Le casse-tête des faibles doses

Pour les scientifiques, il n’est pas simple d’établir la preuve formelle de la nocivité de substances toxiques à faibles doses.

L’étude des perturbateurs endocriniens constitue un vrai défi pour la recherche. Première difficulté, ces produits prennent le contrepied d’un dogme longtemps considéré comme infaillible en toxicologie : la dose fait le poison, autrement dit la toxicité est proportionnelle à l’exposition. En effet, les perturbateurs endocriniens peuvent avoir des effets à très faibles doses.

Deuxième difficulté : le mélange de deux substances inoffensives peut donner naissance à un composé toxique. Pour étudier cet « effet cocktail », il faudrait tester tous les mélanges possibles... Or il existe des milliers de substances chimiques susceptibles d’avoir des effets sur l’équilibre hormonal. Ce qui engendre une autre difficulté : pour prouver la toxicité d’une substance, il faut pouvoir comparer une population exposée à une population non exposée. Or les perturbateurs endocriniens sont tellement omniprésents qu’il est quasiment impossible d’identifier des personnes non exposées, susceptibles de constituer une population de référence.

Enfin, les perturbateurs endocriniens peuvent agir par plusieurs voies (ingestion, inhalation, toucher) et leurs effets n’apparaître qu’après de longues périodes, voire en sautant des générations. Autant de difficultés qui freinent la recherche et rendent le passage de la suspicion de toxicité à la preuve formelle long et difficile à établir.

Étude Elfe : mieux mesurer les risques

Des études épidémiologiques tentent d’établir des liens entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les risques. À l’instar de l’étude Elfe lancée en France sur 18 324 bébés nés en 2011 qui seront suivis jusqu’à l’âge adulte (20 ans). Elfe permettra notamment de mesurer la contamination individuelle des enfants à différents produits et d’observer la survenue éventuelle de troubles endocriniens. Les premières analyses, réalisées en 2013 – et dont les premiers résultats devraient être publiés prochainement – permettront d’évaluer les niveaux d’exposition des mères (pendant la grossesse) et des nouveau-nés à divers polluants de l’environnement, tels que les phtalates, le bisphénol A, les retardateurs de flammes ou les pesticides.