Produits psychoactifs : quelles consommations chez les jeunes ?

À 17 ans, la plupart des jeunes Français ont déjà testé l'alcool, le tabac, le cannabis ou l'ecstasy... Une enquête de l'OFDT trace le portrait, région par région, des usages de produits psychoactifs chez les jeunes.

Par Aude Olivier, le 25/07/2005

D’importants contrastes régionaux

« C’est la première fois qu’une enquête offre une telle comparabilité entre les régions... »

L'enquête de l'OFDT* (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), réalisée auprès de 27.000 jeunes de 17 ans lors de la journée d'appel de préparation à la défense, met en avant des disparités dans la consommation de drogues (licites et illicites) chez les jeunes de vingt et une régions françaises : expérimentations au cours du dernier mois (c'est-à-dire un essai non réitéré), usages réguliers, quotidiens, ivresses ponctuelles ou fréquentes, les régions montrent des profils variés.

Usage régulier d’alcool et expérimentation d'ecstasy à 17 ans

En tête des consommations, la Bretagne, avec un attrait particulier pour l'alcool, le tabac et les champignons hallucinogènes. Chez les Bretons de 17 ans, le nombre d'ivresses régulières – c'est-à-dire le fait d'avoir connu au moins dix ivresses dans l'année – est deux fois supérieur à celui que l'on observe sur l'ensemble du territoire métropolitain (15% contre 7%).

À l'opposé, seuls 4% des Picards sont régulièrement ivres : la Picardie est la région la plus modérée, elle consomme peu d'alcool, de cannabis et de produits stimulants comme l'ecstasy ou les amphétamines.

« Les zones les plus consommatrices ne sont pas celles ayant des profils socio-économiques dégradés. »
François Beck, responsable des enquêtes statistiques, OFDT

Quant à l’Île-de-France, c’est la région la moins « fumeuse » avec 34% de tabagisme quotidien à l’adolescence (contre 48% en Bretagne). L’expérimentation de produits illicites autres que le cannabis (cocaïne, LSD...), concerne moins de 5% des adolescents dans la plupart des régions. Seule nuance pour l'ecstasy, qui est moins testée en Île-de-France, au Centre, en Auvergne et en Rhône-Alpes que dans le reste du pays.

* Atlas régional des consommations de produits psychoactifs des jeunes Français, enquête ESCAPAD 2002/2003, François Beck, Stéphane Legleye, Stanislas Spilka, publiée le 6 juillet 2005 par l’OFDT.

Les principales tendances nationales

Evolution des usages chez les filles et les garçons de 17 ans

Parmi les faits marquants de cette enquête, les adolescents boivent de plus en plus d'alcool depuis 2000, et cet usage est surtout masculin.

Quant au cannabis, il est consommé régulièrement par 7% des filles et 16% des garçons de 17 ans.

Ventes mensuelles de tabac face à l'augmentation des prix…

La consommation non régulière de médicaments psychotropes prescrits ou non – antidépresseurs par exemple – augmente et concerne surtout les filles (16% contre 5,2% des garçons).

Entre 2000 et 2003, la consommation quotidienne de tabac a diminué de près de 3% : 45,7% des jeunes déclaraient fumer au moins une cigarette par jour en 2000 contre 43% en 2003.

« On observe, depuis 2000, une baisse du tabagisme régulier chez les jeunes... »

L'Institut national de veille sanitaire évoque quant à lui, dans son bulletin de mai 2005*, une baisse des ventes de cigarettes de plus de 35% entre 2002 et 2004, mais une augmentation des ventes de tabac à rouler (17%) et de cigares (9%).

* « Journée mondiale sans tabac, 2005 », bulletin thématique n°21-22, BEH, publié le 31 mai 2005.

Les causes de la dépendance à la nicotine

Une étude, publiée le 7 juillet 2005 dans la revue scientifique "Nature" par des chercheurs du CNRS et de l'Institut Pasteur, révèle pour la première fois où et comment se forme la dépendance à la nicotine, substance addictive du tabac reconnue depuis 1960.

Les expériences menées sur des souris montrent que la nicotine est capable de pénétrer au cœur des neurones pour y favoriser la formation de récepteurs spécifiques, ce qui accroît du même coup la sensibilité de l'organisme.

La dépendance est, en fait, liée à l'expression d'une molécule dans une région précise du cerveau – l'aire tegmentale ventrale. Lorsque cette molécule (la sous-unité ß2 du récepteur à la nicotine) ne s'exprime pas, les animaux perdent la faculté de s'auto-administrer de la nicotine et perdent certaines fonctions d'apprentissage (l'exploration des espaces libres) ; ce qui démontre un lien entre la dépendance à la nicotine et les capacités cognitives.

Des comportements variables selon les pays d’Europe

La comparaison des usages des jeunes Européens – réalisée dans le cadre de l'enquête Espad* menée en milieu scolaire (collèges et lycées) dans une trentaine de pays d'Europe – montre que le tabac est le produit psychoactif dont la consommation varie le plus d'un pays à l'autre, notamment compte tenu des écarts de prix.

« Concernant le tabagisme des jeunes, la France se retrouve désormais dans la moyenne européenne… »

Dans les pays du nord de l’Europe, comme le Danemark, la Suède ou les pays anglo-saxons, les consommations d’alcool sont plus excessives qu’ailleurs. Les jeunes boivent jusqu’à l’ivresse les week-ends, c’est ce que l’on appelle le « binge-drinking », c’est-à-dire le fait de boire au moins six verres dans un laps de temps très court.

Consommations : la France face aux autres pays d'Europe

Enfin, la France est le pays le plus gros consommateur de cannabis d'Europe. Les adolescents français en fument plus que les jeunes Anglais et Irlandais, pourtant grands consommateurs eux aussi.

Mais les Français sont plutôt peu consommateurs d'ecstasy et de cocaïne notamment par rapport à des pays comme l'Espagne ou la Grande-Bretagne.

* European School Survey On Alcohol and Other Drugs, enquête Espad 2003 publiée en avril 2004 par l'Inserm et l'OFDT

Aude Olivier le 25/07/2005