Il y a tout juste un an, nous vous rendions compte des premiers résultats d'une enquête sur la sexualité des Français menée à l'initiative de l'ANRS par l'Inserm et l'Ined. Aujourd'hui, les résultats complets sont publiés et apportent leur lot de surprises. Ainsi les femmes apparaissent plus libérées qu'il y a trente ans... mais certaines représentations persistent.
Menée sur 12 364 personnes âgées de 18 à 69 ans et interrogées par téléphone, l'enquête nationale sur les comportements sexuels en France révèle une nette évolution de la sexualité des femmes depuis les deux précédentes enquêtes de 1970 et 1992. Commençant plus tôt, elle les accompagne également plus longtemps dans leur vie.
Mais attention, si dans la pratique l'écart entre les deux sexes se réduit, les représentations de la sexualité masculine et féminine diffèrent encore largement.
L’âge de la première fois baisse
L'âge du premier rapport sexuel s'harmonise entre les deux sexes. Alors que les hommes affichaient 18,8 ans au premier rapport sexuel, il y a cinquante ans, ils sont aujourd'hui plus jeunes d'un an et demi et commencent en moyenne à 17,2 ans. Initialement plus élevé il y a un demi-siècle avec 20,6 ans, l'âge de la première fois chez les femmes a rejoint de façon spectaculaire celui des hommes. Elles ont leur premier rapport sexuel à 17,6 ans en moyenne. Mais si hommes et femmes semblent s'accorder sur l'âge de leur premier rapport, sa signification reste différente pour chacun d'eux. Alors que seulement 6% des hommes de 20 à 24 ans vivent en couple avec leur première partenaire, on note jusqu'à 20% de femmes du même âge à avoir eu leur premier rapport avec quelqu'un qui est devenu leur conjoint.
Une vie sexuelle de plus en plus diversifiée
L'écart entre les pratiques sexuelles des hommes et celles des femmes se réduit dans de nombreux domaines. Citons par exemple, le nombre moyen de partenaires sexuels au cours de la vie. Même si les femmes déclarent encore aujourd'hui moins de partenaires que la gente masculine (4,4 contre 11,6), ce nombre est en hausse (de 1,8 en 1970 à 3,3 en 1992 et 4,4 en 2006) alors que du côté des hommes, il reste stable.
Autre exemple, les rapports homosexuels. Alors qu'en 1992, elles n'étaient que 2,6% à avoir eu des pratiques homosexuelles au cours de leur vie, elles sont aujourd'hui 4%, c'est-à-dire autant que les hommes. Les pratiques de sexualité orale, cunnilingus et fellation, sont quant à elles, déclarées dans les mêmes proportions par les hommes et les femmes (80%, au moins une fois dans leur vie).
Enfin, notons que les femmes de plus de cinquante ans vivant en couple rapportent une activité sexuelle plus intense qu'avant. Elles sont aujourd'hui 90% à avoir eu des rapports sexuels dans l'année, soit deux fois plus qu'il y a trente ans et autant que les hommes aujourd'hui.
De nouvelles rencontres via Internet
L'étude souligne également que contrairement au minitel, les femmes ont pris possession des nouveaux moyens de communication comme Internet afin de rencontrer des partenaires sexuels. Ainsi, chez les 18-19 ans, elles sont 36% à se connecter sur les sites de rencontre proposés sur la toile alors même que les représentants masculins de cette tranche d'âge ne sont que 24%. Et ces rencontres virtuelles se sont déjà prolongées en des rencontres sexuelles pour 4 à 6% des femmes de 18 à 34 ans.
Sexualité et affectivité toujours étroitement liées
Même si l'écart entre hommes et femmes dans les pratiques se réduit, les évènements ne sont toujours pas vécus de la même façon. À la question, peut-on avoir des rapports sexuels avec quelqu'un sans l'aimer, les hommes de 18 à 24 ans sont deux fois plus nombreux que les femmes à l'envisager (57% contre 28%). Alors qu'au fil des générations, les hommes séparent de plus en plus sexualité et affectivité, la mentalité féminine évolue peu, associant fortement sexualité et vie conjugale.
À tous les âges de la vie, la sexualité apparaît plus indispensable aux hommes qu'aux femmes (43% pour les hommes, 31% pour les femmes) et elles sont 75% à penser que les hommes auraient « par nature », plus de besoins sexuels que les femmes.
Les femmes, nouvelles cibles des campagnes de prévention ?
Cette enquête confirme l'efficacité spectaculaire des campagnes de prévention du sida menées auprès des jeunes depuis la fin des années 80. Ainsi, 82,5% des femmes et 87,5% des hommes ayant eu leur premier rapport sexuel après 2000 déclarent avoir utilisé un préservatif à cette occasion.
Notons cependant que près de 20% des femmes et des hommes ayant trois partenaires ou plus n'en ont pas utilisé dans les 12 derniers mois. Et les femmes sont particulièrement exposées puisqu'elles n'utilisent pas de préservatif avec un nouveau partenaire dans 34,3% des cas contre 28,3% pour les hommes.
Les premiers résultats de cette enquête montrent donc que les femmes sont aujourd'hui plus à même de vivre une sexualité plus diversifiée mais il existe encore un vrai décalage entre la pratique et les représentations de la sexualité masculine et féminine. Selon Nathalie Bajos, « ces représentations ne sont pas indépendantes des rapports homme-femme qui prévalent dans notre société. Elles sont un révélateur de ce qui s'y joue, et en particulier des inégalités structurelles actuelles que l'on retrouve encore au travail, en politique mais aussi au niveau du travail domestique ».