Vache folle : vers une éradication de l'épizootie ?

Vingt ans après son émergence, l’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) semble sur le déclin. Les récents cas détectés en Amérique du Nord seraient liés au dépistage systématique et la première contamination chez la chèvre ne serait qu'un incident isolé. La variante humaine apparaît elle aussi en régression.

Par Lise Barnéoud, le 02/05/2005

Une épidémie en baisse chez la vache...

Incidence de l'ESB dans quelques pays d'Europe

L’ESB est en diminution dans la population bovine. En France, le nombre de cas signalés est passé de 161 en 2000 à 54 en 2004. Selon l'Office internationale des épizooties, la tendance est aussi clairement à la diminution au niveau européen : de 1956 cas signalés en 2000 (dont 1443 rien qu’au Royaume-Uni), on est passé à 765 cas en 2004 (dont 338 au Royaume-Uni).

Répartition géographique des pays ayant déclaré au moins un cas depuis 1989

Paradoxalement, si le nombre de cas diminue, les experts notent une expansion géographique de l’épidémie. Ainsi, certains pays nouvellement entrés dans l'Union européenne sont touchés depuis 2001, comme la République Tchèque, la Slovaquie ou plus récemment la Pologne. Et quatre cas ont également été découverts en Amérique du Nord. Toutefois, cette expansion géographique ne pourrait être que la conséquence d'un dépistage plus systématique.

Christian Ducrot, directeur adjoint de l'Unité d'épidémiologie animale à l'INRA

 

 

« Malgré la très forte diminution
du nombre de cas dans les pays européens,
il est encore trop tôt pour parler d'éradication

...mais une première contamination chez la chèvre !

La contamination par l'agent infectieux de l'ESB d'une chèvre originaire de l'Ardèche et abattue en 2002 a été confirmée le 28 janvier 2005 par le ministère de l'Agriculture. Les scientifiques savaient que la transmission de l'ESB aux petits ruminants était possible, mais aucun cas n'avait encore été décelé. « Sur près de 60 000 chèvres ayant fait l'objet d'un test de recherche des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST), seulement une trentaine ont présenté un résultat positif et seule cette chèvre présente un profil similaire à celui de l'ESB », insiste le ministère de l'Agriculture français.

La Commission européenne demande toutefois un renforcement du programme de surveillance chez les caprins pendant au moins six mois pour déterminer s'il s'agit d'un cas isolé.

Plus de risques pour le consommateur ?

Certaines expériences ont montré que chez les caprins et les ovins l'agent infectieux de l'ESB pouvait se retrouver dans les tissus lymphoïdes et le sang, contrairement aux bovins où il ne se loge que dans quelques organes tels que la moelle épinière ou la cervelle. D'où la question : le prion peut-il se retrouver dans la viande ou dans le lait d'une chèvre contaminée ? Pour l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le risque est « peu probable » mais les données scientifiques dans ce domaine ne sont pas nombreuses. C'est pourquoi des travaux sont en cours pour évaluer les risques de transmission via le lait, les fromages ou la viande de chèvre.

Et chez l’homme ?

Evolution du nombre de morts par la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au Royaume-Uni et en France

Le nombre de cas de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) est en diminution. Depuis le début de l’épidémie, 172 personnes en sont mortes dans le monde, dont 149 au Royaume-Uni. L’incidence annuelle de la forme humaine décroît depuis trois ans en Angleterre, après avoir atteint un pic en 2000.

En France, deux porteurs de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ont été identifiés en avril 2005, portant à 11 le nombre de cas de vMCJ, dont huit sont décédés. Selon une étude de l’Inserm, le nombre de cas attendus dans les décennies à venir ne devrait pas dépasser la centaine.

Une contamination inter-humaine via les produits sanguins ?

Après la survenue en 2004 de deux cas présumés de transmission de la maladie par transfusion sanguine au Royaume-Uni, la contamination d’homme à homme via des produits sanguins est jugée probable selon les experts. En France, les 8e et 9e cas observés en octobre et novembre 2004 pourraient donc être contaminants car ils étaient tous deux donneurs de sang.

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle analyse du risque de transmission inter-humaine de la maladie a été menée par l’Afssaps. Conclusion : l'agent infectieux, présent essentiellement dans les globules blancs mais aussi dans les globules rouges, peut se transmettre via les produits sanguins labiles (sang total, globules rouges, plaquettes et plasma), bien que ce risque soit jugé comme faible. En revanche, les experts estiment que les procédés de fabrication des médicaments dérivés du sang issu de lots contaminés réduisent considérablement le risque de transmission.

Première indication sur la dose infectieuse pour l’homme

Jean-Philippe Deslys, directeur de recherche sur les prions au CEA et co-auteur de l'étude

En février 2005, une équipe de chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a publié dans la revue The Lancet le résultat d’une étude portant sur deux macaques ayant ingéré 5 grammes de cervelle de vache folle. Résultat : 60 mois plus tard, un des deux singes a développé une maladie neurologique de type ESB, mais l’autre est toujours indemne au bout de 76 mois.

Selon les auteurs de cette étude, si l’homme consommait de la cervelle d’une vache malade à un stade non détectable par les tests actuels, « il devrait en ingérer au moins 1,5 kg » pour atteindre un degré d’exposition équivalent aux 5 grammes consommés par le singe. « Une situation impossible », conclut Jean-Philippe Deslys, co-auteur de l'étude.

Lise Barnéoud le 02/05/2005