74
le cannabis
points De vue D’experts
Points de vue d’exPeRts
II III IV
I
on a longtemps pensé qu’il pou-
vait y avoir un usage raisonnable
du cannabis, que ce qu’il fallait
condamner, c’était les abus. Mais
quand les études scientifiques ont
commencé à converger, montrant
des liens de plus en plus précis
entre la consommation et le
déclenchement de certaines maladies psy-
chiatriques, le discours a commencé à
changer. et puis d’autres études ont mon-
tré des impacts sociaux, comme les acci-
dents de la route. enfin, nous savons désor-
mais que plus on consomme jeune, plus
cette consommation est nocive pour le
cerveau. or la consommation chez les
mineurs a explosé ces quinze dernières
années, et, dans certaines régions, la teneur
des produits en tHC est de plus en plus
forte. avec la question du cannabis, nous
quittons désormais le domaine de la mora-
le pour celui de la santé publique. nous ne
pouvons plus, comme il y a une vingtaine
d’années, parler de drogue « douce » et
ignorer les effets nocifs sur la santé.
Quand la sollicitation est permanente,
la loi est le mode de prévention le plus
efficace. Certains pensent qu’il n’y aura
pas d’explosion de la consommation si l’on
dépénalise. Mais on compte en France près
de 13 millions d’usagers régulier du tabac
et près de 10 millions d’usagers régulier
d’alcool, qui sont des produits licites. si,
demain, le cannabis est légalisé, il n’y a
pas de raison que sa consommation n’ex-
plose pas aussi. Car il y aura du marketing,
de la publicité, les sociétés de tabac ne se
priveront sans doute pas de proposer des
cigarettes enrichies en cannabis, etc. La
dépénalisation ne fera pas non plus baisser
le nombre de trafiquants, qui n’hésiteront
pas à se reconvertir sur le commerce de
nouvelles drogues, notamment de syn-
thèse. et de même qu’il existe une contre-
bande de tabac aujourd’hui, il y aura cer-
tainement une contrebande de cannabis,
pour proposer ce produit moins cher et
sans taxes.
L’objectif déraisonnable, c’est la dispari-
tion du cannabis ou d’ailleurs de toute autre
drogue. L’objectif de la politique publique
doit être de cantonner les drogues dans un
espace de la société le plus restreint possi-
ble. il faut donc, de mon point de vue, main-
tenir l’interdiction et multiplier les campa-
gnes de prévention, en fournissant les
éléments scientifiques et objectifs dont nous
disposons, pour sortir du discours moral.
il faut également continuer à travailler pour
informer les adultes, qu’ils soient parents
ou enseignants, pour qu’ils préviennent les
consommations. il doit en être de même
dans les entreprises, car les enquêtes ont
montré que, dans certains secteurs d’acti-
vité, on fume plus que dans d’autres. enfin,
pour la sécurité de tous, il faut multiplier
les contrôles sur les routes.
de toute façon, je crois que ce débat sur
la dépénalisation du cannabis est dépassé,
car il existe maintenant des produits de
synthèse contre lesquels nous devons éga-
lement lutter. Le débat doit être plus global.
est-on sûr de pouvoir prévenir les consom-
mations de drogues toujours plus dange-
reuses sans l’aide de la loi ?
l
* Actuelle présidente : Danièle Jourdain Menninger
Étienne APAire
Président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie d’août 2007 à mai 2012*
Pourquoi il ne faut pas dépénaliser le cannabis
«
Si, demain, le cannabis est légalisé,
il n’y a pas de raison que sa
consommation n’explose pas.
»
«
L’objectif de la politique publique
doit être de cantonner les drogues
dans un espace de la société
le plus restreint possible.
»
1...,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11 13