Observez votre enfant jouer et décodez son attitude avec l’aide de pédopsychiatres et de professionnels.

Le tournage des vidéos ci-dessous a été réalisé sur "le chantier" de la Cité des enfants et dans une école maternelle. Ces séquences sont commentées par des experts de la petite enfance et ont pour thème principal la socialisation de l'enfant.

Faisons un tour sur le chantier !

Les maçons - Universcience, 2007 (1'38)Jouer au maçon est un jeu qui montre toute l’importance symbolique de la maison pour les enfants.
"Les maçons"

Un petit garçon.
-C'est qui qui m'aide à chercher les autres ?
-Mais il va tomber !
-Ah !
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-L'enfant aspire toujours à grandir.
C'est la notion de haut et de bas et la notion aussi que ça tombe.
Je grandis, je suis très haut, je suis grand, puis je suis petit.
C'est une sorte de va-et-vient entre la capacité qu'il a à grandir et à ne pas vouloir grandir.
En même temps, il y a toute la pensée, j'allais dire géométrique, qui se voit dans ce jeu.
L'emboîtage, le plein par rapport au creux.
Des notions fondamentales dans le développement cognitif de l'enfant.
Il faut remplir ce qui est vide.
L'enfant a horreur du vide.
C'est un peu comme la nature.
Un petit garçon.
-Voilà encore une maison finie !
Un autre petit garçon.
-Une maison très bien !
Le premier petit garçon.
-Ouais, et ça aussi, très bien.
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-Et puis, le petit garçon dit : "Ça y est, ça a marché !"
Il montre le temporaire du jeu.
C'est quand même un jeu.
C'est pour de rire.
Une petite fille.
-J'aide quelqu'un...
Je vais pas tenir longtemps.
Vite, Amandine !
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-"Fais vite, Amandine, je ne vais pas tenir longtemps."
C'est incroyable !
Je ne vais pas tenir longtemps à supporter un vide.
Un manque, une absence.
Je ne peux pas supporter la perte de l'objet, qu'il ne soit pas complet.
Comme maman, papa, grand-mère, grand-père, etc.
Les amis.
Les manoeuvres - Universcience, 2007 (1'26)Quand il s'agit de construire, les filles jouent aussi bien que les garçons !
"Les manœuvres"

Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-Cette activité montre déjà que les filles jouent comme les garçons.
C'est-à-dire que dans une activité de construction, de chantier, de casque, de tourner des manivelles, de mettre des briques, les filles jouent comme les garçons.
Ce qui est original et nouveau.
Une petite fille.
-Encore des briques, Amandine !
Amandine, puis la petite fille.
-Des briques ?
On n'a pas de briques !
-Là-bas !
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-Les garçons, font malgré tout les garçons, amènent trop de briques, bousculent, ne respectent pas parfois la règle, prennent une roue...
Cette activité est intéressante parce que c'est un jeu pour rien, un jeu de construction pour rien.
C'est assez fantastique de voir des enfants adhérer à de la technologie imaginaire.
La construction de la maison, c'est aussi quelque chose qu'ils intègrent dans leur vie et leur problématique.
L'enfant a besoin d'une famille, d'un père et d'une mère, mais aussi d'une maison.
L'espace "maison" est aussi important que l'espace "parents".
Le garde-barrière - Universcience, 2007 (2'36)Quel bonheur de jouer au garde-barrière ! Un jeu d'imitation et de pouvoir.
"Le garde-barrière"

Marie-Luce Gibello, psychologue psychothérapeute.
-C'est de l'excitation joyeuse.
En particulier le premier, c'est manifeste.
Il est jubilant par tous les pores de sa peau, par tout son corps.
Il est tellement jubilant qu'il explose, il sort de la cabine.
Dans le jeu, et on le voit bien ici avec la barrière, les enfants participent avec tout leur corps.
Toute l'excitation qui est accumulée...
Le jeu, c'est excitant.
Tous les jeux sont excitants.
Donc ils accumulent une excitation qui se traduit par un tonus qui va s'amplifiant, et à un moment il faut que ça explose.
Un petit garçon.
-Mets tes mains, quand même !
Attends !
Un autre petit garçon.
-Moi je suis derrière toi, et après c'est moi qui vais devant.
Et après c'est toi qui vas derrière et après c'est moi qui vais derrière.
On fait comme ça ?
Marie-Luce Gibello, psychologue psychothérapeute.
-Ce qui est intéressant, c'est de voir comment quelques leaders vont se décaler par rapport à la situation et en faire un jeu auquel les autres adhèrent.
C'est le jeu du...
du portier désinvolte.
Une petite fille.
-Monsieur !
Un troisième petit garçon.
-Oui ?
La petite fille.
-Ma voiture est toute collée alors tu peux le faire ?
Le petit garçon.
-Voilà.
Une deuxième petite fille.
-D'abord il faut mettre un ticket, et puis il faut passer.
Marie-Luce Gibello, psychologue psychothérapeute.
-Le jeu n'intervient vraiment que quand la petite fille crie : "Ticket !
Il faut payer."
Là, on a quelque chose de l'ordre du jeu symbolique auquel les enfants adhèrent.
Mais c'est parce qu'avant ils ont compris comment ça marche.
Je pense qu'il y a des enfants qui, dans cette situation de jeu, vivent des situations de frustration.
Par exemple, il y a cette toute petite situation où une petite fille est en train d'activer la barrière, une autre vient et lui demande sa place.
Et l'autre la lui cède.
Là, on a un rapport de fort à faible.
Ça fait partie aussi de la socialisation.
C'est-à-dire, elle n'a pas pris sa place, elle la lui a demandée, et l'autre a accepté.
Ça fait partie des concessions que les enfants apprennent à travers ces situations.
Les constructeurs - Universcience, 2007 (1'06)Ce jeu permet de trouver des règles, de s'organiser et de jouer à faire semblant
"Les constructeurs"
Gilles Brougère, professeur des Sciences de l'éducation, Université Paris Nord.
-On peut dire que c'est le jeu des briques ou de construire une maison.
On a tous les ingrédients du jeu.
D'abord un faire semblant, les enfants jouent un rôle, celui de constructeurs qu'ils ne sont pas, qu'ils font semblant d'être grâce au matériel qui les aide et structure leur activité.
Ensuite, ils décident.
Personne ne leur dit ce qu'il faut faire.
Ils organisent leur activité en fonction du matériel, de leur objectif.
Ils ont des règles, elles sont liées au matériel mais aussi à la façon dont ils pilotent et organisent l'activité.
Il n'y a pas de contrainte extérieure qui donnerait un sens ou une contrainte à cette activité qui ne serait pas celle qu'ils choisissent, donc c'est une activité frivole et sans conséquences.
Et enfin, elle reste incertaine, au sens où on ne sait pas au début comment elle va se terminer et à quoi elle va aboutir.
Le grand rangement - Universcience, 2007 (1'018)Quand ranger devient un plaisir !
"Le grand rangement"

Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-Le rangement c'est un rêve de maman : "Range ta chambre."
Cette activité nous démontre la partie obsessionnelle, ritualisée de l'enfant.
C'est peut-être un message de ma part contre les modes en psychologie de l'enfant : les TOC.
Un enfant qui range beaucoup n'est pas obsessionnel.
C'est un enfant normal qui se développe et qui progresse dans le fait d'être rassuré par remettre les choses à sa place.
Je crois que le rituel, la pensée magique, la répétition, aident l'enfant à grandir.
Il ne faut pas s'inquiéter si vous avez un enfant trop ordonné, ou un enfant désordonné, dans le fond.
Je crois que les deux sont licites.
On voit que certains enfants rêvent ou font semblant de ne pas ranger, et d'autres, au contraire, voient les creux, les pleins, on retrouve la même notion, mais aussi l'appui.
L'appui, la référence, la sécurité par le mur, la partie du mur qui rassure.
L'enfant doit toujours s'appuyer sur quelque chose pour pouvoir construire.
Oh hisse ! - Universcience, 2007 (1'28)Filles et garçons aiment prendre de la hauteur
"Ho hisse"

Une petite fille.
-Attendez !
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-C'est là qu'on voit bien que les enfants ont besoin de hauteur, de grandeur, de grands jeux.
Et pas toujours de jeux au sol.
De la petite voiture aux jeux qui grimpent.
C'est aussi quelque chose qui évoque le rêve de la cabane, être dans une cabane dans un arbre.
Les enfants sont des explorateurs de ciel.
Ils montent vers le haut, ils font monter vers le haut.
Je crois que c'est un hommage aux suffragettes.
Si elles voyaient cette séquence, elles seraient ravies.
C'est un merveilleux exemple d'égalité des sexes dans le jeu.
Combien avec un gros engin, très soulevé, etc., tout le monde éclate de rire.
Un petit garçon.
-Dans l'autre sens !
Voilà.
Marcel Rufo, pédopsychiatre.
-Un enfant, dans le jeu, ne sent pas la fatigue.
Le métier de l'enfant, c'est jouer.
Le développement de l'enfant et sa qualité d'être au monde, c'est jouer.
Une maison pour tous - Universcience, 2007 (1'57)Petit drame entre enfants. Le jeu permet de délimiter son territoire.
"Une maison pour nous"

Un petit garçon.
-Attends !
Va chercher des briques pour nous.
Marie-Luce Gibello, psychologue psychothérapeute.
-Le jeu de la maison est universel.
Les enfants prennent trois fois rien et délimitent un territoire pour eux, pour un petit groupe qui sera un groupe de familiers.
C'est un jeu codé.
Il y a toujours une porte, un semblant de clé, les enfants ferment la porte, et quelqu'un qui arrive fait semblant de frapper.
On ne franchit pas la porte sans avoir l'autorisation d'entrer.
C'est un jeu symbolique fort.
Ils sont en train de faire leur projet d'installation et ils s'aperçoivent que cette fille...
Qui a quelque chose de très surprenant pour des enfants de cet âge-là.
Elle, je crois qu'elle ne joue pas.
Eux jouent, et quand ils lui disent : "C'était une maison pour nous", elle répond : "J'en avais besoin".
Le petit garçon.
-Elle a détruit la maison.
Arrête de détruire sinon je vais le dire.
Mais ici on fait une maison pour nous.
Je vais le dire, voilà.
Marie-Luce Gibello, psychologue psychothérapeute.
-On voit tout ça à la fois.
Comment un drame qui nous paraît dérisoire, petit, à leur mesure est aussi grave qu'un drame d'adulte.
Et ils ont à s'adapter à ce drame-là, à faire face, à trouver des compromis ou à accepter, passer à autre chose.