Mozambique : sur la piste de la « biodiversité négligée »

Depuis le 5 novembre 2009, une équipe internationale de scientifiques participe au premier inventaire terrestre des forêts du nord du Mozambique. Objectif : décrire les trésors de la faune et de la flore dans un espace encore inexploré.

Par Romain Lejeune, le 05/11/2009

Un programme d'envergure

Photo aérienne de la forêt tropicale sèche du Mozambique

Deux mois avant le coup d'envoi de l'Année internationale de la biodiversité, le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et Pro-Natura International, en partenariat avec l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s'associent pour lancer un programme de nouvelles expéditions naturalistes prévues sur dix ans : « La Planète revisitée ». Il s'agit non pas de se pencher sur les espèces « à poils et à plumes », mais sur les invertébrés, les insectes, les mollusques, les champignons... toute cette « biodiversité négligée », jusqu'ici très peu explorée et qu'il reste à découvrir.

Après le succès de la mission Santo, programme d'exploration qui permit d'échantillonner 10 000 espèces au Vanuatu (Pacifique Sud) en 2006, le premier volet de ce nouveau projet du Muséum se déroulera au Mozambique puis à Madagascar. « Nous sommes la première génération de scientifiques conscients qu'un tiers ou la moitié de la biodiversité disparaîtra d'ici la fin du siècle et que 80% des espèces ne sont pas encore décrites », constate Philippe Bouchet, chargé de mission « Grandes Expéditions naturalistes » et professeur au MNHN. Programmée jusqu'en juin 2010, le programme démarre le 5 novembre par une expédition terrestre de cinq semaines dans les forêts côtières du nord du Mozambique.

Une région condamnée à disparaître ?

Etudier les régions tropicales ?

Ces régions boisées font partie d'un ensemble d'écosystèmes plus vastes, connus sous le nom de « forêts côtières d'Afrique de l'Est ». Elles sont identifiées par les biologistes comme une zone majeure de biodiversité. Situées à la fois au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique, ces forêts figurent sur la liste des vingt-cinq sites forestiers prioritaires pour la conservation et sont considérées comme l'un des dix écosystèmes d'Afrique les plus menacés de disparition. La déforestation induite par l'agriculture et l'exploitation du bois reste la principale cause de cette disparition annoncée. Aujourd'hui, autant les forêts kenyanes et tanzaniennes ont déjà été étudiées, autant les informations concernant le Mozambique sont quasiment inexistantes*.

* Une expédition britannique du Royal Botanic Kew Gardens rassemblant vingt-huit chercheurs de différentes nationalités, a exploré, fin 2008, les 7 000 hectares de la forêt du Mont Mabu (nord du Mozambique). Les résultats de cette étude ne sont pas encore publiés.

Une collaboration internationale avec le Mozambique

Carte des forêts à l'étude

Sous la direction d'Olivier Pascal, directeur des programmes pour l'ONG Pro-Natura International, vingt-cinq scientifiques de diverses disciplines et de différents pays (Afrique du Sud, France, Kenya, Mozambique, Royaume-Uni, Zimbabwe...) participeront à l'expédition et se déplaceront en camp mobile sur une zone d'environ 20 000 km² où ils disposeront d'équipements d'accès à la canopée des forêts. « Il s'agit véritablement d'un travail préparé depuis des mois en partenariat avec les institutions du Mozambique. Sur place, nous travaillerons ensemble afin de coordonner au mieux les recherches. » Pour Olivier Pascal, comme pour tous les participants à ce projet, la collaboration avec le pays hôte est une priorité.

L'un des partenaires locaux, l'Institut de recherche agronomique du Mozambique (organisme en charge de l'inventaire des ressources naturelles en dehors des aires protégées) est déjà engagé dans l'exploration biologique des forêts d'altitude. Il est un partenaire majeur du projet Mozambique 2009. « Impliquer les compétences nationales et régionales est essentiel, nous explique Olivier Pascal, pour ancrer ces inventaires dans la durée et favoriser l'émergence de compétences scientifiques locales. »

Terrains observés et objectifs scientifiques

« Explorer la biodiversité, c’est un peu comme faire de l’archéologie préventive… »

La mission se déroule dans la province du Cabo Delgado à l'extrême nord du pays, sur une bande côtière d'environ 250 km du sud au nord (de la capitale Pemba à la frontière tanzanienne) et sur 50 km d'est en ouest à partir du littoral. Les régions de Quiterajo et Palma seront toutes deux examinées à la loupe par l'équipe de scientifiques.

Les zones d'études sélectionnées permettront d'étudier les deux composantes de la mission, « végétation et flore » et « zoologie », l'objectif principal étant la description des vestiges des forêts côtières sèches du nord du Mozambique. Dès lors il s'agira non seulement d'étudier la composition de la faune (petits mammifères, oiseaux, insectes…) et de la flore, mais aussi de caractériser les différents types de végétation rencontrés et d'en dresser « l'état sanitaire » pour d'éventuelles mesures de conservations ultérieures.

Romain Lejeune le 05/11/2009