Séisme en Italie : pouvait-on le prévoir ?

Un scientifique italien l'affirme : il avait vu venir le séisme qui a dévasté, lundi 6 avril, une partie de la région des Abruzzes. Alors que l'Italie enterre ses victimes (281 morts à ce jour), un vent de polémique s'empare de la péninsule. Pouvait-on, oui ou non, prévoir la catastrophe ?

Par Viviane Thivent, le 10/04/2009

« Je vous l'avais bien dit ! »

L'Aquila, épicentre du séisme italien

Dans les tribunes du monde entier, Giampaolo Guiliani, professeur à l'Institut national de géophysique, répand son trop plein de colère et de jubilation. Il l'avait prévu, assure-t-il. Il savait qu'un grand séisme allait ravager les Abruzzes, au centre de l'Italie. Il avait même mis en garde les autorités en mars, mais personne ne l'avait pris au sérieux. Pire, la protection civile italienne avait porté plainte contre lui pour propos alarmistes tenus dans la presse. De fait, pour ce chercheur, le séisme de magnitude 6,3 survenu lundi 6 avril sous la ville de L'Aquila, viendrait confirmer sa prédiction.

Bien sûr, il avait prévu la catastrophe pour fin mars et non avril... Bien sûr, il avait placé l'épicentre du tremblement de terre à Sulmona, soit 50 km plus au sud du point de rupture effectif. Mais pour Giampaolo Guiliani, point besoin de tergiverser : ce grand séisme apporte la preuve irréfutable de l'efficacité de sa méthode de prévision sismique. « C'est une grave erreur de faire un tel raccourci, rectifie Pascal Bernard, sismologue à l'Institut de physique du globe de Paris. Aujourd'hui, il n'existe aucun moyen pour prédire la survenue d'un séisme et il serait malvenu de faire croire le contraire. »

Des pertes de radon

La technique de prévision du scientifique italien repose sur le dosage du radon, un gaz rare et radioactif. À en croire le chercheur, un relargage massif de cet élément annonce la survenue d'un grand tremblement de terre.

Le « Palais du gouvernement » de L'Aquila, capitale des Abruzzes, Italie

« Or, une relation de cause à effet entre ces deux faits n'a jamais été montrée, explique Pascal Bernard. Au Japon, on mesure les taux de radon depuis près de quarante ans et les résultats sont sans appel. Parfois, d'importants dégazages de radon sont suivis d'un grand séisme, parfois non. De même, de grands tremblements de terre peuvent survenir alors qu'aucun dégazage n'a été observé. » L'annonce du chercheur italien était d'autant plus infondée que les mesures de radon dans cette région italienne viennent à peine de débuter. D'un point de vue statistique, il était donc tout simplement impossible de trancher.

La question du dosage du radon n'est cependant pas dénuée d'intérêt. Loin s'en faut. Le dégazage au radon constitue en effet, au même titre que la microsismicité, un indice important de l'activité souterraine. « En l'état des connaissances, ce débat doit rester dans la sphère scientifique. Il n'aurait jamais dû passer dans le domaine public, regrette Pascal Bernard. Les attentes sont beaucoup trop fortes. »

Prédire un séisme ?

Aujourd'hui, aucune technique ne permet de prédire la survenue d'un séisme avec une précision géographique et temporelle suffisante pour ordonner une évacuation. « Dans l'histoire, une alerte de ce type n'a été déclenchée qu'une seule fois à bon escient. C'était en Chine, en 1975, mais à l'époque, la terre tremblait déjà depuis trois jours. De fait, les habitants avaient déserté leur maison bien avant que le gouvernement ne déclenche l'alarme. » Cette année-là, les scientifiques n'avaient donc pas fait mieux que la population elle-même. Malgré tout, des systèmes d'alerte sismique sont actuellement testés, comme cette météo des séismes lancée en 2005 pour la Californie. Les prévisions sont données 24 heures à l'avance et reposent sur l'analyse statistique de données accumulées sur cinquante ans. La pertinence de ce dispositif reste néanmoins controversée.

Viviane Thivent le 10/04/2009