Les tests génétiques : un marché en plein essor

Des tests génétiques aux multiples applications

Faites le test ADN...

Sélection d'un embryon indemne d'une pathologie génétique (DPI), diagnostic d'une maladie avant l'apparition des premiers symptômes, évaluation d'une prédisposition génétique à certaines pathologies, confirmation d'un diagnostic clinique, prédiction d'une réponse à un médicament : le champ d'application des tests génétiques est vaste. Et dépasse même le cadre de la médecine prédictive. Les tests peuvent en effet être utilisés pour identifier des suspects, confirmer un lien de parenté, constituer un arbre généalogique ou connaître ses origines.

En France, la loi de bioéthique de 2004 interdit le recours aux tests ADN en dehors des domaines médical, scientifique et judiciaire. Dans le domaine médical, ces tests ne peuvent être prescrits et leurs résultats rendus que par un médecin agréé par l'Agence de la biomédecine. Ils nécessitent un « consentement éclairé » préalable de la part du patient. Si ce dernier est mineur ou sous tutelle, les tests ne peuvent être prescrits qu'à la condition qu'ils apportent un intérêt préventif ou curatif immédiat au patient ou à sa famille (1). Par ailleurs, la Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe (2) interdit toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne sur la base de son patrimoine génétique.

Les tests génétiques en chiffres (3)…

  • Plus de 1 000 tests génétiques disponibles.
  • 100 à 150 gènes testés actuellement en routine.
  • Entre 2001 et 2007, le nombre de tests génétiques a été multiplié par 3.
  • Coût d'un test génétique : de 200 à 2 000 euros.

1. Décret n° 2008-321 du 4 avril 2008 relatif à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales. / 2. « Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine » (Conseil de l'Europe, avril 1997). / 3. Sources : GeneTests, Medical Genetics Informational Resource, Agence de la biomédecine, EuroGenetest, Orphanet.

Les tests pharmacogénomiques en pleine croissance

De plus en plus de gènes associés à des maladies

Une des applications les plus prometteuses des tests génétiques et de la médecine prédictive concerne la pharmacogénomique. Objectif : prédire le résultat d'un traitement pharmacologique en fonction du patrimoine génétique du patient. Aujourd'hui, les médicaments sont dosés en fonction du poids des patients. Or, il existe des différences individuelles d'assimilation des médicaments qui peuvent conduire chez certains à une toxicité, chez d'autres à l'inefficacité du traitement.

À l'heure actuelle, la plupart des recherches réalisées dans ce domaine portent sur des enzymes du foie – les cytochromes P450 – qui métabolisent bon nombre de médicaments. Certaines mutations dans les gènes codant pour ces enzymes réduisent, voire inhibent, leur activité. Ainsi, 50 % des Asiatiques du Sud-Est possèdent une mutation associée à une activité réduite ou nulle de ces enzymes, donc à un métabolisme lent exposant à des surdosages. À l'inverse, 10 à 16% des Éthiopiens possèdent une variante du gène entraînant un gain de fonction et donc un sous-dosage des médicaments. Aux États-Unis, déjà une quinzaine de sociétés proposent des tests génétiques pour ces enzymes.

Ces tests sont-ils réellement fiables ?

Valeur prédictive et utilité clinique des tests

Les erreurs dans les tests génétiques peuvent parfois avoir des conséquences graves. Un rapport de la Commission européenne en mai 2004 (1) dénonce pourtant « un niveau d'erreurs techniques intolérablement élevé ». Une autre enquête de l'OCDE révèle en octobre 2007 que « l'assurance qualité est encore peu réglementée dans les laboratoires qui pratiquent ces tests » (2). Il s'agit le plus souvent d'une évaluation par une source extérieure permettant à un laboratoire de comparer ses performances pour un test à celles d'autres laboratoires.

Récemment, des efforts ont été entrepris au niveau international pour améliorer et homogénéiser la qualité de ces tests génétiques. Ainsi, un nouveau protocole européen (3), adopté en mai 2008, demande désormais à tous les pays membres de « s'assurer que les services offerts en matière de génétique répondent aux critères généralement reconnus de validité scientifique et de validité clinique ». Mais ces démarches sont de plus en plus dépassées par l'irruption de tests en accès libre via Internet, pour lesquels aucune garantie n'existe.

1. Rapport McNally, mai 2004. / 2. Genetic Testing : A Survey of Quality Assurance and Proficiency Standards, Organisation de coopération et de développement économique, octobre 2007. / 3. Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales.

Une épée de Damoclès…

À quoi servent les tests génétiques lorsqu'ils annoncent à coup sûr le développement futur d'une maladie incurable et mortelle ? C'est le cas du dépistage de la chorée de Huntington, la première maladie ayant fait l'objet d'un test génétique présymptomatique dès 1986. Dans ce cas, le bénéfice n'est pas thérapeutique puisqu'il n'existe encore aucun traitement contre cette maladie neurodégénérative.

Après une longue réflexion du corps médical mais aussi des associations de malades, des directives internationales ont été établies. Celles-ci soulignent notamment l'importance des séances d'information avant et après le test. De fait, un suivi réalisé à l'hôpital de la Salpétrière à Paris révèle que, sur les 20% de personnes à risque qui formulent une demande de test pour la maladie de Huntington, près d'une personne sur deux ne poursuit pas sa démarche après le premier entretien et une personne sur dix choisit de suspendre sa démarche entre le premier entretien et la prise de sang. La motivation la plus fréquente pour poursuivre la démarche est le besoin de lever le doute sur l'incertitude, suivi du souhait de préparer l'avenir et, dans quelques cas, d'envisager un diagnostic préimplantatoire pour assurer la naissance d'un enfant indemne.

Tests sur Internet : prédictifs ou prématurés ?

Depuis l'automne 2007, plusieurs start-up se sont lancées dans la vente en ligne de tests génétiques portant sur l'ensemble du génome et permettant aux utilisateurs de connaître leur prédisposition à une vingtaine de paramètres (maladies, mais aussi aspects physiques, pour 650 euros environ).

Ce nouveau marché des tests génétiques en libre accès est en pleine explosion, comme en témoignent les récents investissements de Google dans le secteur (Google a investi 4 millions de dollars dans chacune des deux entreprises : 23andMe et Navigenics). Pour autant, les tests sur Internet posent de nombreux problèmes, notamment sur leur fiabilité, leur confidentialité, leur impact psychologique et sur la capacité des utilisateurs à en interpréter correctement les résultats.

Vers une extension du DPI ?

Dépister dès la naissance

En France, la loi de bioéthique limite l'usage du diagnostic préimplantatoire (DPI) aux situations où un enfant à naître présente « une forte probabilité d'être atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (1). Il n'existe aucune liste des pathologies concernées. Les trois centres agréés par l'Agence de la biomédecine pour réaliser des DPI jugent au cas par cas. Aujourd'hui, les sélections portent principalement sur des maladies héréditaires telles que la mucoviscidose, la maladie de Huntington, l'hémophilie ou certaines altérations chromosomiques sévères.

Quand les chromosomes parlent…

Toutefois, les demandes augmentent et portent désormais sur des pathologies à révélation tardive qui ne mettent pas nécessairement en jeu le pronostic vital et pour lesquelles des traitements existent. Ainsi, en 2007, une demande a été faite pour sélectionner un embryon indemne d'une altération sur le gène BRCA1 qui induit un risque de cancer du sein compris entre 50 et 70% selon l'âge. Cette demande a été refusée mais a entraîné un large débat parmi les experts. En avril 2008, un rapport de l'Agence de la biomédecine et de l'Institut national du cancer (2) préconise une extension du DPI dans les « rares situations familiales où les tumeurs sont particulièrement évolutives et les décès nombreux et précoces ».

1. Article L. 2131-4 du Code de la santé publique. / 2. Rapport « Diagnostic prénatal, interruption médicale de grossesse, diagnostic préimplantatoire et formes héréditaires de cancers », Dominique Stoppa-Lyonnet, avril 2008.

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