Biométrie : les passeports électroniques débarquent en France

Obligatoire pour se rendre aux Etats-Unis, le passeport biométrique est désormais disponible en France. Un projet de carte d'identité biométrique est également à l'étude. Certaines associations dénoncent une atteinte aux libertés individuelles…

le 13/04/2006

Le passeport biométrique : c’est parti

Les nouveaux passeports biométriques

Le passeport biométrique, exigé par les Etats-Unis depuis octobre 2005, est désormais disponible en France. Avec quelques mois de retard, l'Imprimerie nationale vient en effet de délivrer les premiers documents munis d'une puce électronique qui doit contenir au moins deux informations biométriques : les empreintes digitales et une image du visage numérisée.

L'objectif de ces nouveaux passeports est clair : lutter contre le terrorisme et l'immigration clandestine.

Entre 15 et 20 caractéristiques...

La décision des Etats-Unis d'imposer ces documents aux pays exemptés de visa fait suite aux attentats du 11 septembre 2001. 27 pays* sont concernés. Pour l'heure, seuls quelques pays sont parvenus à délivrer ces passeports électroniques à leurs ressortissants.

Toutefois, les attentats de l'été 2005 semblent avoir donné un coup d'accélérateur aux contrôles électroniques des titres d'identité de voyage. Les pays européens ont d'ailleurs annoncé leur volonté de s'aligner sur la position des Américains et d'imposer un visa biométrique aux ressortissants étrangers. En France, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a ainsi déclaré vouloir « généraliser le système de visas biométriques à tous les consulats pour 2007 ».

* Allemagne, Andorre, Australie, Autriche, Belgique, Brunei, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grande Bretagne, Irlande, Islande, Italie, Japon, Liechtenstein, Luxembourg, Monaco, Nouvelle Zélande, Norvège, Pays Bas, Portugal, San Marin, Singapour, Slovénie, Suède et Suisse.

La biométrie à l'aéroport Charles-de-Gaulle

L'expérimentation Pegase à l'aéroport Charles-de-Gaulle.

Depuis le 1er juin 2005, un système de contrôle biométrique est testé au terminal F2 de l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy. Son objectif : « améliorer le confort et la sécurité des voyageurs », explique Air France.

Ce système, baptisé PEGASE (Programme d´Expérimentation d´une Gestion Automatisée et SEcurisée), est basé sur la reconnaissance des empreintes digitales des passagers. Les personnes volontaires pour tester ce dispositif doivent, dans un premier temps, enregistrer leurs empreintes digitales auprès de la police aux frontières. Une carte leur est ensuite attribuée. Elle leur permet d'accéder à un sas, à l'intérieur duquel il leur suffit d'apposer l'index sur un lecteur biométrique pour accéder directement à la zone d'embarquement.

L'expérimentation doit prendre fin en mai 2006. Toutes les données contenues dans la carte et stockées par la police aux frontières seront alors détruites.

Bientôt une carte d’identité électronique ?

Sophie Planté, adjointe au directeur du programme Ines (ministère de l'Intérieur)

En France, le gouvernement envisage d'élargir le système d'identité électronique mis en œuvre pour le passeport biométrique à la carte nationale d'identité (programme Ines, Identité nationale électronique et sécurisée).

Les objectifs avancés par le gouvernement sont, d'une part, de « simplifier les procédures de demande de passeport et de carte d'identité » et, d'autre part, « d'empêcher la fraude de documents et l'usurpation d'identité » qui coûteraient plusieurs centaines de millions d'euros par an au gouvernement.

Jean Gonié, juriste du Forum des Droits sur l'internet et rapporteur du débat sur la carte d'identité électronique

Face à ce projet sans précédent, un débat national a été lancé en janvier 2005, par le biais du Forum des droits sur l'internet, un organisme consultatif mandaté par l'État. Son rapport, remis au ministère de l'Intérieur en juin 2005, critique certains aspects du projet Ines et demande notamment plus de garanties en matière de protection de la vie privée.

Par ailleurs, le rapport de la mission d'information du Sénat, rendu public le 29 juin, approuve le principe d'une carte d'identité électronique mais émet également quelques réserves, notamment sur la technologie du sans contact (la carte à puce intégrée dans les papiers d'identité peut se lire à distance) qui « ne présente pas à ce jour de garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles et de la vie privée ». Suite à ces échanges, le ministre de l'Intérieur a préféré suspendre le projet et prendre « le temps de réfléchir à toutes ses conséquences ». Un nouveau projet de loi est en cours de préparation.

Biométrie : techniques et applications

Pour établir l'identité d'une personne, différentes caractéristiques physiques peuvent être utilisées :

  • les empreintes digitales : dessin représenté par les crêtes et sillons de l'épiderme des doigts,
  • la géométrie de la main : forme, longueur et largeur des doigts, taille des articulations…
  • l'iris : forme et géométrie de l'iris,
  • la rétine : schéma formé par les vaisseaux sanguins de la rétine,
  • le visage : joues, coin de bouche, front…
  • les veines : dessin formé par le réseau veineux.

Par ailleurs, des caractéristiques comportementales peuvent être utilisées :

  • la dynamique des frappes au clavier,
  • la reconnaissance vocale,
  • la dynamique des signatures.

Aujourd'hui, la biométrie est surtout utilisée pour les contrôles d'accès (à des locaux particuliers), la gestion d'horaire (dans les entreprises) et la protection de certaines données (informatiques, bancaires…). Mais la biométrie pourrait bientôt se généraliser pour le paiement en ligne, le vote en ligne ou encore le système de signature électronique.

 

Un futur sous surveillance ?

Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'Homme (2').

Face à l'utilisation croissante d'éléments biométriques et leur stockage informatique, certaines associations dénoncent une atteinte aux libertés individuelles. Ainsi, la Ligue des droits de l'Homme, qui a lancé une pétition contre le projet Ines, souligne le risque d'un « fichage généralisé de la population française ».

De même, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) émet également de nombreuses réserves sur l'utilisation de la biométrie.

Guillaume Delafosse, attaché à la direction des affaires juridiques de la CNIL

Selon Guillaume Delafosse, attaché à la direction des affaires juridiques de la CNIL, « le principal risque, c'est évidemment l'utilisation à des fins policières d'une base qui n'a pas pour finalité les enquêtes judiciaires. On sait que, lorsqu'un outil existe, la police l'utilise, même si c'est un outil qui n'a pas été constitué principalement pour la police ».

le 13/04/2006