Planètes extrasolaires : qui a obtenu la première image ?

Quatre « premières » !

Quatre résultats en compétition...

Le 22 mars 2005, la Nasa annonce que, grâce au télescope spatial infrarouge Spitzer, deux équipes scientifiques ont réussi à « capter la lumière » de deux planètes extrasolaires (ou exoplanètes), c'est-à-dire des planètes orbitant autour d'étoiles autres que notre Soleil. L'Agence spatiale américaine n'hésite pas alors à parler de « première ». Le 7 avril 2005, c'est au tour de l'Observatoire européen austral (ESO) d'annoncer qu'une équipe allemande vient de réaliser, grâce au VLT, l'image d'une planète extrasolaire autour de l'étoile GQ Lupi. Prouesse également présentée comme une « première » par plusieurs organes de presse. Or, le 10 septembre dernier, le même organisme nous présentait déjà une première image « possible » d'une exoplanète autour de la naine brune 2M1207. Qui de ces quatre équipes a réellement capté pour la première fois la lumière d'une planète située hors de notre système solaire ? Le sujet est brûlant. Et pour cause, depuis leur découverte en 1995, plus de 150 planètes extrasolaires ont été détectées. Mais toutes l'ont été par des méthodes indirectes. Il y a encore peu, les instruments dont disposaient les scientifiques n'étaient en effet pas assez puissants pour distinguer des corps aussi petits et aussi éloignés. Restait donc à observer directement l'une de ces planètes…

Les méthodes indirectes utilisées pour la détection des exoplanètes

La méthode des transits...

La plupart des exoplanètes ont été détectées par la méthode des vitesses radiales, qui consiste à mesurer par spectrométrie les variations de mouvement d'une étoile occasionnée par la présence d'un « compagnon ».

Les autres ont été découvertes par la méthode des transits, qui consiste à mettre en évidence la baisse de luminosité d'une étoile lorsqu'une planète passe devant son disque.

Glissement sémantique

Une planète extrasolaire est moins facilement détectable dans le visible (à gauche) que dans l'infrarouge (à droite)

De la « lumière » à « l'image », il n'y a qu'un pas… qu'il vaut mieux éviter de franchir ! Les deux équipes américaines* n'ont en effet réalisé aucune image de leurs planètes respectives : le télescope spatial infrarouge Spitzer en est incapable. C'est donc grâce à une méthode indirecte que ces deux découvertes ont été possibles, « une méthode envisagée il y a une dizaine d'années, mais qui n'avait encore jamais été mise en œuvre faute de moyens technologiques suffisants », commente Jean Schneider, astronome à l'observatoire de Paris et auteur de l'Encyclopédie des planètes extrasolaires.

Cette méthode n'est autre qu'une variante de celle des transits : la différence est que l'on cherche ici à observer les variations de luminosité de l'étoile lorsque la planète passe, non pas devant son disque, mais derrière. Une petite explication s'impose...

Une planète chauffée par son étoile émet un rayonnement infrarouge. Mais celui-ci ne peut être mesuré directement : il s'additionne en effet avec celui de l'étoile. Cependant, lorsque la planète passe derrière le disque stellaire, le rayonnement infrarouge mesuré baisse. Et pour cause : il ne correspond plus qu'au seul rayonnement de l'étoile. Une simple soustraction permet alors de retrouver l'émission infrarouge de la planète.

On ne peut donc pas parler d'image, seulement de détection indirecte de lumière, « ce qui ne gâche en rien l'intérêt scientifique de ces travaux, souligne Jean Schneider. C'est une méthode qui ouvre la porte à de nombreuses découvertes. En étudiant les variations de luminosité de l'étoile au fil du temps (lorsque la planète passe devant ou derrière son disque), il devrait être possible d'en apprendre énormément sur l'atmosphère de la planète et même de détecter la présence de vent ! »

* Deming et al (Nature, 7 avril 2005) ; Charbonneau et al (à paraître dans Astrophysical Journal)

GQ Lupi : une « vraie » photo

L'étoile GQ Lupi(A) et son compagnon(B)

En revanche, c'est bien une image directe que le professeur Neuhäuser et son équipe ont obtenue. Pour arriver à distinguer un objet aussi petit et aussi éloigné, ils ont eu recours à Yepun, l'un des télescopes de 8,2 m du VLT, et à un « accessoire » indispensable : NaCo, un système d'optique adaptative opérationnel depuis 2001 permettant de corriger en temps réel les images brouillées par les turbulences de l'atmosphère terrestre. Sans lui, l'observation directe de planètes extrasolaires serait impossible. Selon les modèles astronomiques, la petite tache lumineuse visible à proximité de l'étoile GQ Lupi est une planète jeune (100 000 ans à 2 millions d'années) dont le diamètre et la masse seraient, selon ses découvreurs, deux fois supérieurs à Jupiter*.

Reste à s'assurer que cette planète est bien associée à GQ Lupi et qu'il ne s'agit pas d'une illusion d'optique liant artificiellement des objets situés sur des plans très éloignés. Pour s'en assurer, il faut pouvoir vérifier que, sur au moins une année, les objets restent liés et n'évoluent pas dans des directions distinctes. Or, sans avoir tout ce temps, les scientifiques ont déjà pu confirmer que les deux objets sont liés : sur des images réalisées par le télescope spatial Hubble en avril 1999 et par le télescope japonais Subaru en juillet 2002, le compagnon de GQ Lupi est bel et bien présent !

* Certains chercheurs s'appuyant sur d'autres modèles estiment que ce compagnon pourrait avoir une masse beaucoup plus importante, jusqu'à 42 fois celle de Jupiter, et qu'il ne serait donc pas une planète mais une naine brune.

GPCC : en attente de confirmation…

La première image d'une planète extrasolaire?

C'est également grâce au télescope Yepun équipé du système NACO, qu'une équipe internationale de l'ESO avait proposé en septembre la première image possible d'une planète extrasolaire (baptisée GPCC à l'époque) autour la naine brune 2M1207. Ces travaux attendent néanmoins d'être confirmés. En effet, à la différence de GQ Lupi, les chercheurs ne disposent pas d'archive pour vérifier que GPCC et sa naine brune sont bien liées. Ils sont donc contraints d'attendre une année, voire deux pour avoir l'assurance qu'il s'agit réellement d'un système planétaire.

Hubble ne dément pas

Confirmée par Hubble ?

Au début de l'année, le télescope spatial Hubble avait pu obtenir une image du couple GPCC-2M1207. Mais selon de nombreux astronomes, le recul temporel n'était pas encore suffisant. Ceci dit, cette observation n'est pas venue contredire la première.

À qui la première image ?

Certes, la question n'a sans doute pas une grande importance scientifique. Mais qui sera retenu par l'Histoire comme auteur de la première image d'exoplanète ? Nul doute que les chercheurs à l'origine de ces découvertes ne sont pas indifférents à ce sujet. « On entre dans des considérations épistémologiquement intéressantes, reconnaît Jean Schneider. Le couple GPCC-2M1207 a en effet été observé en avril 2004 ; les résultats ont été présentés en septembre de la même année, mais ils n'ont toujours pas été confirmés (ce qui, a priori, ne saurait tarder). La planète orbitant autour de GQ Lupi a, quant à elle, été détectée en juillet 2004 et présentée début avril : mais elle semble déjà confirmée ! Que faut-il mettre en avant : la date de la découverte, celle de son annonce ou celle de son homologation par la communauté scientifique ? » Question pour l'instant sans réponse.

À cela il faut ajouter une autre difficulté. Pour des raisons techniques, les chercheurs ayant produit ces deux premières images se sont intéressés à des objets très jeunes, donc chauds et facilement repérables dans l'infrarouge. Ce ne sont donc, a priori, que des planètes en formation. Peut-on les considérer comme des planètes à part entière ? En revanche, la lumière détectée par Spitzer concerne des objets plus âgés, parfaitement formés. Certes, les deux équipes américaines n'ont pas obtenu d'image, mais peut-être sont-ils les premiers à avoir capturé la lumière de « véritables » planètes extrasolaires.


Epilogue

Le 30 avril 2005, l'ESO a confirmé que GPCC était bien une exoplanète orbitant autour de l'étoile 2M1207 (la planète prend dès lors le nom de 2M1207b). Malgré tout, la question initiale reste posée...

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