Le point sur les médicaments sous surveillance

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a publié, à la demande du ministère de la Santé, la liste des 77 médicaments "sous surveillance". Un statut qui ne signifie pas que ces médicaments sont dangereux. Explications.

Par Viviane Thivent, le 15/02/2011

Bric-à-brac médicamenteux

Le Di-Antalvic est retiré du marché à compter du 1er mars 2011.

Pris dans la tourmente du Mediator et dans un souci de transparence, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand, a demandé à l'Afssaps fin janvier de publier la liste des médicaments actuellement surveillés en France. Injonction à laquelle l'Agence a répondu d'autant plus facilement – et rapidement – que ces informations étaient déjà disponibles et en partie publiques. « Une liste incomplète de médicaments sous surveillance était parue dans la presse, explique Philippe Lechat, directeur de l'évaluation des médicaments à l'Afssaps. Aussi, pour ne pas être accusé de rétention d'informations, le ministre nous a demandé de publier l'intégralité des médicaments actuellement suivis en France. » En est sorti un inventaire confus de 77 médicaments, rangés par ordre alphabétique, trop rapidement interprété par les médias comme la liste noire – ou rouge – des médicaments.

« Cette liste, où l'on retrouve pêle-mêle la pilule Alli, le Di-Antalvic ou les vaccins contre la grippe, ne correspond en aucune façon à la liste des médicaments dangereux, explique Bernard Bégaud, directeur de l'unité Inserm "Pharmaco-épidémiologie et Évaluation de l'impact des produits de santé sur les populations". Il s'agit d'un bric à brac de médicaments suivis pour des raisons diverses... parce qu'ils sont nouveaux, parce qu'ils semblent provoquer des effets insoupçonnés ou parce qu'ils touchent une large population. »

Les raisons de la « mise sous surveillance »

En effet, plusieurs motifs peuvent conduire à la mise sous surveillance d'un médicament. Le premier relève d'une surveillance systématique, « mise en place chaque fois qu'une nouvelle substance arrive sur le marché », précise Bernard Bégaud. Sur les 4 300 molécules actives (pour environ 8 000 médicaments qui en sont issus) qui bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France, seule une quinzaine par an sont nouvelles. « Pour ces nouveaux médicaments, depuis 2005, un plan de gestion des risques est mis en place, raconte Philippe Lechat. Concrètement, cela signifie que l'AMM est assortie d'un plan de surveillance dont le protocole et le calendrier sont fixés par l'Afssaps ; la firme pharmaceutique finance, quant à elle, le suivi et doit en rendre compte à l'Afssaps tous les six mois. » Le nombre des médicaments qui, dans la liste publiée, correspond à ce statut n'est pas explicitement donné. Néanmoins, si l'on se fie aux dates d'AMM, sur les 77 médicaments, une trentaine de médicaments seraient soumis à ce type de surveillance.

Viennent ensuite les médicaments, ou même les compléments alimentaires, surveillés parce qu'ils sont proposés à une grande partie de la population. Parmi eux, se trouvent la pilule amaigrissante Alli, certains anti-dépresseurs, une pilule de contraception d'urgence ou encore le vaccin contre le cancer du col de l'utérus. « Ces mises sous surveillance visent à pallier un défaut inhérent aux tests cliniques effectués avant l'obtention de l'AMM, explique Bernard Bégaud. En effet, pour démontrer l'action d'une substance active, des tests cliniques sont effectués sur une cohorte de personnes assez peu représentatives de la population (non-fumeurs, dépressifs avérés...). Le hic, c'est qu'une fois arrivés sur le marché, ces médicaments sont prescrits à un spectre bien plus large de la population, voire à des personnes qui n'ont pas besoin de ce médicament et des effets inattendus ou rares peuvent survenir, d'où l'importance de les surveiller. A fortiori quand il s'agit d'un vaccin ou d'une pilule en libre service. » Une quinzaine de médicaments appartiendraient à cette catégorie.

De l'origine des procédures post-AMM

Les procédures post-AMM ont été mises en place au lendemain du scandale du Vioxx, un anti-inflammatoire qui provoquait un risque accru d'infarctus du myocarde.

Deux molécules retirées du marché

Restent les autres médicaments, moins de trente, mis sous enquête par l'Afssaps à cause d'alertes, de retraits à l'étranger ou de notifications spontanées de la part du corps médical. « Dans ce cas, nous mettons en place un suivi afin de vérifier la relation entre la prise du médicament et l'apparition des symptômes, affirme Philippe Lechat. Toutes les stratégies sont possibles : interrogation du patient, tests cliniques, information des médecins et des patients s'il apparaît que le médicament est mal utilisé... » Une liste ouverte et assez évasive, critique Bruno Toussaint, médecin et directeur de la rédaction de la revue médicale Prescrire : « Le fait est que nul ne sait vraiment quelles sont les mesures prises lorsqu'un médicament passe sous enquête. Ces informations ne sont pas publiques. »

Les médicaments peuvent rester des années, voire des décennies, sous enquête. Ce fut le cas du Mediator et de deux médicaments qui sont en train d'être retirés du marché, le Nizoral (antifongique) et le Fonzylane (vasodilatateur). Leur balance bénéfice-risque a penché dans le mauvais sens. Pour ne donner qu'un exemple, « le Fonzylane peut entraîner de graves complications lorsqu'il est mal utilisé, constate Philippe Lechat. Nous avons effectué des campagnes de sensibilisation afin d'empêcher les cas de mésusage mais cela n'a pas suffi. Comme il existe des médicaments alternatifs au Fonzylane, nous avons préféré le retirer du marché. »

Retrait du Di-Antalvic

Dans cette cohorte de médicaments, apparaissent de façon plus surprenante les Di-Antalvic, Propofan et génériques associés qui, eux, seront retirés du marché dès le 1er mars 2011 "pour risque de surdosage et accoutumance". Une décision assez controversée, comme l'explique Bernard Bégaud : « Le problème de ces anti-douleurs, c'est qu'ils contiennent du dextropropoxyphène, une substance qui se trouve dans le collimateur de l'Europe pour ces risques d'accoutumance. D'où le retrait. Le hic, c'est que suite à cette décision, il n'y aura plus d'anti-douleurs intermédiaires. Il n'est donc pas certain que le calcul soit judicieux. » Une position que partage Philippe Lechat : « Ce retrait est le fruit d'une décision prise au niveau de l'Agence européenne. La France a voté contre mais cela n'a pas suffi. »

« Le Di-Antalvic est un vieux médicament, mis sur le marché dans les années 1960, à un moment où les AMM étaient moins difficiles à obtenir, oppose Bruno Toussaint. Des générations de médecins ont grandi avec, ce qui explique la réticence française à voir ce médicament retiré. » Contrairement à certaines idées reçues, des tests cliniques récents ont montré que le Di-antalvic – une association de paracétamol et de dextropropoxyphène – n'est pas un anti-douleur plus efficace que le paracétamol seul. De plus, si les reins fonctionnent mal, ce qui est le cas d'un grand nombre de personnes âgées, le dextropropoxyphène s'accumule dans le corps et crée des dérèglements cardiaques pouvant conduire à la mort. Pour ces raisons et parce que des décès accidentels ont été observés suite à la prise de ce médicament, le Di-antalvic a été retiré du marché dans les années 2000 en Suède, en Angleterre et en Suisse. Le retrait est aujourd'hui étendu à l'ensemble de l'Europe.

Viviane Thivent le 15/02/2011