Biodiversité : l’état de santé des récifs coralliens

L'année 2008, déclarée année internationale des récifs coralliens par une fédération de gouvernements et d'organisations, sonne l'heure d'un premier bilan. Une étude publiée dans la revue Science le 10 juillet 2008 annonce ainsi qu'un tiers des récifs coralliens présentent un risque élevé d'extinction. Même si en dix ans, leur protection a été considérablement renforcée. Reportage à la Réunion.

Par Anne Debroise, le 10/07/2008

Un cas d’école

Les récifs coralliens abritent un tiers de la biodiversité marine.

À la Réunion, le récif ne mesure que 25 km de long. Une misère, comparé aux 2 500 km de la Grande Barrière de corail australienne, championne du genre. Pourtant, l'île appartient à l'archipel des Mascareignes, qui figure parmi les dix « points chauds » de la biodiversité mondiale marine. Des zones à la fois très riches en espèces vivantes et très menacées, que les écologistes conseillent de préserver en priorité. Le récif corallien réunionnais concentre en effet tous les problèmes : une grosse pression touristique, une agriculture polluante, des cyclones, une population importante qui vit en partie de la pêche. Comme maintenant la quasi-totalité des récifs du monde, le récif réunionnais passe chaque année un examen de santé.

Pourquoi faut-il sauver les coraux ?

Au programme : plongées, recensement des poissons, mesure de la proportion de corail vivant. La plongée effectuée ce jour sur le récif de St Paul, sur la côte ouest de l'île, n'est guère rassurante. À la sortie de l'eau, Emmanuel Tessier, directeur du Parc marin chargé de gérer la réserve annonce : « On doit être à 15% de coraux vivants ! ». Pascale Chabanet, spécialiste de la faune corallienne, n'est guère plus optimiste. « Sur les récifs en bonne santé, compter les poissons est vraiment difficile. Il en vient de partout. Ce matin, c'était tranquille, malheureusement. »

Le corail, un animal nommé polype

Les couleurs des coraux sont révélatrices de leur état de santé. Pascale Chabanet, spécialiste de la faune corallienne.

Les couleurs du corail proviennent d'une algue, la zooxanthelle, qui a élu domicile dans les tissus de l'animal. Car le corail est un animal, appelé polype. De la forme d'une méduse, mais qui ne mesure que quelques millimètres, ce polype possède une drôle de particularité. Il bâtit son squelette à l'extérieur de ses tissus. Une cavité calcaire dans laquelle il loge, comme un escargot dans sa coquille.

Les jeunes polypes construisent leur squelette sur le squelette abandonné des générations précédentes. Ils bâtissent ainsi de véritables récifs aux formes variées : en boules, en forme d'arbre ou de parasol. Ces récifs, avec leurs niches pour se cacher, et des polypes que certains poissons broutent, abritent une faune variée : poissons, crustacés, oursins, etc. Une richesse colorée qui explique l'importance écologique et économique des coraux.

Bilan mondial

Sous l'effet du réchauffement des océans, les coraux expulsent les algues qui donnent leur couleur et blanchissent. Les coraux blanchis sont toujours vivants mais affaiblis et donc plus sensibles aux attaques par des agents pathogènes. En 1998, le phénomène climatique El Niño, qui réchauffe les eaux de l'océan Pacifique, a conduit à un blanchissement massif des coraux. Depuis, la grande majorité des 600 000 km² de récifs coralliens du monde sont suivis, par des comptages réguliers comme sur l'île de la Réunion.

Le réseau de surveillance mondial des récifs coralliens publie chaque année son bilan. Pour l'heure, 20% des récifs seraient irrémédiablement détruits, 25% dans un état critique (33% dans l'étude de Science*), 25% menacés et seulement 30% dans un état satisfaisant, comme celui de Nouvelle-Calédonie.

Qu'est-ce qui menace les coraux ?

Une bonne nouvelle : les récifs peuvent reprendre vie. C'est le cas d'un peu plus de la moitié des coraux blanchis en 1998. Une mauvaise nouvelle : les menaces sur les coraux s'accumulent. Le changement climatique s'accompagne en effet de la hausse de la température des océans ainsi que de leur acidification. L'usage des produits phytosanitaires favorisent le développement des algues au détriment des coraux. Et la population qui se rend sur les récifs pour y pêcher ou s'y promener sans trop de précautions, ne cesse de croître.

* K. Carpenter et al, Science Express, 10 juillet 2008

Des aires protégées

Pour lutter contre cette dégradation, près d'un millier d'aires marines protégées ont été délimitées dans le monde. À la Réunion, l'aire marine protégée a été inaugurée en février 2007.

Seuls trois écogardes sont affectés à la surveillance du récif corallien de la Réunion.

Trois écogardes sont chargés d'informer la population de son existence et de la surveiller. « Pour surveiller 45 km de côte, c'est largement insuffisant », déplore Willy, l'un d'entre eux. Qui attend avec impatience des moyens supplémentaires, l'embauche de deux nouveaux écogardes et, surtout, l'autorisation de dresser des PV, voire de saisir les bateaux des pêcheurs contrevenants.

Ces difficultés se rencontrent dans toutes les aires marines protégées. Très peu seraient véritablement efficaces. Selon une étude de l'université d'Auckland en Nouvelle-Zélande, publiée dans la revue Science en juin 2006, si environ 2% des récifs coralliens du monde intègrent une aire marine protégée, moins de 0,1% sont réellement à l'abri de la surpêche, du braconnage et de la pollution. Et cette protection n'est que partielle, puisqu'elle ne peut rien contre le changement climatique à grande échelle et l'acidification des océans. Dans ces conditions, peut-on espérer sauver les récifs coralliens ? Pascale Chabanet veut y croire: « Quand les récifs coralliens sont en bonne santé, on augmente leur résilience, c'est-à-dire leur capacité à s'adapter aux changements globaux ».

Anne Debroise le 10/07/2008