Faut-il poursuivre le dépistage massif du cancer de la prostate ?

D'après l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps), la généralisation du dépistage du cancer de la prostate permettrait de diminuer de 20% la mortalité d'une maladie qui affecte chaque année 150 000 personnes.

Par Paloma Bertrand, le 14/04/2009

Généralisation du dépistage

Grâce à la mise au point d'un test sanguin – le dosage de PSA – le dépistage du cancer de la prostate s'est généralisé depuis une dizaine d'années. 3,5 millions de tests sont pratiqués chaque année pour une population visée, les hommes de 50 à 70 ans, de 9 millions de personnes. Pourtant, le dépistage est controversé, certains experts plaidant pour un dépistage systématique tandis que d'autres font valoir les incertitudes, faute de preuve, de l'impact du dépistage sur la baisse de la mortalité. Afin de pouvoir se prononcer sur ce débat mais aussi en raison de la fréquence de cette pathologie et du coût de sa prise en charge pour la collectivité, l'Opeps, dont la mission est d'éclairer le Parlement sur les conséquences des choix de santé publique, a lancé en 2007 une étude destinée à faire le bilan de la politique de dépistage. Menée par l'Association française d'urologie, cette étude, dont les résultats ont été rendus publics début avril, tranche dans la controverse en affirmant – au regard d'une étude européenne portant sur 162 000 personnes – que la généralisation du dépistage apporte un réel bénéfice en terme de survie.

Bilan contrasté du dépistage actuel en France

Si cette étude est sans ambiguïté quant à l'efficacité d'un dépistage massif du cancer de la prostate sur la mortalité, elle pointe cependant des insuffisances dans le dispositif actuel. Principale faiblesse du système français, « une trop grande hétérogénéité des pratiques de dépistage », dénonce le rapporteur de l'Opeps, le professeur Bernard Debré : le test est souvent réalisé de manière isolée entre le médecin et son patient en dehors de tout cadre de santé publique ; le suivi n'est pas toujours régulier ; et lorsque le test est positif, le résultat est exploité de manière aléatoire, suscitant des examens de confirmation aussi variés que redondants. De surcroît, les patients ne sont pas toujours bien informés. Par ailleurs, des disparités significatives ont été observées selon les régions : en Alsace, dans la région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur et en Île-de-France, le dépistage s'est généralisé alors qu'en Bretagne, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Poitou-Charentes et en Bourgogne cette pratique reste moins répandue. Quant aux stratégies de traitement, elles demeurent, selon les départements voire selon les médecins, très hétéroclites.

Les recommandations de l’Opeps

Coupe histologique : tissus prostatiques avec adénocarcinome

Pour apporter cohérence et efficacité à la politique de dépistage, l'Opeps dégage quatre priorités. Il faut favoriser la détection des formes « agressives » de cancer de la prostate en généralisant les tests biologiques (mesures du taux de PSA) et leur suivi dans le temps. Parallèlement, l'Opeps recommande à l'État de soutenir la recherche et l'expérimentation de deux nouveaux marqueurs tumoraux très prometteurs. Deuxième priorité, il faut rationaliser la filière du dépistage par l'institution d'une procédure standardisée et par la clarification des rôles et des responsabilités de chaque intervenant de la chaîne.

« Il n'y a pas un cancer de la prostate mais il y a un homme avec un cancer de la prostate ! ». Par ces mots Bernard Debré, qui est aussi urologue de formation, pointe la variété des profils de patients et des traitements qui peuvent leur être proposés selon leur âge et leur état de santé. Troisième priorité, l'Opeps juge nécessaire d'améliorer les connaissances des facteurs qui déterminent les différentes stratégies de soins afin de mieux appréhender l'éventail des parcours thérapeutiques possibles.

Le quatrième et dernier axe d'amélioration porte sur les actions de promotion en faveur du dépistage. Ces campagnes sont indispensables pour réduire les inégalités d'accès au dépistage et pour structurer davantage son organisation. À l'instar de ce que l'État a mis en place pour le dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal, le dépistage du cancer de la prostate pourrait s'appuyer sur des structures départementales chargées de le promouvoir. La formation médicale continue des médecins, martèle le Pr. Debré, doit davantage s'intéresser à cette pathologie qui est la deuxième cause de décès par cancer, après le cancer du poumon.

Paloma Bertrand le 14/04/2009