Clonage thérapeutique : après la fraude coréenne, trois pas en arrière ?

Alors que les derniers succès en matière de clonage thérapeutique s'avèrent frauduleux, et au-delà des questions éthiques soulevées par l'affaire Hwang Woo-suk, que reste-t-il de cette technique ? Le point avec Jean-Paul Renard, spécialiste du clonage animal.

Par Isabelle Bousquet Maniguet, le 12/01/2006

Fraude scientifique

Après de nombreux rebondissements depuis quelques semaines, c'est désormais certain : les résultats obtenus en 2004 et 2005 par l'équipe du chercheur coréen Hwang Woo-suk et annoncés comme des premières mondiales en matière de clonage thérapeutique humain ont bel et bien été falsifiés. Seul le clonage du lévrier afghan baptisé « Snuppy » (premier chien cloné annoncé en août 2005) a été réussi.

Hwang Woo-Suk à la sortie d'une conférence de presse le 12 janvier 2006

Le 10 janvier 2006, la commission d'enquête, composée de neuf membres de l'université nationale de Séoul, a en effet conclu que la lignée de cellules souches faisant l'objet d'une publication dans la revue américaine Science en février 2004 n'a nullement été extraite d'un embryon humain obtenu par clonage comme cela avait été affirmé dans l'article. Par ailleurs, les experts avaient déjà annoncé le 29 décembre 2005 que les travaux de Hwang Woo-suk publiés le 20 mai 2005 dans la revue Science, et faisant état de la production de onze lignées de cellules souches embryonnaires provenant de onze embryons obtenus par clonage et issus de onze donneurs d'ADN différents, étaient truqués (photos, chiffres).

Jean-Paul Renard (Inra) : « Il est encore trop tôt pour comprendre comment de telles falsifications ont pu échapper à la prestigieuse revue américaine Science. »

Nous-mêmes, nous nous étions fait l'écho de cette première mondiale et avions alors interviewé le chercheur coréen. Or, il s'avère que seules deux lignées de cellules souches sont conservées dans les congélateurs du laboratoire et non pas onze. Et des tests génétiques montrent qu'elles ne proviennent pas de personnes malades comme annoncé dans l'article.

Pour Jean-Paul Renard, spécialiste du clonage animal, « cette fraude ne remet pas réellement en question les avancées scientifiques en matière de clonage thérapeutique. On sait aujourd'hui obtenir par clonage des embryons humains au stade blastocyste (5-7 jours). »

 

Que reste-t-il de la technique du clonage ? Jean-Paul Renard (Inra)

« Par ailleurs, il est raisonnable de penser que dans certains laboratoires, des lignées de cellules souches ont déjà été produites à partir de ces embryons même si aucune donnée n'a été encore publiée en ce sens. Mais ce serait évidemment avec une efficacité bien moindre que celle annoncée par Hwang Woo-suk ». En résumé, contrairement à ce que pensaient les chercheurs qui se consacrent au clonage thérapeutique, Hwang Woo-suk n'a pas fait sauter un verrou technologique.

Avec quelles conséquences ?

Jean-Paul Renard (Inra) :
« La fraude remet très gravement en question les politiques de recherche menées par certains pays. »

Suite à cette affaire, Hwang Woo-suk, qui avait ouvert le 19 octobre 2005 le premier centre de recherche au monde sur le clonage, démissionne fin décembre de son poste de professeur de l'Université nationale de Séoul et quitte ses fonctions de directeur du tout nouveau Centre. Le ministère de la Science et de la Technologie qui, depuis 2002, a alloué 40 millions de dollars à Hwang Woo-suk pour ses travaux de recherche, présente ses excuses et précise que le chercheur ne bénéficiera plus du soutien de l'État. Le 10 janvier 2006, la revue Science annonce officiellement la rétraction des deux publications frauduleuses, alors que la justice sud-coréenne, qui a d'ores et déjà interdit le déplacement à l'étranger de Hwang Woo-suk et dix de ses collaborateurs, ouvre une enquête pour fraude et détournement de fonds publics, avec perquisition du domicile et du laboratoire du chercheur le 12 janvier.

Isabelle Bousquet Maniguet le 12/01/2006