénéfique sur la situation des femmes dans le monde du travail.

En savoir plus :

Les femmes dans l’organisation du travail en France : la double peine. Par Marie Pezé

Les inégalités de salaires hommes-femmes : état des lieux. Site de l'Observateur des inégalités

Quand le travail malmène les femmes. Article Santé & Travail. 2008