Texte rédigé par Philippe Comar

Après avoir jeté un premier coup d’œil, le visiteur aura peut-être l’impression de s’embrouiller la vue dans tous les fils de cette machine optique. C’est un théâtre de la représentation à l’âge classique, avec sa scène, ses décors, ses machineries, ses acteurs. Le spectateur n’est pas en reste, il a lui aussi sa place, un point de vue matérialisé ici par un œilleton. Mais d’où vient cette place ? Quels sont les yeux auxquels les nôtres se superposent ? Ce modèle, qui prend pour point de départ le célèbre tableau de Diego Vélasquez intitulé Les Ménines, organise dans l’espace le jeu des regards qui s’entrecroisent et s’échangent autour de ce centre invisible qu’est le point de vue du spectateur.

Devant le tableau des Ménines, nous occupons tout à la fois la place qu’occupa le vrai peintre lorsqu’il composa sa toile en 1656, celle ensuite du modèle présumé puisque le tableau représente un peintre qui fait notre portrait, celle enfin d’un spectateur admirant la toile de Vélasquez. Ces trois figures – peintre, modèle et spectateur – qui se superposent au point d’où nous regardons, trouvent leur équivalent représenté séparément dans le tableau avec : l’autoportrait du peintre, le reflet du modèle dans le miroir et la figure anonyme d’un spectateur qui apparaît dans l’embrasure de la porte.

Le modèle présenté ici ne cherche pas tant à reconstituer en volume le tableau de Velasquez qu’à rendre compte d’une analyse possible du tableau. En somme, il s’agit ici de construire, semblable à un micro-théâtre, la scène picturale des Ménines, avec ses espaces virtuels, sa construction perspective et ses trompe-l’œil, avec ses points de fuite et ses ambiguïtés calculées, afin de rendre visible l’architecture invisible du tableau et de donner à voir – sublime illusion – toute la machinerie de la représentation, qui est aussi celle de l’imagination.

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