Vésuve : le volcan au cœur mouvant

"La chambre magmatique du Vésuve a bougé au cours des 20 000 dernières années". Voilà une découverte à l'allure anodine mais qui explique enfin les humeurs, tantôt explosives, tantôt lascives, du Vésuve. Au-delà, elle promet de modifier de façon notable la manière dont on évalue le risque éruptif autour du volcan napolitain.

le 23/09/2008

Un volcan mal compris

Le Vésuve, ce volcan qui a détruit Pompéi en 79 après J.-C., est l'un des plus surveillés au monde. L'un des plus craints aussi puisque 700 000 personnes vivent sur ses flancs. Pour autant, et malgré l'impressionnant arsenal d'instruments qui sondent, mesurent et écoutent depuis des décennies les entrailles du volcan, le Vésuve a été mal jaugé.

Une équipe franco-italienne l'affirme dans la revue Nature* : contrairement à ce que tous les modèles d'évaluation du risque éruptif considèrent, la position de la chambre magmatique du Vésuve n'est pas immuable : le réservoir de lave aurait bougé au fil des âges et des éruptions.

* B. Scaillet et al., Nature, 11 septembre 2008

La fonte des laves

« Pour en arriver là, nous avons étudié la composition de laves émises lors des éruptions de - 18 500 ans, de 79 après J.-C., de 472 et de 1944 », explique Bruno Scaillet, volcanologue à l'Institut des sciences de la Terre d'Orléans et co-auteur de l'article. L'idée est la suivante : la composition minéralogique des laves étant intimement liée à leurs conditions de stockage (pression et température) avant l'éruption, elle est, de fait, connectée à la profondeur du réservoir magmatique.

Lors de l'éruption du Vésuve, en 79, les habitants de Pompéi furent brûlés vifs par des nuées ardentes.

« Nous avons donc fait fondre les laves de chaque éruption dans différentes conditions de pression et de température jusqu'à obtenir, lors du refroidissement, la même composition minéralogique que celle des échantillons de laves témoins ».

Par cette approche empirique très fastidieuse, l'équipe est parvenue à reconstituer les conditions de stockage des laves avant chaque éruption. Et la conclusion est sans appel : le réservoir de lave du Vésuve a bougé au cours du temps. De 8 kilomètres de profondeur jusqu'à 79 (l'éruption de Pompéi), le réservoir magmatique était à 3-4 kilomètres de profondeur en 472. Pour le chercheur, « une telle migration pourrait être liée à la perte d'une partie de l'édifice volcanique lors de l'éruption de Pompéi.» Les contraintes physiques s'exerçant sur la chambre magmatique en auraient été modifiées et le réservoir de lave serait remonté vers la surface.

« C'est la première fois que l'on met en évidence un tel phénomène sur un volcan, et cela pourrait expliquer la nature versatile des éruptions du Vésuve », constate Bruno Scaillet. D'explosives, et donc particulièrement dangereuses dans le cas de Pompéi, les humeurs du Vésuve ont ensuite pris la forme de "simples" coulées de lave. Pour les chercheurs, cet adoucissement serait lié à la montée de la chambre magmatique. Ainsi, plus celle-ci serait profonde, plus l'éruption du Vésuve serait explosive.

Une position incertaine

Aujourd'hui, on ne connaît pas la position de la chambre magmatique. L'étude des ondes sismiques montre qu'une étrange anomalie apparaît sous le volcan, vers les 8 kilomètres. « Mais l'interprétation de signaux sismiques est assez difficile, explique Bruno Scaillet. Et nul ne sait vraiment si l'anomalie observée à 8 kilomètres de profondeur correspond à la chambre magmatique. » La résolution des images obtenues via les ondes sismiques est de plus médiocre : toute structure inférieure à 300 mètres de largeur échappe à la détection. « Il est ainsi tout à fait possible que la chambre magmatique soit plus haute dans le volcan, mais invisible. »

Pour les chercheurs, la priorité est désormais de créer de nouveaux appareils de mesure sismique pour tenter de dénicher la chambre magmatique actuelle du Vésuve. A la lumière de ce travail, les modèles d'évaluation du risque éruptif (voir animation), basés sur l'idée que la position de la chambre magmatique du Vésuve est stable dans le temps, devront être réactualisés. Avec quelles conséquences sur l'éventuelle dangerosité du Vésuve ? Nul ne le sait encore.

le 23/09/2008