Maladie de Parkinson : la thérapie génique à la rescousse

Une équipe CEA/Inserm annonce un premier succès d'un essai de thérapie génique sur six patients atteints de la maladie de Parkinson.

Par Paloma Bertrand, le 22/10/2009

Secousses et tremblements

La maladie de Parkinson touche en France environ 100 000 personnes et 6,5 millions dans le monde. Décrite pour la première fois en 1817 par le médecin anglais James Parkinson, cette maladie neurologique se manifeste par des tremblements, une rigidité des membres et une difficulté à se mouvoir ; elle trouve son origine dans la dégénérescence des neurones produisant la dopamine.

Avant que les premiers symptômes n'apparaissent et que la maladie soit diagnostiquée, celle-ci a déjà fait son œuvre. La « substance noire » cérébrale, constituée de neurones dopaminergiques, est déjà gravement endommagée.

Il n'existe à ce jour aucun traitement curatif de la maladie. Le traitement médicamenteux le plus couramment utilisé, la L-Dopa, n'enraye pas le développement de la maladie mais corrige les symptômes en stimulant la production de dopamine dans le cerveau. Dans un premier temps le traitement à la L-Dopa permet d'obtenir une amélioration des activités motrices. Ce qu'Oliver Sachs, dans son livre L'éveil, appelle joliment « la lune de miel ».

Les effets pervers du traitement médicamenteux

Car malheureusement ,à plus ou moins long terme, de quelque mois à plusieurs années, le traitement à la L-Dopa a des effets secondaires ravageurs.

Non seulement son efficacité diminue mais il crée chez les malades ce que les médecins nomment des dyskinésies : aux tremblements qui ressurgissent s'ajoute une « danse de Saint-Guy », des mouvements de torsions violents et douloureux qui invalident gravement le malade. Il devient alors difficile, tant pour le patient et l'entourage que pour le milieu médical, de faire la part des choses entre les symptômes de la maladie proprement dite et les conséquences du traitement. Ces effets secondaires pourraient être liés au mode d'administration de la L-Dopa. Car la prise du médicament par voie orale, même régulière, induit une stimulation des neurones en dents de scie : forte au moment de la prise du médicament, la stimulation baisse puis repart lors de la prise suivante. 

Autre conséquence, ce traitement n'agit pas seulement sur la zone touchée mais « irrigue » tout le cerveau, entraînant également des complications neuropsychologiques.

Thérapie génique : refaire fabriquer la dopamine manquante par le cerveau

L'essai de thérapie génique mis en œuvre par Béchir Jarraya et Stéphane Palfi, respectivement neurochirurgien et professeur de neurochirurgie au CHU Henri-Mondor, également chercheurs (CEA, Inserm), vise à pourvoir le cerveau en dopamine de manière continue, régulière et locale.

Trois gènes (AADC, TH et CH1) sont indispensables à la biosynthèse de la dopamine. La stratégie thérapeutique adoptée par l'équipe d'Henri-Mondor consiste à implanter ces trois gènes dans le striatum, la partie du cerveau en manque de dopamine chez les malades, afin qu'ils y fabriquent la dopamine manquante.

Pour amener ces gènes jusqu'au striatum, les chercheurs placent les patients sous anesthésie générale, introduisent une sonde jusqu'à cette zone très profonde du cerveau, puis injectent le vecteur porteur des trois gènes. Ce vecteur est un lentivirus génétiquement modifié, « nettoyé » de la pathologie dont il est porteur (en l'occurrence ici une forme de sida chez les chevaux) et suffisamment gros pour pouvoir accueillir les trois gènes précités. Ce virus transgénique va alors entrer dans la cellule, aller jusqu'au noyau et y libérer les trois gènes « médicaments ».

Du macaque à l’humain

Avant d'être appliquée à six patients, cette thérapie a été testée sur des macaques, avec des résultats très concluants. Les macaques malades ont récupéré, six semaines après l'injection, 80 % de leur capacité motrice et cette amélioration est restée stable dans le temps.

En 2007, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a donné son accord pour débuter des essais cliniques chez l'homme. Et ce sont les premiers résultats qui ont été publiés le 15 octobre 2009 dans le supplément médical de la revue Science. Cet essai clinique de phase I visait tout d'abord à prouver l'innocuité de cette thérapie. Trois patients ont été traités en mars 2008, puis trois autres d'octobre 2008 à mars 2009. Aucun effet indésirable n'a été noté jusqu'à présent et la santé des patients s'est globalement améliorée.

Pas avant 2013-2014...

L'essai devrait entrer prochainement en phase II pour vérifier l'efficacité de la thérapie et rechercher les doses optimales. Une étape longue, d'après les chercheurs qui souhaitent, en parallèle, conduire un autre essai clinique sur des patients qui seraient pris en charge à un stade plus précoce de la maladie. La phase III, qui consiste à traiter plusieurs milliers de patients, n'est pas envisagée avant 2013/2014 et nécessitera en particulier la fabrication de lentivirus à grande échelle, une prouesse technologique délicate et onéreuse.

Reste que la chirurgie dans cette thérapie génique est lourde et qu'elle ne pourra, si son efficacité est prouvée, concerner de toute façon qu'un nombre réduit de malades.

Paloma Bertrand le 22/10/2009