Traitements hormonaux contre la ménopause : quels risques ?

Présentés comme une panacée contre les effets du vieillissement chez les femmes, les traitements hormonaux substitutifs (THS) sont accusés depuis 2002 d'augmenter le risque de cancer du sein et de maladie veineuse. De nouveaux résultats confirment ce sur-risque et le précisent en fonction du type de THS.

Par Lise Barnéoud, le 20/04/2007

Un millier de cancers du sein imputables aux THS en France

Selon un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), entre 650 et 1200 cancers du sein chez les femmes âgées de 40 à 65 ans seraient attribuables aux traitements hormonaux substitutifs (THS) chaque année, soit 3 à 6 % du total des cas de cancers du sein constatés en France.

Répartition des THS en France en 2002

Ces chiffres ont été calculés en tenant compte des données d'utilisation du THS en France et des estimations des risques publiées dans plusieurs revues scientifiques.

Par ailleurs, le rapport note également une augmentation du risque d'infarctus du myocarde (entre 60 et 200 cas imputables aux THS, soit entre 2 et 6 % du total des cas) et des accidents vasculaires cérébraux (entre 300 et 650 cas attribués aux THS, soit entre 6,5 et 13,5 % du total des cas).

L'utilisation des THS en France

11 millions de femmes sont ménopausées en France. Parmi elles, entre 20,5 et 26,7 % utilisent un traitement hormonal substitutif. L'âge médian du début du traitement varie de 52,5 à 56,8 ans selon les études. Et la durée d'utilisation est d'environ 8,3 ans pour les femmes qui commencent avant 50 ans.

Source : Afssaps

Un sur-risque à moduler selon le type de THS utilisé

Toutefois, le sur-risque de cancer du sein mis en évidence dans de nombreuses études n'est pas le même en fonction du type de THS utilisé. Les experts s'en doutaient. Mais il faut attendre avril 2005* et les premiers résultats de l'étude française E3N (Etude Epidémiologique auprès de femmes de l'Education Nationale) pour en avoir la confirmation.

Pascale This, gynécologue endocrinologue à l'Institut Curie

Menée par l'Inserm en partenariat avec la MGEN et la Ligue contre le cancer, cette enquête, qui a porté sur plus de 50 000 femmes ménopausées, révèle que les oestrogènes seuls ou l'association oestrogènes / progestatifs de synthèse augmentent effectivement le risque de cancer.

En revanche, l'association oestrogènes (par voie cutanée sous forme de gel) et progestérone naturelle (ou micronisée) ne montre aucune incidence sur le risque de développer un cancer du sein. « Une bonne nouvelle », selon l'Association française pour l'étude de la ménopause (Afem), puisque cette combinaison serait utilisée par 24,5 % des femmes sous THS en France.

Toutefois, selon Pascale This, gynéco-endocrinologue à l'Institut Curie, « il faut rester prudent sur les conclusions que l'on peut tirer de cette étude. Il s'agit d'une étude d'observation, qui a donc moins de poids qu'un essai randomisé… »

* Breast cancer risk in relation to different types of hormone replacement therapy in the E3N-EPIC cohort. Int J. Cancer 2005; 10;114(3) : 448-454

Le « feuilleton » des THS

D'abord présentés comme une panacée contre le vieillissement chez les femmes, les THS sont depuis 2002 considérés comme susceptibles d'accroître les risques du cancer du sein. A l'origine de ce renversement d'image, deux études anglo-saxonnes, l'une américaine publiée en 2002* et l'autre anglaise publiée en 2003**. La première, portant sur 16 000 femmes âgées de 50 à 79 ans, a dû être interrompue en raison d'une augmentation significative du risque de cancer du sein dans le groupe ayant reçu un traitement hormonal substitutif de la ménopause (une association d'oestrogènes d'origine équine et de progestatifs de synthèse). La seconde, menée sur plus d'un million de femmes âgées de 50 à 64 ans, suggère de la même manière un accroissement du risque relatif de développer un cancer du sein chez les utilisatrices de THS. Par ailleurs, chez les femmes traitées, ce risque semble plus important lorsqu'elles reçoivent une association oestrogène / progestérone plutôt qu'un oestrogène seul.

Les conséquences de ces études ne se font pas attendre. En France, l'Afssaps publie dès 2003 de nouvelles recommandations précisant que les THS doivent être prescrits à la dose minimale, sur la plus courte période possible. Résultat : le nombre de boîtes de THS remboursées passe d'environ 1 million en 2002 à 500 000 en 2004.

*Risk and benefits of estrogen plus progestin in healthy post menopausal women. JAMA 2002; 288 : 321-333

** Breast cancer and hormone-replacement therapy in the Million Women Study (MWS). Lancet 2003; 362 : 419-427

Quelles conclusions pour les THS en France ?

Les conclusions de cette étude ont le mérite de soulever un problème de santé publique majeur : celui de l'évaluation des produits prescrits à un très grand nombre de patients, pour des indications parfois élargies par rapport à celles initialement prévues. Ainsi, un grand nombre de médecins ont prescrit un THS à des femmes ne souffrant pas ou peu de symptômes de la ménopause alors qu'aucune évaluation au long cours n'avait encore été réalisée.

Pascale This : « Les prescriptions de THS ont été beaucoup trop larges par le passé. »

Suite aux premières études suggérant un lien entre le THS et le risque de développer un cancer du sein, l'Afssaps avait publié des recommandations en précisant que ce traitement devait être pris à la dose la plus faible et pour une durée la plus courte possible. L'étude E3N va-t-elle entraîner de nouvelles recommandations ? « Cela n'est pas envisagé, répond le Dr Anne Castot, responsable du département de la coordination des vigilance à l'Afssaps. Une seule étude, qui plus est d'observation, ne peut pas entraîner à elle seule une modification des recommandations des autorisations de mise sur la marché. Il faudrait d'autres études, notamment contre placebo… ».

Toutefois, pour Pascale This, « les médecins qui ont connaissance de ces nouveaux résultats devraient désormais prescrire préférentiellement les combinaisons d'oestrogènes cutanés avec de la progestérone naturelle ».

Maladies veineuses : le rôle clé du progestatif

Publiés le 20 février 2007 dans la revue Circulation, les résultats de l'étude française ESTHER (EStrogen and THromboEmbolism Risk Study) montrent que les THS ne sont pas égaux face au risque de thrombose veineuse (caillot dans un vaisseau sanguin). Menée auprès de 1000 femmes ménopausées de 1998 à 2006, cette étude confirme l'innocuité des oestrogènes transdermiques et montre pour la première fois que le risque de maladie veineuse thromboembolique est également lié au type de progestatif utilisé. Là encore, les oestrogènes administrés par voie transdermique, seuls ou associés à la progestérone naturelle (micronisée), constituent le traitement le plus sûr.

Un risque accru de cancer du sein

Une étude britannique publiée le 19 avril 2007 dans la revue médicale The Lancet conclut à un risque accru de cancer du sein chez les femmes ayant pris un traitement hormonal substitutif pendant cinq ans. L'incidence de ce type de cancer est de 2,6 pour 1000 et le taux de mortalité de 1,6 pour 1000, contre respectivement 2,2 pour 1000 et 1,3 pour 1000 chez les femmes n'ayant jamais pris de THS.

Lise Barnéoud le 20/04/2007