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Mieux qu’un roman

On sait finalement peu de choses sur la vie de Léonard de Vinci. Mais les quelques éléments biographiques qui nous sont parvenus depuis 500 ans, dûment estampillés véridiques ou seulement vraisemblables par les historiens, font déjà de Léonard de Vinci, un personnage de roman idéal. Jugez plutôt :
- il est un enfant naturel, qui naît en 1452 hors mariage.
- il est élevé loin de sa mère, par la famille de son père.
- il ne fait pas d’études. On sait que du fait de son illégitimité, il n’a pas suivi l’itinéraire « classique » d’un enfant de bonne famille, en particulier pour les études.
Il n’apprit ni latin, ni grec, un handicap certain en matière de lecture, et en particulier pour les textes scientifiques de l’époque. Ce qui en fit un autodidacte.
- il est gaucher et pratique l’écriture spéculaire, c'est-à-dire l’écriture en miroir, sans doute depuis qu’il a appris à écrire. Mais cette écriture « codée » va faire le bonheur des amateurs de mystères de tout poil.
- il est discret sur sa vie intime. On ne lui connaît de façon certaine ni amants, ni amantes, ni amours, ni rejetons légitimes ou pas, pas de mariage, pas de concubinage notoire. Cet homme-là a-t-il vécu ? Oui de toute évidence, puisque son premier biographe connu, Vasari, le décrit comme un homme de cour beau, affable, civilisé.
- il devient très jeune un peintre surdoué, un courtisan accompli, musicien, conteur, danseur, un ingénieur au service des rois. Tant de talents éblouissent et fascinent !
- il vit vieux : il meurt à 67 ans. C’est un âge canonique pour une époque où l’espérance de vie est de moins de 30 ans. (Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de vieillards, mais que de très nombreux enfants n’atteignent pas 5 ans) Il a donc forcément un secret de longévité !
On ne connait de lui aucun portrait en jeune homme : Léonard de Vinci a-t-il toujours été vieux ? Sans doute pas, mais avec cet unique portrait, dont rien ne prouve de façon certaine qu’il s’agit bien de lui, il rejoint la galerie des augustes vieillards à barbe blanche de notre mémoire collective, conseillers des peuples et des rois, mi-savants mi-magiciens : Noé, Gandalf, Merlin, et même le Père Fouras !
 

Une œuvre qui recèle son lot de secrets

Tableaux, décors, machines, carnets… Vinci laisse une œuvre immense parce que protéiforme, mais qui n’est finalement pas si volumineuse, les carnets mis à part.
Les conditions de production, de l’œuvre peinte en particulier, restent à ce jour mal connues. Sur la petite quarantaine de fresques ou de tableaux peints par Léonard de Vinci, dont une partie a disparu, certaines lui sont attribuées sans certitude… Il n’existe aucune trace archéologique des grands décors de scènes, ou des machines, qui en faciliterait l’étude ou prouverait simplement leur existence passée. Sans compter les projets hydrauliques ou d’aménagement de cités qui n’ont jamais vu le jour... tout cela a-t-il vraiment existé ?

La destinée des carnets, de loin la production la plus importante de Léonard de Vinci, des milliers de feuillets, est une suite de péripéties. Cette œuvre volumineuse sera dispersée à sa mort. Les carnets d’origine passent de main en main, soustraits à la diffusion, se perdent, réapparaissent recomposés, sont plusieurs fois revendus au cours des siècles, et jusqu’à très récemment.

 Leur nom même : code, codex, codé… Codex Arundel, Codex Atlanticus, Codex Leicester, Codex Trivulzianus... Qui de nos jours sait ce qu’est un codex ? A-t-on même envie de dévoiler ce qu’ils sont, tant ces mots portent en eux de voyages, de mystère et de secrets ? Et voilà bien une façon d’entretenir le mythe Vinci !
 

Leur beauté : l’exemple même des vieux grimoires d’enfance ! Sur fonds de papiers bistre, des camaïeux d’encre brunis par le temps, flanqués de cette petite écriture serrée, régulière et indéchiffrable, leur pouvoir de séduction est immense. Ignorants ou experts de l’œuvre et de l’auteur, le premier regard porté sur les carnets est avant tout une expérience sensible et esthétique.

Leur contenu enfin : Vinci y représente ce qui résonne en nous depuis toujours : le vol des oiseaux, les mystères du corps humains, l’eau en repos ou en mouvement… Autant de thèmes mythologiques, et même si certaines machines relèvent du rêve , ce sont précisément des machines à rêver...
Enfin les carnets forcent l’admiration car ce sont ces feuillets qui livrent véritablement la pensée de Léonard et pour les historiens, leur étude est aussi une aventure intellectuelle passionnante.

 Dernier mystère : Léonard de Vinci, n’a rien publié de son vivant, alors que l’imprimerie, d’invention récente, est en pleine expansion. Curieusement, historiens et spécialistes ne se prononcent pas sur cette question. Léonard a manifesté à plusieurs reprises son intention de publier des livres, en particulier un traité de peinture. Mais la première édition du « Traité de peinture » n’a vu le jour qu’en 1651, soit 130 ans après sa mort. Léonard a t-il en cela aussi été fidèle à sa réputation de commencer mille choses sans en terminer aucune ? Nous n’aurons jamais que des hypothèses, mais l’absence de publication va considérablement freiner la lecture de ses écrits, et la diffusion de ses idées - il faudra attendre plusieurs siècles pour que les Carnets soient publiés - et de ce fait, renforcer l’aura du personnage.