Moussons africaines : en attente de prévisions

Sept ans déjà que les climatologues européens et africains amassent des données sur la mousson africaine dans le cadre du programme AMMA (Analyses multidisciplinaires de la mousson africaine). Avec quels résultats ?

Par Viviane Thivent, le 16/10/2009

Une opération coup de poing

En 2002 débutait AMMA, un projet international de recherche, entièrement dédié à l'étude de la mousson africaine, qui devait prendre en 2006 une intensité toute particulière. Cette année-là, en effet, les climatologues frappaient fort en disséminant une armada d'instruments et de spécialistes en Afrique de l'Ouest, plus particulièrement au Bénin, au Burkina Faso et au Niger afin d'observer pour la première fois, sous toutes les coutures, la mise en place et le déroulement d'une mousson africaine. Une moisson d'informations effectuée sur une année seulement mais qui devrait permettre de saisir les mécanismes d'un phénomène climatique aussi mal appréhendé que fondamental. Au régime des moussons est en effet suspendu le rendement des récoltes des paysans africains. Alors, trois ans plus tard, qu'en est-il ? Le programme AMMA, qui visait à une meilleure compréhension des variations décennales de la mousson africaine, a-t-il tenu ses promesses ?

Un mécanisme mieux compris

Une langue d'eau froide dans le golfe de Guinée annonce le début de la mousson.

Concernant le mécanisme lui-même, un certain nombre d'hypothèses ont pu être confirmées. À commencer par le facteur déclenchant la mousson : « La campagne océanographique effectuée en 2006, ainsi que le suivi annuel réalisé depuis 2003, ont permis de montrer que la mousson africaine ne démarrait que lorsqu'une langue d'eau froide se formait dans le Golfe de Guinée », explique Aïda Diongue Niang, météorologue à l'Agence nationale de la météorologie du Sénégal. Une information critique. Car en Afrique de l'Ouest, l'usage est trop souvent de planter les semis dès les premières pluies. Or, si ces averses ne correspondent pas au début de la saison des pluies, si elles cessent brusquement pendant plusieurs jours, alors les semis sont perdus : ils ne donneront rien. En général, les paysans ont assez de réserves pour planter une seconde fois, mais guère davantage. D'où l'importance de dater correctement la mise en place de la saison des pluies et de discerner les moussons tardives des moussons précoces.

Toujours d'un point de vue mécanique, les chercheurs ont montré qu'au niveau de la circulation atmosphérique, une mousson était composée d'une succession de dix à quinze fronts nuageux, des rouleaux, des cellules de convection qui se succèdent à un rythme régulier... sauf dans certains cas. Il arrive en effet qu'une pause de plusieurs jours survienne entre deux cellules. Une interruption qui serait liée au degré d'humidité du sol. « Plus ce dernier est humide, plus la cellule de convection a du mal à se former, explique Jan Polcher du laboratoire de météorologie dynamique du CNRS de Paris. Ceci nous a permis de montrer qu'en portant une attention toute particulière aux sols, il était possible d'obtenir de meilleures prévisions à sept jours. »

Vers une meilleure prévision ?

Mais ce n'est pas tout. Car le programme AMMA a permis d'identifier d'autres indicateurs ou mesures pouvant améliorer la qualité des prévisions météorologiques. « Ainsi, explique Jan Polcher, l'analyse de l'atmosphère, via la mise en place de radiosondage, améliore très nettement la qualité des prévisions à 48 heures. » Une approche peu onéreuse qui pourrait accroître très facilement la pertinence des systèmes d'aide à la décision pour la plantation des semis.

En théorie en tout cas. Car, dans les faits, sur les 21 stations de radiosondage qui avaient été mises en place lors de la campagne AMMA 2006, 5 à peine fonctionnent encore. Si les prévisions faites par les météorologues pourraient être meilleures, elles ne sont jamais réellement diffusées auprès des agriculteurs. Et ce, tout simplement parce qu'elles ne sont pas utilisées par les agences météorologiques régionales. « Ce n'était pas l'objectif d'AMMA. Le rôle de ce programme était d'améliorer notre compréhension de la saison des pluies africaines, constate Jan Polcher. C'est maintenant aux États africains de mettre à jour leur système de prévisions en se servant des informations que nous avons recueillies. »

Viviane Thivent le 16/10/2009