Grippe A (H1N1) : ce que l'on sait

Depuis quelques mois, la grippe A (H1N1) défraye la chronique. Que sait-on réellement de ce nouveau virus ? Quels sont les scénarios de la pandémie ? Le point au 18 janvier 2010. 

le 19/01/2010

Pourquoi l'alerte maximale a-t-elle été donnée ?

11 juin 2009, l'alerte passe en phase 6.

Le 11 juin, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché l'alerte maximale, soit le niveau 6, sur son échelle des risques pandémiques de grippe. Cela signifie que plusieurs continents sont touchés par le virus et que les populations sont peu ou pas immunisées contre cette nouvelle souche. Cette échelle vise à coordonner au mieux les actions nationales et internationales. Elle n'est aucunement liée à un degré de dangerosité ou de virulence du virus.

À quoi ressemble ce nouveau virus ?

Un virus de type grippal

Il existe trois types de virus grippaux (A, B, C) et un certain nombre de sous-types. Ce virus est de type A (le plus fréquent de tous) et de sous-type H1N1. Les lettres H et N désignent deux protéines de surface du virus (hémagglutinine et neuraminidase) et le chiffre associé, son degré d'affinité avec le métabolisme humain (1 pour la plus haute affinité, 15 pour la moins bonne). Pour les virologues, H et N servent de marqueurs car ils permettent de quantifier le degré d'adaptation des virus grippaux au métabolisme humain. Pour autant, ils ne renseignent pas sur la dangerosité ou la virulence du virus. Et pour cause : ils ne représentent qu'une toute petite fraction de son contenu génétique (à base d'ARN).

Dans les médias, on a fréquemment associé ce nouveau virus à celui de la grippe espagnole – qui, en 1918, avait tué 20 millions de personnes – car ils appartiennent tous les deux au sous-type H1N1. Mais c'est aussi le cas de la grande majorité des virus de la grippe saisonnière (deux souches co-circulent ces dernières années : H1N1 et H3N2). La variabilité à l'intérieur de chaque sous-type étant importante, il semble mal à propos de pousser plus loin l'analogie entre l'historique grippe espagnole et cette grippe qualifiée au début de « mexicaine », les premiers cas étant apparus au Mexique. Ensuite, les premières analyses génétiques ayant révélé la présence de séquences ARN d'origine porcine dans ce virus, cette nouvelle grippe a été appelée « grippe porcine ». Depuis, on sait que ce virus est le fruit de recombinaisons entre des virus porcin, humain et aviaire. L'OMS a donc recommandé la dénomination « grippe A (H1N1) ».

Comment se transmet la maladie ? Quels sont les symptômes ?

La maladie se transmet comme une grippe classique, d'individu à individu, par voie respiratoire (toux, éternuements, postillons) ou contact (en serrant une main, par exemple). Impossible néanmoins d'attraper cette « grippe porcine » en mangeant du porc : la transmission se fait exclusivement d'une personne à l'autre.

Comme toute grippe, les principaux signes cliniques sont : fièvre (supérieure à 38°C), toux, courbatures et, parfois, mal de gorge. Un quart des patients souffrent également de vomissements ou de diarrhées.

Peut-on soigner cette grippe ?

Si elle est détectée assez tôt (dans les 48 heures suivant l'apparition des symptômes), un traitement antiviral (Tamiflu) peut permettre au malade de guérir plus vite et d'éviter d'éventuelles complications. Mais ce traitement peut aussi conduire à l'apparition de virus résistants. En cas de symptômes grippaux, une consultation chez le médecin généraliste est fortement recommandée. 

Quel est le degré de dangerosité de ce virus ?

Pour répondre à cette question, il faut connaître le taux de transmission interhumaine et le taux de mortalité. Il faut donc procéder à une analyse épidémiologique, ce qui implique que l'on ait des chiffres fiables. Préambule qui repose notamment sur l'établissement d'un bon diagnostic : lors d'un prélèvement nasal envoyé au laboratoire (rarement fait en pratique en cas de suspicion de grippe), l'ARN y est extrait, amplifié et analysé. Si l'on retrouve de l'ARN du virus, le cas est alors confirmé. D'après le suivi épidémiologique effectué depuis le début de l'épidémie en avril 2009 et les enseignements tirés de l'hémisphère Sud, le taux de mortalité est compris entre 0,1/1000 et 1/1000, soit le même taux que pour la grippe saisonnière. Il s'agit là de la mortalité indirecte : « Le virus touche des personnes déjà fragilisées, c'est en quelque sorte la goutte d'eau qui fait déborder le vase, mais ce n'est pas lui qui entraîne la mort », explique l'épidémiologiste Antoine Flahault. Certains états pathologiques augmentent le risque d'une forme grave ou mortelle de la maladie : pneumopathies, maladies cardiovasculaires, diabète, immunosuppression.

En revanche, ce qui différencie ce nouveau virus de celui de la grippe saisonnière (qui cause chaque année en France la mort d'environ 6000 personnes), c'est qu'il est extrêmement contagieux et que la population n'est pas du tout immunisée. Mais surtout, il peut tuer des personnes jeunes et bien portantes. Il provoque alors une pneumonie grave et imprévisible, qui s'accompagne d'un syndrome respiratoire aigu nécessitant une hospitalisation dans une unité de soins intensifs.

Le 15 janvier 2010, l'OMS annonce que ce nouveau virus a provoqué la mort de plus de 13500 personnes dans 208 pays et territoires de la planète. C'est le continent américain qui comptabilise le plus grand nombre de cas mortels avec 7016 décès avérés. La région Asie-Pacifique enregistre 2736 morts contre environ 2788 en Europe. L'OMS annonce dans le même temps que le virus continue de circuler, bien que l'activité grippale a atteint un pic et commence à décliner, en Europe occidentale notamment. En France métropolitaine, à la mi-janvier, 246 décès ont été attribués à la grippe A (H1N1) depuis le début de l'épidémie, dont 39 survenus chez des personnes sans facteurs de risque connus, selon l'lnstitut national de veille sanitaire (INVS). Aujourd'hui, environ 5,4 millions de Français sont vaccinés contre la grippe A (H1N1), et 4 millions de personnes auraient contracté le virus.

Que peut-on faire pour éviter d'attraper la grippe ?

Il faut se laver les mains soigneusement (avec du savon ou une solution hydro-alcoolique) plusieurs fois par jour. En effet, le virus persiste jusqu'à une heure sur les mains et plusieurs heures sur des matériaux durs et non poreux (comme les pièces de monnaie). De plus, si l'on est en contact avec une personne malade, mieux vaut se tenir à distance. Pour limiter la diffusion du virus, il est également recommandé que la personne malade porte un masque chirurgical et reste à son domicile. Toutefois, ce type de masque ne protège que des plus gros postillons. Seuls les masques de type FFP2, plus contraignants et réservés surtout aux professionnels de santé, arrêtent les toutes petites particules.

Infecté aujourd'hui, protégé plus tard ?

L'étude de la grippe espagnole de 1918 a montré que les personnes infectées lors de la première vague de l'épidémie étaient moins gravement touchées lors de la seconde. Si le virus A (H1N1) ne mute pas trop, il est possible que les individus ayant déjà été victimes de cette nouvelle grippe soient plus résistants lors d'une prochaine vague épidémique. Toutefois le comportement de ce nouveau virus est imprévisible à ce jour.

La campagne vaccinale est lancée depuis la mi-octobre

Le vaccin contre la grippe saisonnière est probablement très peu efficace contre le nouveau virus, étant donné la grande variabilité du sous-type H1N1. Il a donc été nécessaire de produire un nouveau vaccin. Une production délicate qui exige environ six mois de délai. En outre, dans le cas de la grippe A (H1N1), la première souche virale envoyée par l'OMS aux laboratoires pharmaceutiques s'est avérée décevante et ces derniers ont dû recommencer la préparation du vaccin à partir d'une nouvelle souche. De fait, l'OMS a revu à la baisse la capacité mondiale de production de ce vaccin qu'elle évalue désormais à 900 millions de doses par an. Comme d'autres pays, la France a négocié un certain nombre de doses – 94 millions de doses pour un milliard d'euros – auprès des firmes pharmaceutiques. Lancée dès la mi-octobre auprès des personnels de santé, la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) a été étendue à la population le 12 novembre.

Facultative, elle a dans un premier temps concerné les plus fragiles et les plus exposés au virus (femmes enceintes, nourrissons de 6 à 23 mois avec facteurs de risque, etc.). Les douze millions d'élèves scolarisés de la maternelle au lycée ont pu bénéficier de la vaccination dès le 25 novembre, toujours sur la base du volontariat. Les 6,6 millions d'élèves des écoles maternelles et élémentaires ont pu se rendre dans des centres de vaccination, et les 5,3 millions de collégiens et lycéens se sont vus proposer la vaccination au sein de leur établissement scolaire. Début décembre, la campagne de vaccination a été étendue aux personnes de plus de 65 ans avec facteurs de risque. Depuis la fin du mois de décembre, ce sont les personnes de plus de 18 ans sans facteurs de risque, soit environ 39 millions de personnes, qui ont accès au vaccin. 

Depuis le 12 janvier, les médecins généralistes sont autorisés à vacciner dans leur cabinet médical, que le patient ait ou non avec lui un bon de l'Assurance-maladie. Sur les 5,4 millions de personnes vaccinées en France, 3 043 ont subi des effets secondaires légers (douleur, rougeur, gonflement au point d'injection, fièvre ou encore maux de tête) et 143 des effets secondaires plus graves (vertiges, asthme, fausses couches chez certaines femmes enceintes...). Par ailleurs, même si une deuxième vague de grippe peut encore avoir lieu entre février et mars, la France renégocie ses stocks de vaccins. Seulement 10% des 94 millions de doses achetées aux laboratoires pharmaceutiques ont été utilisées.

Quels sont les scénarios attendus pour cet automne ?

Si l'on ne sait pas à ce jour prédire l'évolution de la pandémie, une expérience menée par des chercheurs américains chez le furet (Plos Currents, 1er septembre 2009) suggère que ce nouveau virus n'a pas, à court terme, un fort potentiel de recombinaison avec le virus de la grippe saisonnière. En revanche, il présente un « avantage biologique » certain sur ce virus en se multipliant plus vite et en se transmettant plus facilement. En clair, soit le virus va muter et devenir plus dangereux qu'il n'est aujourd'hui ; soit il restera sous sa forme actuelle. Cependant, il est encore trop tôt pour réaliser un bilan chiffré. Il faudra attendre le printemps et la fin de la campagne grippale pour réaliser une estimation plus précise.

Les autres mesures prises en France

Le 3 juillet, le ministère du Travail publiait une circulaire pour aider les entreprises à se préparer à cette vague épidémique : achat de masques, distribution de médicaments antiviraux, réduction des déplacements des salariés… L'enjeu est d'éviter que les activités dans les secteurs clés (transport, énergie, distribution, banque/assurance…) soient interrompues, ce qui conduirait à une désorganisation de l'économie nationale. La fermeture des établissements scolaires est également envisagée dans certaines circonstances. Des cours (du CP à la terminale) seraient alors diffusés sur des chaînes de radio ou de télévision.

Par ailleurs, la France a débloqué 2 millions d'euros pour des programmes de recherche sur cette nouvelle grippe. Ils visent notamment à évaluer les risques de mutation du virus, les réactions au vaccin de certaines populations plus vulnérables comme les femmes enceintes et à analyser les pratiques des médecins généralistes face à l'épidémie.

Isabelle Bousquet et Romain Lejeune

le 19/01/2010