Nouveaux médicaments contre le cancer

Le cancer continue de faire des ravages puisqu’il est la première cause de mortalité en France, devant les maladies cardio-vasculaires. Les récentes découvertes en génétique commencent à porter leurs fruits : de nouveaux médicaments contre le cancer apparaissent. Avec parfois des guérisons spectaculaires. Un seul espoir : voir ces traitements se généraliser.

Par Isabelle Huau, le 04/02/2002

Un prix Nobel

Les premiers succès, fruits de longues années de recherche, sont prometteurs. Ne vient-on pas de récompenser par le prix Nobel de médecine 2001 un Américain et deux Britanniques, pour leurs découvertes dans le domaine de la recherche cellulaire ? Ils ont identifié les molécules clés qui gouvernent le cycle de la division cellulaire. Ces connaissances sont le fondement des futures stratégies de traitement et de prévention.

L’approche du cancer est devenue moléculaire et biologique

Une accumulation d'anomalies

Ce sont ces mots qui font espérer gagner la guerre contre le cancer : anticorps monoclonaux, cytokines, tyrosine kinase, angiogénèse… mots liés aux progrès de la biologie moléculaire. Terminé l’empirisme de l’identification des agents cliniquement efficaces contre le cancer. Au cours des vingt dernières années, les progrès de la biologie moléculaire ont permis d’identifier de nombreux gènes impliqués dans le cancer
Voici l’arrivée sur le marché de nouveaux produits très spécifiques nés de la décortication du mécanisme moléculaire conduisant à la cancérisation.

Une multiplication étouffante

Cellule myélomateuse adhérant à une lignée ostéoblastique

L’histoire d’un cancer débute des années avant l’apparition de la maladie. Sous l’influence d’agents tels que tabac, radiations… des anomalies apparaissent dans le génome d’une cellule (mutation).
Certaines de ces anomalies sont capables de perturber les mécanismes du fonctionnement de la cellule en modifiant la production des protéines. Ainsi, suivant les mutations du génome, la cellule peut ne plus mourir et se mettre à proliférer de façon excessive.
Se multipliant à l’infini, elle produit un grand nombre de cellules filles qui s’amoncellent et forment une tumeur, étouffant littéralement les cellules saines.

Quelle origine ?

Les agresseurs de la cellule

Les cancers naissent lorsque l’ADN d’une cellule est endommagé. Deux possibilités : un legs parental, autrement dit, un gène muté, hérité des parents, prédisposera à la survenue d’un cancer, en particulier du sein et du côlon. Ou bien des mutations qui se produisent au cours de la vie. Le reste des cancers est dû à l’alimentation (30%), à l’environnement ou encore aux virus.

Qu’ils soient héréditaires ou non, deux types de gènes sont plus particulièrement en cause dans l’apparition des cancers :
– les proto-oncogènes qui, lorsqu’ils subissent une mutation deviennent nocifs. On les appelle alors les oncogènes. Au départ, ces gènes sont programmés pour sécréter des facteurs de croissance (substance qui stimulent la prolifération cellulaire) et assurer le développement des cellules. Sous l’effet d’une mutation, ils se mettent à fonctionner de manière aberrante et favorisent une prolifération cellulaire incontrôlée.

– les gènes suppresseurs de tumeurs qui, lorsqu’ils sont inactivés par une mutation, ne règlent plus l’action des proto-oncogènes. Ces gènes suppresseurs sont normalement des freins au développement du cancer en freinant le déclenchement de la division cellulaire. A tout moment, la machinerie cellulaire peut s’emballer. Le plus connu est le gène p53, impliqué dans la réparation cellulaire dès qu’un dégât survient. La moitié des cancers est due à un défaut de cette protéine. Des essais en thérapie génique sont faits pour remplacer le gène défectueux par le gène normal.

Principes des nouveaux traitements :

- Arrêter la transmission du signal de prolifération des cellules

Certains médicaments comme Glivec et Iressa inhibent des enzymes, les tyrosines kinases. Car celles-ci servent à donner un ordre de croissance à l’intérieur de la cellule qui aboutira à la formation d’une tumeur.
Les plus belles victoires ont été obtenues dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques, un cancer du sang caractérisé par une prolifération de certaines cellules dans la moelle osseuse. Maladie qui touche 5 000 nouvelles personnes par an dans le monde due à une anomalie chromosomique baptisée ''chromosome Philadelphie'' (échange entre les chromosomes 9 et 22) responsable de la fabrication d’une protéine anormale: BCR-ABL. Cette protéine hybride a une activité tyrosine-kinase permanente, qui déclenche la cascade cancéreuse. Neutraliser cette protéine – ce que fait le Glivec – permet de voir une rémission complète chez 90% des patients en phase chronique et 63% en phase secondaire. Entre 22 000 et 30 000 euros par an.
Des succès également pour les cancers du poumon, de la prostate et de l’estomac.

- Empêcher les récepteurs des facteurs de croissance d’agir

Herceptine (cancer du sein) et Rituxan (lymphomes) sont appelés des anticorps monclonaux. Leur action est dirigée contre les récepteurs des facteurs de croissance dont ils inhibent la fonction.

Suite à la mutation d’un gène, les cellules ont à leur surface un trop grand nombre de récepteur (ErbB2). Ces récepteurs transmettent à la cellule l’ordre de se multiplier. Du fait du très grand nombre de récepteurs, la cellule se divise trop vite. En se fixant sur les récepteurs, l’Herceptin empêche cette multiplication chaotique.
L'Herceptin est le premier traitement du cancer qui vise une altération génétique spécifique et soit capable de tuer les cellules malignes en épargnant les cellules saines.

- Affamer le cancer

Avec de inhibiteurs de la formation des vaisseaux (angiogénèse) : angiostatine, endostatine.
Pour proliférer, les cellules cancéreuses ont besoin d’oxygène et de nutriments. Ainsi, la tumeur émet différents messages qui diffusent jusqu’au vaisseau sanguin le plus proche, le contraignant à former de nouveaux capillaires. C’est l’angiogénèse. Couper les vivres aux cellules cancéreuses en empêchant la formation de ces nouveaux vaisseaux sanguins devrait permettre de stopper l’expansion de la tumeur. Une voie de recherche originale mais pas encore au point.

Isabelle Huau le 04/02/2002