Une nano fermeture Eclair à ADN

Des biochimistes ont observé des nanoparticules d’or qui séparent les deux brins de la double hélice d’ADN comme une vulgaire fermeture Eclair®. Une preuve de plus de l’intérêt, mais aussi des risques potentiels, liés à l’utilisation des nanoparticules dans les tissus biologiques.

Par Yaroslav Pigenet, le 26/06/2012

Depuis que Rosalind Franklin, James Watson et Francis Crick ont découvert la structure en double hélice de l’ADN et les bases moléculaires de l’information génétique, médecins et biologistes n’ont eu de cesse d’essayer d’atteindre et manipuler directement cet ADN à l’intérieur des cellules pour soigner certaines maladies. Reste que faute d’outils adéquats, ce qu’on appelle la thérapie génique est longtemps resté une application très séduisante mais largement théorique de la biologie moléculaire. Aujourd’hui l’avènement des nanotechnologies, combiné aux progrès de la génomique, rend possible la mise au point de techniques permettant d’accéder à l’ADN pour corriger ponctuellement certains gènes défectueux ou pathologiques.

De l'or et des ligands

Nanoparticules d'or se liant à une molécule d'ADN

C’est dans ce contexte que les biochimistes de la North Carolina State University ont commencé à étudier le comportement de certaines nanoparticules au contact de l’ADN. « Nous avons entrepris ces travaux dans le but d’améliorer les méthodes de transport et de conditionnement du matériel génétique utilisable en thérapie génique », rappelle Anatoli Melechko, l’un des auteurs de l’étude, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Advanced Materials. L’équipe a ainsi synthétisé des nanoparticules d’or de 1,5 nanomètre de diamètre « enrobées » de molécules organiques ; certaines de ces molécules, appelées ligands, étaient chargées positivement tandis que d’autres étaient hydrophobes (ne se mélangeaient pas avec l’eau). Ces particules ont ensuite été introduites dans une solution contenant les molécules d’ADN.   

La double hélice transformée en nano sushi

L’ADN étant chargé négativement, tandis que les particules le sont positivement, l’ensemble a spontanément tendance à se lier et former des sortes d’amas complexes, mais pas uniquement… « Nous nous sommes aperçus que les deux brins de la molécules d’ADN étaient tout simplement en train d’être écartelés par les nano particules d’or », précise Anatoli Melechko. En fait, ce phénomène rappelle le mécanisme de la fermeture Eclair : les particules d’or – qui jouent ici le rôle du curseur – se lient d’abord à l’ADN – qui joue celui de la glissière dentée – grâce à leurs ligands chargés ; mais les ligands hydrophobes ayant tendance à se regrouper, cela entraîne finalement une agglomération des particules d’or qui écartent et désolidarisent les deux brins de la molécule d’ADN. Cette animation montre ce processus de « dézippage » de l’ADN par les nanoparticules d’or :

 Ce mécanisme pourrait s’avérer très utile pour obtenir et manipuler facilement des brins simples (monocaténaires) d’ADN qui peuvent servir de « moules »,  aussi bien pour isoler et amplifier certains gènes que pour concevoir des puces à ADN. Il montre aussi les risques inhérents à l’utilisation des nano particules : on imagine en effet la catastrophe que pourrait provoquer la libération incontrôlée de particules capable de laminer les molécules d’ADN avec lesquelles elles entrent en contact. « Nous pensons que les nano particules d’or continueront d’être prometteuses pour la thérapie génique, explique néanmoins Yaroslava Yingling, coauteure de l’étude. Mais il est clair que nous devons apporter une attention particulière aux ligands, aux charges et à l’activité chimique des composés employés afin de s’assurer que l’intégrité structurale des molécules d’ADN ne soit pas menacée ».

Yaroslav Pigenet le 26/06/2012