On a d'abord cru que l’Internet allait rapidement anéantir le pouvoir et le rôle du texte dans nos apprentissages et même dans notre culture. C’est le contraire qui s’est produit. Ainsi voit-on poindre une quasi-renaissance du texte grâce aux nouvelles technologies : il est démultiplié, foisonnant, transformé. L’hypertexte, parce qu’il offre une lecture associative et intuitive et non plus linéaire, permet notamment un parcours simple dans un réseau complexe de savoirs. Avec le numérique, les séparations habituelles entre les genres volent en éclats puisque tous les objets de connaissance (images, sons, mots) peuvent être liés entre eux en une sarabande infinie. Sur le Web, l’internaute devient un " voyageur " dans un océan d’informations où chaque point d’entrée (le "bouton", le "lien", ou la "carte") peut renvoyer qui vers une banque de données pédagogiques, qui vers des ressources vidéos ou sonores, qui vers une simulation interactive en 3D, mettant simultanément en œuvre plusieurs stimulations sensorielles.

 


L’avis de Daniel Bougnoux, professeur à l'Université Stendhal de Grenoble III, collaborateur aux " Cahiers de médiologie ".

" La culture fondée sur le texte a, en effet, linéarisé la pensée, à commencer par notre regard forcé de parcourir la page d’écriture selon un ordre imposé. Cette discipline oculaire et mentale favorise le détachement, l’abstraction et les capacités d’analyse et de raisonnement : la mise en séquence ou l’alignement de la pensée et de l’action dans tous les domaines se confond avec le montage des chaînes scientifiques, techniques et pratiques par lesquelles nous agissons efficacement sur le monde. L’hypertexte fait voler en éclats cette première syntaxe, et le parcours devient plus libre, ou personnel : on picore, on navigue selon ses propres curiosités. Le livre sous sa forme traditionnelle constituait la forme la plus ascétique inventée par les hommes pour raconter une histoire ou transmettre un savoir. En important des images et des sons autour des mots du texte, le Web enrichit sensoriellement nos messages, et permet également une certaine interactivité : le parcours de l’apprentissage devient à la fois plus personnel, et plus sensible - certains diront plus émietté, car c’est la fin du même programme pour tous. "

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