Changer de peau

À l'heure où la première greffe de visage partielle vient d'être réalisée avec succès en France, il nous a paru utile de braquer nos projecteurs sur des recherches moins médiatisées... et pourtant porteuses d'un immense espoir pour les grands brûlés : la culture et la greffe de sa propre peau.

le 09/02/2006

« Changer de peau »

Réalisé en 1996, ce film retraçait à travers quatre laboratoires de l'Inserm, un panorama des recherches en cours sur cet organe très particulier, la peau.

Nous vous le présentons aujourd'hui après avoir vérifié, auprès de nos interlocuteurs-chercheurs de l'époque, sa totale actualité. Il est vrai qu'en matière de recherche, dix ans c'est court... Une partie importante du film était consacrée à la production de derme, mais surtout d'épiderme de culture, destinés à reconstituer la peau de grands brûlés, par exemple, dont la peau a été détruite à plus de 60%.

Pour bien comprendre tout l'enjeu de ces recherches, il faut savoir que l'on ne peut pas greffer l'épiderme d'un donneur. Pour pallier cette impossibilité immunologique – l'épiderme a une trop forte « antigénicité » –, la seule solution est de prélever chez le patient un lambeau de peau saine pour lui greffer dans la zone mutilée. Autre solution : prélever quelques cellules, les mettre en culture pendant plusieurs semaines, puis les greffer.

Il s'agit là d'un problème très différent de celui posé par la greffe de visage partielle réalisée à Amiens : chez cette femme de 38 ans qui avait été défigurée suite à une morsure de chien, c'est tout un ensemble de tissus – venant d'un donneur décédé – qui ont été greffés avec succès. La patiente a par ailleurs reçu une greffe de moelle osseuse du même donneur pour éviter les risques de rejet. Trois mois après l'opération, son état est jugé satisfaisant et cette femme tente de retrouver une vie normale.

Greffer sa propre peau : où en est-on aujourd'hui ?

Première greffe mondiale de visage

« Nous sommes en panne », nous dit le chirurgien Hervé Carsin, du Centre de Traitement des Brûlés de l'hôpital Percy à Clamart. « À ce jour, 90 malades ont été greffés, et les problèmes restent inchangés : des cicatrices difficiles, une forte sensibilité aux infections et une mise en œuvre qui reste lourde. »

Actuellement, l'hôpital Percy travaille à la mise en place d'un laboratoire, avec le soutien financier de L'Oréal, pour poursuivre les recherches cliniques laissées en suspens depuis que le laboratoire dirigé par Yann Barandon (ENS/Inserm) – que l'on voit dans le film – a été dissous pour des questions de mise aux normes. Depuis, Yann Barandon a rejoint l'Institut Polytechnique de Lausanne où il mène des travaux plus fondamentaux.

En France, les recherches dans ce domaine paraissaient très prometteuses il y dix ans. Aujourd'hui, elles sont toujours au même stade : elles restent prometteuses.

Jean-Christophe Monferran

le 09/02/2006