Mortalité néonatale : peut-on éviter 4 millions de morts par an ?

Sur les 130 millions de bébés qui naissent chaque année dans le monde, 4 millions vivent moins de quatre semaines. Pourtant, selon une récente étude, les trois quart d’entre eux pourraient être sauvés grâce à des mesures simples et peu coûteuses.

Par Lise Barnéoud, le 24/03/2005

99% des décès dans les pays en développement

Plus de 10 000 nouveau-nés meurent chaque jour dans le monde. La période néonatale ne compte que 28 jours mais correspond à 38% des décès des enfants de moins de 5 ans. Selon un récent bilan publié par The Lancet, le taux de mortalité des nourrissons n’a diminué que d’un quart entre 1980 et 2000, alors que dans le même temps, le taux de mortalité des enfants de 2 à 5 ans a chuté d’un tiers.

La mortalité néonatale dans le monde

99 % des décès de nouveaux-nés se produisent dans les pays en développement et la moitié dans seulement quatre pays : Inde (27%), Chine (10%), Pakistan (7%) et Nigeria (6%).

Mais si l’Asie compte le plus grand nombre de décès de nourrissons du fait d’une démographie plus importante, 14 des 18 pays dont le taux de mortalité néonatale est le plus élevé (4 pour 1000 naissances) se trouvent en Afrique sub-saharienne. 

Le risque de mortalité selon l'âge du nouveau-né

La plupart des études sur la mortalité néonatale portent sur les 1% de décès qui ont lieu dans les pays développés, dotés d'un système d'enregistrement épidémiologique fiable.

Mais cette étude, menée par les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef), s'est au contraire intéressée aux 99% des cas de décès qui surviennent dans les pays en développement, en se basant principalement sur les enquêtes démographiques et de santé (EDS).

Globalement, les trois-quart de ces décès surviennent dans la première semaine. Et c'est dans les premières 24h de vie que le risque de décès est le plus important (entre 25 et 45% de la mortalité néonatale).

Et en France ?

D’après l’enquête nationale périnatale réalisée en 2003 par la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), les conditions et la prise en charge de la grossesse s’améliorent en France. Ainsi, plus de 9 femmes sur 10 bénéficient des 7 visites prénatales prévues par la réglementation et le nombre moyen d’échographies par femme continue d’augmenter (4,5 en 2003 contre 4 en 1995).

Cependant, le nombre de femmes enceintes qui bénéficient de séances de préparation à la naissance est en diminution. Par ailleurs, le nombre d’accouchements déclenchés reste stable, mais le taux de césariennes continue de croître (17,5 % en 1998 et 20,3% en 2003). L’étude note également une tendance à l’augmentation des prématurés et des petits poids parmi les naissances vivantes uniques.

En 2003, le taux de mortalité néonatale en France était de 3 pour 1000 naissances.

De quoi meurent les bébés?

Les différentes causes de la mortalité néonatale

Les principales causes de mortalité néonatale dans les pays en développement sont les maladies infectieuses (36% des cas) : pneumonie, tétanos, diarrhée. Les naissances prématurées (27%) et les asphyxies (23%) représentent également deux causes majeures de mortalité chez les nourrissons. Dans 60 à 80% des cas de décès, l’enfant présente un poids très faible, lié à l’état de santé de la mère.

De façon générale, la moitié des morts de nourrissons surviennent lors d’un accouchement à la maison, sans soins médicaux. Ainsi, les pays présentant le plus fort taux de mortalité néonatale sont ceux dont le système médical est le moins développé.

Des morts évitables

Selon les auteurs de l’étude, une grande partie des décès de nouveau-nés (entre 41 et 72 %) pourraient être évités grâce à un ensemble de mesures simples dont le coût est chiffré à 4,1 milliards de dollars par an (soit 3 milliards d’euros), en plus des 2 milliards déjà dépensés actuellement.

Parmi ces mesures, les auteurs recommandent notamment de vacciner les femmes enceintes contre le tétanos, de leur assurer un traitement contre le paludisme, de former davantage le personnel médical aux complications possibles lors de l'accouchement ou encore de permettre un meilleur accès aux antibiotiques pour les bébés prématurés.

Les 16 recommandations des auteurs

Pré-conception

1. Supplémentation en acide folique

Pendant la grossesse

2. Vacciner contre le tétanos
3. Surveiller et traiter la syphilis
4. Prévenir, par une supplémentation en calcium, les crises d'épilepsie (éclampsie puerpérale)
5. Traiter le paludisme
6. Dépister et traiter l'infection urinaire asymptomatique

Lors de l'accouchement

7. Améliorer l'accès aux antibiotiques
8. Améliorer l'accès aux corticoïdes
9. Détecter les accouchements par le siège et former le personnel aux césariennes
10. Surveiller les complications possibles lors du travail et de l'accouchement
11. Améliorer les conditions d'hygiène en salle d'opération

Après la naissance

12. Former le personnel à la réanimation des nouveaux-nés
13. Favoriser l'allaitement au sein
14. Prévenir et gérer l'hypothermie
15. Favoriser la méthode de la “mère kangourou“ pour les petits poids de naissance (maintien du nouveau-né contre le corps de sa mère)
16. Détecter et traiter les pneumonies

Lise Barnéoud le 24/03/2005