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Lieux communs et idées fausses
L’irruption publique de la théorie
darwinienne à la fin de l’année 1859, aussi
prudente et négociée qu’elle ait été voulue
par son auteur, n’en a pas moins produit,
à l’extérieur comme à l’intérieur du monde
scientifique, de véritables effets d’
effrac-
tion
: effraction théologique et religieuse,
effraction politique et morale, effraction
psychologique et philosophique – toutes
profondément liées entre elles face à un
pouvoir
global qu’à un titre ou un autre elles
ébranlaient et, de ce fait, rendaient idéolo-
giquement fragile. L’opiniâtreté et la lon-
gévité du
dénigrement
dont le darwinisme
a été victime sont à la mesure, précisément,
de sa
puissance d’effraction
.
La réaction des milieux conserva-
teurs européens et américains à la nou-
veauté théorique du darwinisme est,
d’une manière primordiale, de nature reli-
gieuse : en Grande-Bretagne, les premières
attaques et les moins éphémères vinrent,
dès 1860, des ministres du culte anglican
– qu’ils fussent ou non naturalistes ou géo-
logues –, et se virent promptement renfor-
cées par celles des chrétiens continentaux.
Le
créationnisme fixiste
constituant alors
l’un des piliers du dogme commun à toutes
les confessions du christianisme, et l’idée
d’une sagesse infinie de Dieu réalisée dans
l’harmonie des œuvres de la Création régis-
sant les démonstrations apologétiques de la
théologie naturelle
, Darwin, qui combattait
l’un et l’autre, devait inévitablement être
à son tour combattu.
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