Après la Commission d’orientation sur le cancer (rapport remis au gouvernement en janvier 2003), c’est au tour de l’Institut de veille sanitaire (Invs) de publier un état des lieux du cancer en France (dans le Bulletin épidémiologique du 21 octobre 2003) à partir de données épidémiologiques des registres français des cancers et de l'Inserm
En 20 ans, le risque de cancer a augmenté de 35%...
En 2000, 278.000 personnes apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer, contre 170.000 en 1980. Le nombre de nouveaux cas a donc augmenté de 63 % en vingt ans.
Cette augmentation, nous dit l’étude de l’Invs, est due en partie “au changement de taille et de structure d’âge de la population“, autrement dit à l’accroissement démographique lié au vieillissement de la population. Au bout du compte, le risque de cancer a malgré tout progressé de 35 % depuis 1980.
Chez l’homme, les cancers les plus fréquents enregistrés en 2000 sont ceux de la prostate (40.000 nouveaux cas) et du poumon (23.000 nouveaux cas).
En moyenne, la survenue d’un cancer intervient à 66,3 ans chez les hommes et à 64 ans chez les femmes.
Chez la femme, le cancer du sein arrive loin en tête (42.000 nouveaux cas en 2000), suivi par les cancers du poumon, de la peau et les lymphomes (entre 4.000 et 5.000 nouveaux cas pour chacun d’entre eux).
Ces chiffres sont à comparer à ceux du cancer dans le monde publiés en avril 2003 par l'OMS.
Le cancer dans le monde (chiffres OMS)
Un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur le cancer dans le monde, publié le 3 avril 2003, recense, pour l’année 2000, 5,3 millions d’hommes et 4,7 millions de femmes ayant développé une tumeur maligne. Pour cette même année, 6,2 millions de personnes en sont mortes, soit 12% des quelque 56 millions de décès survenus dans le monde, toutes causes confondues.
...et les décès liés au cancer ont diminué de 9 %
Tous cancers confondus, même si le nombre de nouveaux cas a augmenté de 63% entre 1980 et 2000, dans le même temps, le nombre de décès n'a, lui, augmenté que de 20 % (en passant de 125.000 à 150.000). Là encore, en tenant compte de l’accroissement démographique, les experts en épidémiologie constatent finalement que « le taux de mortalité (…) a reculé de 9 % durant cette même période ».
Un progrès que les auteurs de l’étude nuancent ainsi : « Ces résultats ne reflètent pas une modification radicale de la survie mais plutôt un changement dans la nature des cancers diagnostiqués ».
Cette – relative – amélioration s'explique sans doute par le fait que les cancers sont aujourd'hui mieux soignés et dépistés plus rapidement, mais elle ne se constate pas sur tous les types de cancers.
Mortalité masculine : le mauvais record français
Même si l'on en meurt un peu moins qu'il y a vingt ans, le cancer reste la première cause de mortalité chez les hommes (92.000 décès en 2000), et la deuxième chez les femmes (58.000 décès en 2000).
Il est responsable d’un décès sur trois chez l’homme et d’un sur quatre chez la femme.
Le taux de mortalité masculine par cancer, en France, est le plus élevé d'Europe, devant la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne. “Il est dû essentiellement aux cancers des voies aérodigestives “, note Laurence Chérié-Challine, de l'Institut de veille sanitaire.
Comparaisons européennes
La France présente des taux de cancer particulièrement élevés, de 10 à 25% supérieurs chez les hommes à ceux des autres pays européens. C'est le cas notamment des cancers des voies aéro-digestives supérieures et du cancer de la prostate. Les cancers du sein chez la femme présentent en France des taux d'incidence élevés.
Les hommes meurent davantage du cancer que dans les autres pays européens : en France, 90 décès pour 100 000 habitants sont imputables au cancer contre environ 65 pour 100 000 en Grande-Bretagne. La mort prématurée par cancers des voies aéro-digestives, des poumons et par cancer en général est la plus élevée d'Europe pour les hommes.
A contrario, chez la femme, l'incidence des cancers se situe parmi les taux européens les plus bas. La France présente un taux de mortalité pour l'ensemble des cancers parmi les plus faibles en Europe : environ 85 décès par cancer pour 100 000 habitants contre 140 pour 100 000 toujours au Danemark. Et un taux de mortalité prématurée particulièrement bas : 42 décès prématurés à cause du cancer pour 100 000 habitants contre 75 pour 100 000 toujours au Danemark.
Il existe des différences géographiques de survie importantes entre pays, les taux les plus élevés étant observés en Suède, en Suisse et en Islande, qui sont des petits pays de population très homogène et stable. La France fait partie des taux intermédiaires, avec un taux de survie à cinq ans proche de 40% chez l'homme et près de 60% chez la femme. Le Danemark et la Grande-Bretagne ont des taux particulièrement bas.
Pour les hommes français, le cancer du poumon représente 23% (27.000 décès par an) de l’ensemble de la mortalité par cancer. Viennent ensuite les cancers des voies aérodigestives supérieures (12%), le cancer de la prostate (11%), les cancers colorectaux (10%).
Pour les femmes, c’est le cancer du sein qui reste responsable du plus grand nombre de décès (20%, soit 10.000 décès par an), suivi du cancer colorectal (13%), du poumon (6%), de l’ovaire (6%) et de l’utérus (5%).
Les décès par cancer survenant avant l’âge de 65 ans représentent 31% des décès chez l’homme et 25% chez la femme.

Enfin, l’étude de l’Invs vient confirmer l’une des conclusions importantes du rapport de la Commission d’orientation sur le cancer : la France compte de très importantes disparités régionales, avec notamment une surmortalité par cancer dans le Nord (+ 44%) et une sous-mortalité dans les régions du Sud (par exemple, - 29% en Corse) par rapport à la moyenne nationale.
Vers une meilleure surveillance des cancers

L'une des caractéristiques du plan d’action contre le cancer lancé par le président de la République, le 24 mars 2003, est l'insistance mise sur le développement du dispositif de surveillance des cancers.
Or les données présentées aujourd’hui reposent encore sur des estimations, des calculs mathématiques effectués à partir de données collectées dans les départements.
Avec 9 registres généraux et 7 registres spécialisés dans certains types de tumeurs, seulement 13 % de la population française est couverte.
Pour lutter contre le fléau du cancer, la première condition consiste naturellement à disposer d’informations fiables rendant compte de l’état des lieux le plus précis possible. C'est nécessaire non seulement pour procéder à l’évaluation de la situation et juger de son évolution, mais également pour apprécier l’effet des actions sanitaires entreprises.
Priorité à la prévention et au dépistage...
De même, ce plan ne saurait ignorer les facteurs qui alimentent le risque de développement de la maladie. Quand on connaît le poids du tabagisme dans le déclenchement des cancers (30.000 morts par an attribués au tabac), on comprend l’importance des programmes de prévention.
Le gouvernement s’est fixé pour objectif la réduction de 30 % du tabagisme chez les jeunes, de 20 % chez les adultes. Les problèmes économiques et sociaux liés à la hausse des prix des cigarettes ne doivent pas masquer l’essentiel qui reste la prévention du tabagisme. Moins spectaculaire, l'intégration dans le plan cancer des dimensions liées à l'environnement et aux expositions professionnelles de la maladie n'en constitue pas moins un fait majeur.
Dans l’étude de Invs, les spécialistes du cancer mettent en évidence une conclusion très nette : rien qu’avec la prévention et le dépistage, on pourrait espérer réduire d’un tiers la mortalité par cancer…