La Terre sur la voie d’un record de température

Des paléoclimatologues américains sont parvenus à reconstituer les températures de la planète sur les 11 300 dernières années. Et une tendance se dégage : la Terre d’aujourd’hui est très chaude et les températures actuelles grimpent plus vite que jamais.

Par Ronan Rousseau, le 15/03/2013

Si certains doutaient encore de la réalité du réchauffement climatique, les voilà servis. Une étude, publiée dans Science le 8 mars, montre que la Terre est plus chaude aujourd’hui que durant 80 % de l’holocène, la période de dix mille ans qui nous sépare du dernier âge glaciaire. Les résultats sont également au diapason de la célèbre courbe « en cross de hockey » de Mann, publiée en 1999 et critiquée par les climatosceptiques. Cette courbe montre une élévation brutale de la température depuis le début de la révolution industrielle. En filigrane, elle impute à l’homme la responsabilité de ce réchauffement. Seulement, là où la courbe de Mann ne décrit la variation de température que sur les derniers 1500 ans, Shaun Marcott et trois autres paléoclimatologues américains ont resitué le climat actuel dans un contexte bien plus large, en reconstituant les températures globales sur 11 300 ans.

Un carottage de glace provenant de l'Antarctique

Se fondant sur l’analyse d’échantillons de 70 sites à travers le monde – en particulier des carottages de glace et de sédiments marins –, les chercheurs ont pu reconstruire les fluctuations de température à l’échelle de la planète. Peter Clark, coauteur de l’étude, explique cette démarche : « la plupart des reconstructions précédentes étaient régionales et non pas placées dans un contexte global ». À l’échelle d’une région, le climat peut être affecté par des événements ponctuels comme El Nino ou les moussons, d’où l’intérêt de prendre du recul pour dégager une tendance planétaire.

Une anomalie de température au siècle dernier

Les résultats montrent que la température à la surface du globe a augmenté dans la première moitié de l’Holocène (-10 000 ans à -5 000 ans) jusqu’à atteindre des valeurs qui n’ont pas encore été dépassées aujourd’hui. Cette augmentation est liée à l’inclinaison de la Terre par rapport au Soleil : l’hémisphère nord recevait un ensoleillement plus fort. En revanche, au cours des 5 000 dernières années, cette inclinaison a progressivement évolué vers sa position actuelle, réduisant l’exposition de l’hémisphère nord au soleil.

Durant cette période, la température a baissé lentement de 0,7 °C. Mais contre toute attente, elle a remonté brusquement au siècle dernier. Ce rebond soudain est d’autant plus surprenant qu’au début du 20e siècle, les températures étaient plus froides que durant 95 % des 11 300 ans derniers. Shaun Marcott s’en étonne : « Avec le changement d’orientation de la Terre, nous devrions être aujourd’hui en plein dans une période de refroidissement, mais ce n’est pas le cas ». Simplement, les émissions anthropiques du CO2 ont augmenté considérablement durant les 100 dernières années. Pour Shaun Marcott, il ne fait aucun doute que « c’est la seule variable à même d’expliquer l’augmentation rapide de la température mondiale ». Et dès l’horizon 2100, les températures auront dépassé le record historique de l’Holocène selon les prévisions les moins pessimistes du GIEC. En moyenne, les températures globales seront de 2 à 6 °C plus élevées que maintenant.

Ronan Rousseau le 15/03/2013