Vieillissement : la pilule anti-âge pour après-demain ?

Après que des chercheurs suédois aient mis en évidence une cause du vieillissement située à l’intérieur de la cellule, le point sur les recherches qui visent à localiser les mécanismes biologiques du vieillissement.

Par Philippe Dorison, le 21/03/2005

L’expérience des souris suédoises

Deux souris âgées d'environ 40 semaines

Une équipe de l’institut Karolinska, en Suède, a prouvé pour la première fois le rôle des mitochondries dans le vieillissement de l'organisme (Nature, vol. 429, p.417-423). Chez les spécialistes du vieillissement, l'annonce des chercheurs suédois a été saluée unanimement et jugée particulièrement importante.

L'expérience fut la suivante, Les chercheurs ont créé une lignée de souris mutantes. Dans l’organisme de ces animaux, une enzyme a été modifiée, de façon à ce que l’ADN mitochondrial accumule des erreurs de transcription à chaque fois qu’il se reproduit (de 3 à 5 fois plus d’erreurs que pour des souris non mutantes).

La mitochondrie, principal producteur d'énergie de la cellule

Jusqu’à l’âge d’environ 25 semaines, rien de particulier n’a été observé chez ces souris. Mais ensuite, elles ont commencé à présenter des signes notables de vieillissement prématuré : perte de poids, chute des poils, courbure de la colonne vertébrale, ostéoporose, anémie, baisse de la fertilité et augmentation de la taille du cœur.

Les premières sont mortes vers l’âge de 40 semaines. À 61 semaines, plus aucune ne survivait alors que dans un groupe de souris normales, plus de 90% étaient encore en bonne santé au même âge. Globalement, l’espérance de vie des souris mutantes a été réduite de moitié par rapport à leurs congénères dont l’ADN mitochondrial fonctionnait normalement.

Les mitochondries et leur rôle

Une mitochondrie vue en coupe

Les mitochondries sont de petits organites présents dans les cellules, à l’extérieur du noyau. Ce sont en quelque sorte les « centrales d’énergie » de la cellule. Elles ont une fonction de respiration et produisent l’ATP (adénosine tri phosphate), le « combustible » utilisé comme source d’énergie par l’organisme et qui permet à la cellule d’assurer la plupart de ses fonctions.

La mitochondrie possède une particularité : celle de contenir son propre ADN (ADN mitochondrial) qui se duplique pour créer de nouvelles mitochondries, avec parfois au passage des erreurs (mutations) commises au cours de ce processus de duplication.

La piste des mitochondries

Annie Sainsard-Chanet, professeur de génétique, Paris XI

Depuis de nombreuses années, les liens existant entre les mutations accidentelles accumulées dans l’ADN des mitochondries et le vieillissement de l’organisme étaient connus, mais sous la forme d'une corrélation : on constatait que les erreurs augmentaient avec l’âge sans qu’il soit possible d’établir une relation de cause à effet. C’est ce point qu’a éclairci l’expérience des chercheurs de l’institut Karolinska.

La démonstration étant faite dans ce sens, on pourrait imaginer d’augmenter la longévité des animaux par une manipulation inverse. Mais ce n’est malheureusement pas si simple, car on ne dispose d’aucun moyen direct de réduire les mutations accidentelles qui interviennent dans l’ADN mitochondrial.

Quelles sont les prochaines expériences prévues par l’équipe de l’institut Karolinska ? Aleksandra Trifunovic

Les chercheurs suédois envisagent plutôt de chercher à comprendre par quels mécanismes ces mutations causent des dommages aux organes et créent des maladies telles que l’ostéoporose ou des troubles cardiaques. Ils prévoient aussi d’essayer d’éclaircir les liens qui existent entre les dysfonctionnements des mitochondries et la présence de radicaux libres dans la cellule, en utilisant des traitements antioxydants.

Radicaux libres et antioxydants

Annie Sainsard-Chanet, y a-t-il un lien entre radicaux libres et vieillissement ?

Les radicaux libres ou ROS (reactive oxygen species) sont des composés dont l’accumulation est souvent constatée en parallèle aux phénomènes de vieillissement. De là à penser que réduire leur présence permettrait de lutter contre l’âge, il n’y a qu’un pas, mais il n’est pas si facile à franchir.

En effet, si la corrélation entre ces deux phénomènes ne paraît pas souffrir d’exception, la relation de cause à effet n’est pas prouvée. Les expériences tentées en ce sens n’ont pas fourni de résultat incontestable.

Aleksandra Trifunovic, comment envisagez vous de progresser dans l’étude des liens entre radicaux libres et vieillissement ?

D’autre part, si le rôle toxique des radicaux libres est souvent pointé, ceux-ci pourraient aussi avoir une utilité dans le fonctionnement de la cellule, par exemple, en servant « d’agents de signalisation » pour commander certaines fonctions cellulaires. Le contrôle de ces mécanismes étant probablement commandé par plusieurs gènes, il semble aujourd’hui difficile de les décrire avec précision.

La fontaine de Jouvence est encore loin

Si les connaissances sur la biologie cellulaire du vieillissement augmentent, elles n’en sont pas encore au point de laisser entrevoir des traitements pour lutter contre l’âge. Une grande partie des recherches actuelles se concentre à l’intérieur du noyau cellulaire et les travaux sur les autres constituants de la cellule, comme la mitochondrie, sont plus rares.

La papaye fermentée sur le web

Reste comme point commun à ces différentes approches la question des radicaux libres, accusés de causer des dommages aussi bien dans le noyau que dans les autres parties de la cellule.

Les traitements antioxydants, visant à les éliminer, connaissent une certaine publicité, notamment le produit proposé par le professeur Luc Montagnier, à base d’extrait de papaye fermenté. Mais aucun ne fait l’unanimité dans la communauté scientifique, qui reste dans son ensemble prudente sur le sujet. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (l’Afssa) a d’ailleurs contesté les effets thérapeutiques vantés par le codécouvreur du virus du sida en décembre 2004. Selon Martin Hirsch, directeur général de l’Afssa, le dossier du Pr. Montagnier “semble être plus proche d’un document de vulgarisation en direction du grand public que d’un dossier scientifique étayé“.

Rappelons qu’en 2002, une cinquantaine de scientifiques impliqués dans des recherches sur le vieillissement ont cosigné un article paru dans Scientific American, sous la forme d’un manifeste. Ils y affirmaient qu’à leur connaissance, aucun traitement ne pouvait légitiment se targuer de ralentir ou d’inverser le processus du vieillissement. Ils ne se sont pas contredits depuis...

Philippe Dorison le 21/03/2005