Obésité infantile : épidémie confirmée chez les enfants européens

L'obésité infantile ne concerne pas que les Etats-Unis. Un récent rapport dévoile des chiffres alarmants pour l'Europe. Et la France est loin d'être épargnée par cette épidémie.

Par Lise Barnéoud, le 15/09/2005

Une augmentation de 2% par an en Europe

Pourcentage des enfants âgés de 7 à 11 ans en surpoids ou obèses selon les pays européens

Selon un rapport de l’International Obesity Task Force (IOTF) rendu public en mars 2005, un enfant sur 5 est en surpoids ou obèse en Europe.

C’est dans la région méditerranéenne que l’on trouve la plus forte prévalence : certains pays présentent même une proportion d’enfants en surpoids supérieure à celle des Etats-Unis estimée à 30%.

La prévalence du surpoids chez les enfants de 5 à 11 ans augmente partout.

Les experts notent une accélération rapide de l’augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité : de 0.2% dans les années 70, elle est aujoud'hui aujourd’hui de 2% par an, soit 400 000 jeunes Européens en surpoids ou obèses en plus chaque année.

« L’obésité infantile pourrait être à l’origine d’un désastre sanitaire dans l’avenir », a déclaré David Byrne, le Commissaire européen responsable de la santé et de la protection des consommateurs, lors de la journée mondiale du coeur, en septembre 2004. En effet, près de deux tiers des enfants obèses le restent toute leur vie, ce qui pourrait réduire de plusieurs années leur espérance de vie…


Mesurer l’obésité chez les enfants

La courbe de corpulence chez les filles de 0 à 18 ans

Chez les adultes, on parle de surpoids lorsque l’indice de masse corporelle (IMC=Poids en kg / Taille² en m) est compris entre 25 et 29.9. Au-delà de 30kg/m², on considère que l’adulte est obèse.

Pour l’enfant, le calcul est plus complexe puisque le pourcentage de masse grasse évolue avec la croissance. Il faut donc tenir compte de l’âge. Aussi, des courbes de corpulence ont été définies. Si l'enfant se situe au-dessus de la courbe supérieure (qui correspond au 97ième percentile), il est considéré comme obèse.

En moyenne, l’enfant présente une augmentation normale de l’IMC durant la première année de vie, puis elle diminue jusqu’à environ 6 ans (l’enfant grandit plus qu’il ne grossit). Après 6 ans, l’IMC augmente à nouveau. C’est ce que les experts appellent le « rebond d’adiposité ».  Le moment auquel survient ce rebond d'adiposité est important. En effet, d’après plusieurs études, un rebond d’adiposité précoce semble être prédictif d’une future obésité.

La France n’est pas épargnée

Répartition de la proportion d'enfants de 5 à 6 ans en surpoids en France

La France occupe une position intermédiaire dans la prévalence de l’obésité et du surpoids chez l’enfant en Europe. Toujours selon ce même rapport européen, 18% des petits Français seraient en surpoids, dont environ 4% d'obèses.

D'autre part, une étude, publiée en 2003 par la Drees (la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) chez des enfants de 5-6 ans, montre une disparité régionale dans la prévalence de la surcharge pondérale. La Corse, l’Alsace et le Languedoc-Roussillon se distinguent par une forte proportion d’enfants en surpoids.

Et chez les adultes ?

Selon la dernière grande enquête épidémiologique menée sur plus de 25 000 adultes âgés de 15 ans et plus (ObeEpi 2003), 5.39 millions de personnes étaient obèses en 2003, soit 11.3 % de la population, et 14.45 millions étaient considérées en surpoids, soit 30.3%. La proportion des personnes en surpoids et obèses a ainsi progressé en six ans de 36.7% à 41.6%. Une analyse plus fine dévoile également que l’obésité massive (IMC>40kg/m2) a doublé durant la même période.

C’est à partir de 35 ans que l’augmentation de la prévalence de l’obésité est la plus importante (+51% en six ans). Les professions les plus à risque sont les artisans, les ouvriers, les agriculteurs et les retraités. Par ailleurs, les hommes sont plus touchés que les femmes. La prévalence de l’obésité diminue avec le niveau d’instruction.

Selon les auteurs de cette étude, conduite tous les trois ans, si rien n’est fait pour infléchir cette tendance, la France pourrait compter 20% d’obèses d’ici à 2020.

Arnaud Basdevant, médecin, chef du service de nutrition à l'hôpital Hôtel-Dieu

 

« Si rien n’est fait pour limiter l’augmentation de l’obésité chez les enfants, la France pourrait atteindre le niveau des Etats-Unis vers 2020 ! »

Face à cette épidémie, les initiatives se multiplient

En France, depuis l'été 2004, la prévention de l'obésité fait partie de la loi de santé publique. Cette dernière, qui est entrée en vigueur au 1er septembre 2005, comporte plusieurs mesures phares : interdiction des distributeurs automatiques de boissons sucrées et de confiseries dans les établissements scolaires, réglementation de la publicité sur les produits sucrés, ou encore surtaxe des mélanges alcoolisés et sucrés.

En mars 2005, une proposition de loi supplémentaire a été déposée. Elle demande en outre la création de deux instances, le "Haut comité de lutte contre l'obésité" et "l'Observatoire de l'épidémie d'obésité", ainsi que l'organisation d'une campagne nationale de sensibilisation aux risques d'épidémie d'obésité.

Arnaud Basdevant, médecin, chef du service de nutrition à l'hôpital Hôtel-Dieu

Par ailleurs, le Programme national nutrition santé (PNNS), lancé en 2001 par le ministère de la Santé, comprend neuf objectifs prioritaires. L’un d’eux est d'arrêter l’augmentation de la prévalence de l’obésité chez l’enfant.

Jean-Michel Borys, médecin nutritionniste et coordinateur du programme Epode

Une des mises en pratique du PNNS réside dans le programme Epode (Ensemble prévenons l’obésité des enfants) lancé en janvier 2004.

En cours dans 10 villes de France, cette initiative vise à mobiliser enseignants, médecins scolaires, professionnels de santé, milieu associatif etc., autour de la prévention de l’obésité chez les enfants, via des actions concrètes : information nutritionnelle, incitation à pratiquer davantage de sport...

Lancement d'une initiative européenne

Un projet a été lancé au niveau Européen en mars 2005. Son objectif : soutenir les initiatives nationales et locales et les mettre en commun de manière à évaluer quelles solutions apparaissent les plus efficaces pour lutter contre l’obésité infantile et à harmoniser les actions. Ce projet réunit les principaux représentants européens des secteurs de l’alimentation, de la distribution, de la restauration, de la publicité et des ONG actives dans le domaine de la santé.

Les risques associés à l’obésité et au surpoids

Arnaud Basdevant, médecin, chef du service de nutrition à l'hôpital Hôtel-Dieu

Une obésité apparue durant l’enfance entraîne une surmortalité à l’âge adulte estimée entre 50 et 80%. Cet excès de mortalité s’explique essentiellement par une augmentation des facteurs de risque tels que le diabète, l’hypertension artérielle et l’excès de cholestérol. Ainsi, 42,5 % des adultes en surpoids ou obèses présentent au moins l’un de ces facteurs de risque contre 18,6% chez les adultes de poids normal.

Chez l’enfant obèse, des anomalies telles qu’une augmentation de la pression artérielle, du cholestérol ou une hyperinsulinémie peuvent apparaître. Pour ceux présentant une obésité sévère, des pathologies orthopédiques peuvent se déclencher. Enfin, chez l’adolescent, l’obésité peut entraîner des troubles endocriniens (puberté précoce, aménorrhée) ainsi que des cas de diabète de type 2 très précoces.

Une étude publiée le 17 juillet 2005 dans la revue Nature Genetics et menée sur plus de 6000 Européens a permis d'identifier un gène commun à l'obésité et au diabète de type 2 : la présence simultanée de trois mutations dans le gène ENPP1 augmente de 50 à 70% le risque de développer une obésité pendant l'enfance, puis une obésité massive à l'âge adulte et un diabète de type 2.

Si l'hérédité joue un rôle à l'échelon individuel, il n'en demeure pas moins qu'au niveau collectif, la sédentarité et la mauvaise nutrition sont les principales causes de l'obésité infantile.

Lise Barnéoud le 15/09/2005