Limiter le réchauffement climatique : c'est encore possible !

Réunis à Bangkok au début du mois de mai, les 400 délégués du GIEC ont approuvé un rapport sur les moyens à mettre en œuvre dans la lutte contre le changement climatique. Pour ces spécialistes, limiter le réchauffement de la planète est techniquement et financièrement possible. À condition de s'y atteler rapidement.

Par Olivier Boulanger, le 09/05/2007

Un message positif

Le 4 mai, Bert Metz, co-directeur du troisième groupe de travail du GIEC, présente le rapport sur lequel les 400 délégués ont trouvé un accord.

En février 2007, les experts du GIEC* réunis à Paris étaient formels : la Terre se réchauffe et l'homme en est le principal responsable. En avril, réunis cette fois-ci à Bruxelles, ils nous mettaient en garde sur les conséquences d'un tel réchauffement : vagues de sécheresse ou d'inondations, famines, fontes des glaciers, extinction irréversible de 20 à 30% des espèces végétales et animales…

Pour leur troisième rendez-vous, à Bangkok, au début du mois de mai, les 400 délégués du troisième groupe de travail du GIEC délivrent un message positif : il est tout à fait possible, selon eux, de freiner le réchauffement climatique avec les technologies dont nous disposons actuellement, et pour un coût raisonnable. À condition de s'y mettre tout de suite.

* Groupe Intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat

Limiter les émissions de gaz à effet de serre

Fruit de quatre jours d'âpres négociations, le Résumé à l'intention des décideurs rendu public le 4 mai rappelle que le réchauffement de la planète est la conséquence de l'augmentation des gaz à effet de serre (GES) : rien qu'entre 1970 et 2004, ces émissions ont globalement augmenté de 70%.

Entre 1970 et 2004, les émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane...) ont augmenté de 70%.

Principal secteur mis en cause : celui de l'énergie dont les émissions de GES ont augmenté de 145% durant cette même période. Sont également concernés les transports (120% de hausse), l'industrie (65%) et, dans une moindre mesure, l'agriculture (27% sur la période 1970-1990) et le bâtiment (26%). C'est donc dans ces secteurs qu'il faut agir, en utilisant plus efficacement l'énergie disponible, en privilégiant les énergies renouvelables dans tous les domaines, mais aussi en modifiant nos modes de vie…

Dans le secteur de l'énergie, le GIEC reconnaît que le passage à des technologies non polluantes ne pourra se faire avant des décennies, et qu'en attendant il est plus rentable « d'investir dans l'amélioration de l'efficacité de l'utilisation finale que dans l'accroissement de la production pour satisfaire la demande. » Les experts comptent bien entendu sur le développement des énergies renouvelables qui pourraient représenter 30 à 35% de la fourniture totale d'énergie en 2030. Un type d'énergie qu'ils préfèrent au nucléaire, jugé moins intéressant à long terme (seulement 18% de la production mondiale d'électricité prévue pour 2030 contre 16% pour 2005) et non dénué de risques (sécurité des centrales, prolifération, déchets).

Les recommandations du GIEC pour les différents secteurs

Energie

Technologies déjà disponibles : Améliorations de l'efficacité de la production et de la distribution, passage du charbon au gaz, nucléaire, énergie et chaleur renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien, géothermie et biomasse), applications précoces du stockage du carbone (stockage du CO2 soustrait et traitement du gaz naturel).
Technologies disponibles en 2030 : Séquestration du carbone pour les installations fonctionnant au gaz, à la biomasse et au charbon, progrès dans la production nucléaire avancée, énergies renouvelables avancées, incluant l'énergie des marées et de la houle, la concentration solaire, et le photovoltaïque solaire.

Transports

Technologies déjà disponibles : Véhicules plus efficaces en énergie, véhicules hybrides, diesel plus propre, biocarburants, transfert modal des transports routiers vers le rail et systèmes de transport public, transports non motorisés (bicyclette, marche), planification territoriale et des transports.
Technologies disponibles en 2030 : Biocarburants de seconde génération, aéronefs plus efficaces, véhicules hybrides et électriques avec des batteries plus puissantes et plus fiables.

Bâtiment

Technologies déjà disponibles : Eclairage efficace et utilisant la lumière du jour ; équipements électriques, de chauffage et de rafraîchissement plus efficaces ; meilleurs appareils de cuisson, conception solaire améliorée pour le chauffage et le rafraîchissement, récupération et recyclage des gaz fluorés.
Technologies disponibles en 2030 : Conception intégrée des bâtiments à usage commercial en utilisant les technologies comme des compteurs intelligents apportant des réactions et un contrôle ; solaire photovoltaïque intégré dans les bâtiments.

Industrie

Technologies déjà disponibles : Utilisation finale plus efficace des équipements ; récupération de la chaleur et de l'énergie ; recyclage et substitution des matériaux ; un large éventail de technologies relatives aux process.
Technologies disponibles en 2030 : Efficacité énergétique avancée ; stockage du carbone pour la fabrication de ciment, d'ammoniac et d'acier ; électrodes inertes pour la fabrication de l'aluminium.

Agriculture

Technologies déjà disponibles : Gestion améliorée des terres de récolte et des pâturages ; restauration des tourbières cultivées.

Pas de solution miracle

Freiner de 50% la déforestation tropicale : essentiel contre le réchauffement

Pour les délégués du GIEC, le stockage du carbone peut contribuer à faire baisser la teneur en CO2 de l'atmosphère. Cette pratique nouvelle peut être mise en œuvre à différents niveaux. Dans la production d'énergie ou dans l'industrie, par exemple, où les gaz de combustion pourraient être stockés dans le sous-sol. Mais aussi en maintenant les forêts tropicales ou en réformant certaines pratiques agricoles.

En revanche, le rapport de Bangkok est plus réservé sur le développement d'autres technologies présentées aujourd'hui comme des solutions possibles : fertiliser l'océan en fer (censé provoquer la multiplication du plancton végétal et donc la consommation du CO2), ou bloquer la lumière solaire par des objets placés dans la haute atmosphère, sont autant de solutions « largement spéculatives et non prouvées, avec des risques d'effets collatéraux » et pour lesquelles « aucune estimation fiable des coûts n'a été publiée ».

Un coût acceptable

Selon les experts du GIEC, limiter la hausse des températures de 2 à 2,4°C d'ici 2050 fait partie des objectifs réalisables. Mais il faudra pour cela réussir à stabiliser d'ici 2015 la concentration de GES dans l'atmosphère entre 445 et 490 ppm*. Autant dire qu'il s'agit de s'y mettre au plus vite.

Coût de l'opération : moins de 5,5% du produit intérieur brut mondial (PIB). En outre, la croissance moyenne annuelle du PIB s'en trouvera affectée de seulement 0,12%. En revanche, si rien n'est entrepris, les conséquences du réchauffement climatique (sécheresse, famine...) pourraient amputer annuellement l'économie mondiale de 5 à 20% de son PIB, selon une étude menée l'an dernier par le gouvernement britannique.

Pour les délégués du GIEC, les conclusions de la réunion de Bangkok montrent donc clairement que les arguments selon lesquels la lutte contre le réchauffement est trop coûteuse, nuit au développement des pays pauvres ou qu'il n'y a plus rien à faire, ne sont plus recevables.

* ppm = parties par million

Une feuille de route pour l’après Kyoto

Plusieurs manifestations sont venues émailler les négociations de Bangkok.

Reste que ces recommandations n'engagent en rien les responsables politiques.

Les États-Unis, par exemple, premier émetteur mondial de GES, se satisfont de l'importance donnée dans ce rapport aux technologies énergétiques propres qui valide, selon eux, leur politique en matière de lutte contre le changement climatique. Dans le même temps, James Connaughton, président du Conseil de la Maison Blanche sur la qualité environnementale, émet des réserves sur les objectifs de réduction des émissions proposés dans le rapport, qui entraîneraient selon lui « une récession mondiale »...

Malgré tout, beaucoup de politiques et d'experts estiment que ce document comptera dans l'élaboration d'un nouvel accord international plus ambitieux que celui de Kyoto dont la date d'expiration arrive en 2012. Un sujet qui figurera vraisemblablement à l'ordre du jour de la prochaine conférence ministérielle de l'ONU prévue du 3 au 14 décembre 2007 à Bali.

Olivier Boulanger le 09/05/2007