Les nouveau-nés pleurent dans leur langue maternelle

En comparant les pleurs de nouveau-nés français et allemands âgés de 2 à 5 jours, des chercheurs ont découvert que leurs cris empruntent la « mélodie » de leur langue maternelle.

Par Paloma Bertrand, le 17/11/2009

2 500 pleurs de nouveau-nés enregistrés...

Avant d'arriver aux résultats publiés ce mois de novembre 2009 dans la revue Current Biology, le quotidien de l'équipe franco-allemande spécialisée en sciences cognitives n'a pas été de tout repos. Imaginez : une partie de l'équipe s'est installée à la maternité Port-Royal de l'hôpital Cochin à Paris pour enregistrer les pleurs de 30 nouveau-nés français, tandis que les autres analysaient les enregistrements de 30 nourrissons nés en Allemagne. Les chercheurs ont engrangé au total une moisson de 2 500 pleurs de nouveau-nés. Le jeu en valait la chandelle car, après des semaines d'une écoute attentive, des différences persistantes ont été remarquées

Avec le son !

Les scientifiques pensaient, jusqu'ici, que les cris de tous les nouveau-nés commençaient haut et fort pour décroître jusqu'à la prochaine respiration et que cette « mélodie » unique était une production sonore mécanique induite par l'anatomie et la capacité pulmonaire du nourrisson. Mais l'étude des pleurs des nouveau-nés français a apporté un net démenti à cette idée. Contrairement aux pleurs des nourrissons allemands, dont la hauteur et l'intensité suivent effectivement une courbe descendante, les pleurs français vont crescendo, n'atteignant leur apogée que dans la seconde partie de la « mélodie ». Or, ces différences caractérisent également les deux langues. En allemand, l'accent est systématiquement placé en début de phrase alors qu'en français, il est le plus souvent positionné en fin de mots et au milieu des phrases.

Le nourrisson reproduirait ainsi la mélodie de la langue dont il a été bercé les trois derniers mois de la grossesse, moment où le fœtus devient sensible aux sons qui l'environnent. L'expression "langue maternelle" est-elle à prendre au sens littéral, est-ce dans la langue de la mère ou dans la langue du père que pleure un enfant né, par exemple, dans une famille franco-allemande ? L'étude reste muette à ce sujet.

L’appareil vocal du nouveau-né

À la naissance, le nouveau-né possède un appareil vocal identique à celui des primates : il dispose de deux conduits bien distincts, l'un servant à la respiration, l'autre à l'alimentation, ce qui lui permet de respirer en même temps qu'il tète. Les sons qu'il produit sont principalement véhiculés par le conduit de la respiration, ce qui donnent aux pleurs cette « couleur » nasillarde si caractéristique. C'est seulement avec la descente progressive du larynx que les deux conduits perdent leur autonomie. Au fil des mois et des années, l'enfant est peu à peu capable d'utiliser principalement sa bouche pour s'exprimer, accédant à la prononciation de phonèmes de plus en plus complexes : premiers sons de voyelles après trois mois, puis des babillements, des consonnes, des mots…

Paloma Bertrand le 17/11/2009